Brigitte 7/7

Brigitte.
Chapitre 7/7

Elle s’est précipitée à la porte au premier coup de sonnette. Elle a tout de même pris la précaution de regarder à travers l’œilleton en finissant de boutonner la grande chemise qu’elle portait depuis son réveil : c’était bien elle ! Elle a ouvert la porte à Marie.
Après une brève hésitation, elles ont échangé une bise sur la joue, un peu empruntées l’une et l’autre.
Depuis leurs chastes baisers de la veille, elles gardaient une distance prudente, ne parlaient plus que de choses insignifiantes, ne se trahissant l’une à l’autre que par des regards vite détournés ou des sourires timides.
- Bien dormi ?
- Mmm, moyen … et toi ?
Un simple haussement d’épaules et un sourire ont suffi.
- Je croyais que tu devais préparer tes affaires ! t’as pas résisté au soleil ?
Brigitte a compris qu’elle parlait de sa tenue, de la chemise blanche qu’elle venait de reboutonner avant d’ouvrir la porte :
- Non, j’ai pas résisté ! j’aime trop la chaleur et le soleil ! mais j’étais debout à 7 heures, j’ai eu tout le temps de préparer mes paquets !
- T’es matinale!
- J’arrivais plus à dormir. Tu t’es levée tard, toi ?
- Plus tôt que toi. Tout est prêt. Tu auras une chambre toute propre et des draps frais.
Elles s’étaient décidées hier. Brigitte ne voulait pas rester dans l’appartement. Bien sûr Pascal avait dit qu’il passerait et ne resterait peut-être pas, mais elle préférait malgré tout quitter l’appartement, ne pas sans arrêt craindre sa venue. Elle avait parlé d’hôtel. Marie lui avait proposé l’une des chambres vides de son pavillon, avait rajouté « en attendant ».
- T’es garée loin ? Tu veux qu’on descende mes affaires tout de suite ?
- J’ai prévu de la main d’œuvre, ils viendront vers 17 heures, on a le temps.
Brigitte a froncé les sourcils :
- Comment ça, de la main d’œuvre ?
- Louis et Sonia, des amis. Toi t’as pas l’air inquiète, mais moi si ! Au moins prudente … je le connais pas ton mari, moi, et ce que tu m’as raconté me rend prudente !

(((Comme d’habitude : petit flash back pour ceux qui ont zappé les épisodes précédents ! Je n’ai plus d’illusions ! Je sais bien qu’il y en a parmi vous qui n’ont pas lu les 6 premiers chapitres !
« Brigitte ne supporte plus la vie que lui impose son mari, Pascal, elle veut le quitter.

Marie, devenue son amie, plus ?, est venue l’aider. »
Il y aurait tant de choses à dire pour que vous sachiez tout ! … et si vous lisiez ce qui précède ? En bas de la page d’accueil, dans la liste des auteurs les plus prolifiques, tapez sur mon nom ! tous mes textes sont là ! … s’il vous plaît …)))

- Qu’est-ce que tu leur as dit ?
- Qu’il y avait deux faibles femmes à protéger et des cartons à porter ! T’inquiètes pas !
Marie avait tout naturellement passé un bras autour des épaules de Brigitte et la secouait gentiment en lui disant de ne pas s’inquiéter.
Elle a très vite enlevé son bras en faisant un pas en arrière, et Brigitte s’est amusée avec un petit sourire :
- Tu t’es brûlée ?
- Presque … elle baille un peu, là !
Elle a pointé un doigt sur le haut d’un sein découvert par un boutonnage incomplet.
- Je vais aller me changer !
- Mais non ! reste comme ça … on a le temps … et puis t’es belle comme ça … allez montre-moi ces valises et ces cartons !
- C’est dans la chambre … tu vas résister ?

Elles ont continué tout l’après-midi sur ce ton-là, exutoire à la tension qui montait, due la visite de Pascal qui approchait.

Louis et Sonia sont arrivés plus tard que prévu, les trouvant énervées toutes les deux. A tous les quatre, ils ont rassemblé dans le salon les deux valises et les cinq lourds cartons que Brigitte avait préparés. Sonia, connaissait déjà un peu Brigitte par des conversations avec Marie, et n’a pas manqué de lancer quelques piques à son amie, ayant assez vite remarqué leur manière de s’éviter tout en se tournant autour :
- … et donc, elle va dormir dans ta chambre d’amie ?
avec un grand sourire innocent,
- … c’est bien de ta part d’aider une fille dans le besoin … je suppose que le fait qu’elle soit aussi jolie est un heureux hasard …
en admirant les courbes de Brigitte qui posait un carton au sol.
Louis, quelques minutes plus tôt, était revenu dans le salon avec un énorme sourire :
- Je suis pas venu pour rien ! Sacré châssis sa copine !
- Qu’est-ce qu’il te prend ?
- Elle se changeait dans la salle de bains, j’ai pas fait gaffe ! Waouh, mes aïeux ! Un sacré con, son mec, de la larguer !
- Qu’est-ce que tu fichais dans la salle de bains ?
- Envie de pisser, ça arrive, non ?
- Ouais … et c’est pas lui qui la largue, c’est elle qui s’en va ! elle est où, Marie ?
- Elle amène le dernier carton.


Pascal a sonné à la porte à sept heures passées. Quand elle a ouvert, elle a eu la surprise de le voir entrer accompagné de Chantal. Ni l’un ni l’autre ne lui ont dit bonjour, s’engouffrant dans l’appartement en se dirigeant vers le salon. Elle a refermé la porte derrière eux. Pascal s’était déjà retourné vers elle, le regard dur :
- Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est qui, ceux-là ?
Elle est passée devant lui sans répondre en se dégageant de la main qui voulait saisir son bras et est allée s’asseoir sur le canapé entre Marie et Sonia, contournant Chantal. Louis est sorti de la cuisine, un torchon sur l’épaule, leur a serré la main à tous les deux ; Chantal avait un sourire indécis aux lèvres, Pascal avait l’air furieux en regardant Louis s’adosser à la porte donnant sur la terrasse.
- Des amis. Ils sont venus m’aider à déménager mes affaires. Après tout, c’est chez toi ! je vais pas rester squatter !
- Comment ça, déménager tes affaires ? Quelles affaires ? Et d’où tu connais ces gens, toi ?
Il s’est dirigé vers la chambre :
- Viens ! J’ai à te parler, dépêche-toi !
- Viens t’asseoir avec nous, on sera mieux. Asseyez-vous Chantal. Vous voulez boire quelque chose ? Louis, tu veux bien amener deux verres en plus ?
Brigitte ne s’était pas du tout attendu à la présence de Chantal. Elle se sentait rassurée de la présence de Marie, Sonia et Louis. C’est exprès qu’elle avait demandé à Louis de leur servir à boire, pour ne pas, elle, passer à côté de Pascal, parce qu’elle avait senti l’éclair d’inquiétude dans le regard de Pascal en voyant ce grand gaillard le toiser en lui serrant la main.
En passant à côté de Chantal qui venait de s’asseoir du bout des fesses sur un fauteuil, un sac en plastique sur les genoux, sur le chemin de la cuisine, Louis s’est arrêté :
- Donnez, je vais vous débarrasser !
Chantal a protesté mais Louis avait déjà pris le sac. Il s’est arrêté net quelques pas plus loin, le visage baissé sur le sac ouvert.

Il s’est retourné vers le salon, a plongé la main dans le sac et en a sorti une cravache de cuir noir :
- Vous faites du cheval, madame ?
Chantal s’était levée précipitamment et venait vers lui la main tendue vers le sac :
- Rendez-moi ça, s’il vous plaît !
Louis s’est écarté d’un pas, fouillant le sac du regard. Il était très pâle quand il a relevé la tête. Il regardait fixement Chantal, qui a reculé et s’est laissée retomber sur le fauteuil.
Louis a jeté un coup d’œil à Brigitte, a vu ses deux mains crispées sur ses genoux.

Il a compris à ce moment pourquoi Marie lui avait demandé de venir, et pourquoi Sonia avait renchéri :
- C’est pas pour porter trois cartons, Louis, c’est pour que tu montres tes muscles et ta tête de boxeur ! ça nous rassure, nous les filles ! allez, viens avec nous !
Il a jeté un nouveau coup d’œil au fond du sac, et s’est tourné vers Pascal :
- C’est par hasard, je suppose, que vous vous baladez avec tout ça ?
Il n’avait pas l’air aimable ; Pascal a fait un pas en arrière.
Sur la table du salon, Louis a jeté ce qu’il sortait du sac : la cravache de cuir, une paire de menottes, un sorte de mors en lanières de cuir, un sachet en plastique qu’il a tourné en tous sens dans ses mains avant de le jeter lui aussi sur la table. Sonia s’est avancé vers la table, a pris dans sa main les lanières de cuir, les tournant dans tous les sens, front plissé, puis le sachet plastique, et s’est tournée vers Brigitte :
- Pardon Brigitte, pardon, Marie m’avait dit, mais … j’y croyais pas, j’y croyais pas …
Elle a reposé sur la table basse le sachet d’aiguilles chirurgicales.
Tous sont restés silencieux un long moment, jusqu’à ce que Brigitte s’adresse à Pascal :
- Tes clés sont sur la desserte du couloir, prends-les, je mettrai mon trousseau dans la boîte aux lettres en partant. Tu peux vérifier les cartons, si tu veux. Je ne te vole rien.
Chantal s’est levée et a quitté le salon, Pascal a suivi.
Il a jeté un regard venimeux à Brigitte ; il a tourné les talons quand Louis s’est interposé entre elle et lui. Il est parti sans un mot, Louis a refermé la porte dans son dos.

Marie s’est levée et a débarrassé la table du salon des horreurs que Louis y avait posé, a tout remis dans le sac en plastique que lui tendait Louis :
- Je suis contente que tu sois venu, toi et tes muscles … tu vas pouvoir porter les cartons !
- Il n’y a plus rien à elle ici ?
- Non … je crois pas …
- Je peux casser deux trois bricoles, avant de partir ? j’aimerais assez !
Sur le canapé, Sonia n’arrivait pas à détacher ses yeux de Brigitte ; elle a pris ses mains entre les siennes :
- Y a de l’alcool chez toi ? J’ai besoin d’un truc fort !
Marie s’est agenouillée devant Brigitte :
- Et tu hésitais quand je t’ai proposé de venir !!!
- Je croyais pas qu’il irait jusque là … t’as bien fait d’amener Louis.
- Moi ça m’aurait plu qu’il insiste ! J’aime pas me battre … mais ça m’aurait plu, cette fois ! Je crois même que j’aurais giflé la nana avec plaisir ! C’est qui au fait ?
Brigitte s’est levée et a ouvert le buffet :
- Qu’est-ce qu’on boit ?

Sonia et Louis ont suivi Marie et Brigitte, transportant une partie des cartons sur le siège arrière de leur voiture. Louis s’inquiétait. Pendant tout le trajet, il surveillait les voitures qui auraient pu les suivre, prenant très au sérieux son rôle de protecteur.
Ils ont mangé ensemble chez Marie. Pendant le repas, aucun d’eux n’a parlé de ce qui c’était passé, surtout pas de ce qui aurait pu se passer.
En partant, Louis a serré Brigitte très fort dans ses bras et a montré Marie :
- Si elle t’embête, tu sors dans le jardin, tu te faufiles à travers la haie et tu tapes au volet. On te trouvera un lit, t’inquiète pas.
- T’habites à côté ?
Marie a glissé son bras sous le bras de Brigitte :
- Tu vois, on a de bons voisins !

Brigitte est passée la première par la salle de bains pour se préparer pour la nuit, et s’est assise sur son lit dans la petite chambre où Marie l’avait installée. Tout était rose dans la chambre : le papier peint où des moutons poursuivaient de petits nuages, les doubles rideaux, le bois de lit, même l’abat-jour de la lampe de chevet et la descente de lit à longs poils de laine étaient roses.
- Désolée pour la couleur ! C’était ma chambre de petite-fille. Je voulais refaire la déco, et puis je repousse tout le temps.
Marie était restée sur le pas de la porte, en nuisette satinée bleu roi et shorty assorti.
- Tu as tout ce qu’il te faut ? ça va ?
- Mais oui, tout va bien …
- Bon … je te laisse, alors, bonne nuit …
- Bonne nuit …
Marie a fait un petit signe de la main en disparaissant dans le couloir.
- Marie ?
- Oui ?
Elle est réapparue très vite dans l’encadrement de la porte. Brigitte tendait la main vers elle :
- Viens … pas longtemps …
Marie s’est assise au bord du lit à côté de Brigitte, les mains nouées en prière sur ses jambes. Toutes les deux regardaient les moutons sur le mur en face d’elles.
Brigitte a déplacé un pied, poussant ses orteils contre le pied de Marie. Elles ne se regardaient pas, mais toutes les deux souriaient, et toutes les deux devinaient le sourire de l’autre.
Marie s’est déplacée sur sa gauche, collant sa hanche à la hanche de Brigitte.
- Mes pieds sont plus grands que les tiens.
- Je suis plus bronzée que toi.
- Moi j’ai une cicatrice, là, accident de vélo.
- Faut que je m’épile, ça repousse.
- Ils sont moches ces moutons, non ?
- Bouge pas, t’as un cil, sur la joue … ça y est, parti.
Leurs mains s’étaient trouvées, les doigts s’étaient noués. Les serrements de doigts racontaient une autre histoire que leurs propos sans suite …

… Marie s’est levée, entraînant Brigitte à sa suite.
- Tu dors de quel côté ?
- A gauche.
- Ça marche. Tu veux un deuxième oreiller ?
- Non, c’est bon, de toute façon je vais le virer dans la nuit.
- Tu veux que je ferme la fenêtre, t’as froid ?
- Non, laisse.
- Mais tu trembles …
- C’est rien.

Sans jamais en parler ouvertement, elles ont pris leurs habitudes, dormant dans le même lit tous les soirs de la semaine. Elles échangeaient une bise de bonne nuit avant de se coucher, jamais dans le lit, évitaient tout contact conscient dès l’instant qu’elles étaient couchées, alors que ces contacts se multipliaient à l’envie tout au long de la journée, d’une main sur la taille ou sur un bras.
L’une ou l’autre se réveillait parfois dans la nuit en sentant une jambe sur la sienne ou un bras en travers de son ventre, se retirait doucement ou s’écartait avec précaution. Elles évitaient soigneusement de se croiser dans la salle de bains, chacune attentive à l’intimité de l’autre, passant pourtant le plus souvent la matinée en tenue de nuit, tenues légères en raison de la chaleur de fin juin qui se maintenait, Marie portant un petit top satiné et un shorty, Brigitte un grand t-shirt couvrant ses fesses et une petite culotte.
Marie se levait tôt, s’installait à son bureau pour travailler. Dès le premier jour et tous les jours suivants, Brigitte venait lui dire bonjour vers 9 heures, lui faisant une bise sur l’épaule en posant un mug de thé sur son bureau, restait quelques minutes, arrangeant ses cheveux, lui caressant doucement le bras nu.
Souvent au cours de la matinée Marie sentait la présence discrète de Brigitte à l’entrée du bureau, qui l’observait en silence. Elle levait les yeux de son écran, voyait son reflet souriant sur la vitre de la fenêtre ouverte.
Dès le premier jour, Brigitte avait ouvert un compte dans la banque de Marie et y avait transféré le contenu de son livret d’Epargne sur lequel Pascal avait procuration, de crainte qu’il ne le vide pour la priver de ressources.
Elle avait pris en charge l’intendance, faisant l’inventaire des placards et du frigo, établissant une liste de courses et tenant les comptes à jour. Elle passait ses matinées à effec les tâches ménagères ; Marie avait protesté, mais Brigitte n’en avait pas tenu compte, prétextant qu’elle y était habituée et que ça l’occupait.
Marie lui avait conseillé de patienter avant de se mettre en recherche d’un emploi, lui proposant de battre le rappel de ses amies dans un premier temps.
Sonia était passée dans la semaine pour leur dire bonjour ; elle avait trouvé Marie au travail et Brigitte dans le salon en train de repasser, avait remarqué l’ordre inhabituel qui régnait dans la maison. En partant, elle avait fait un clin d’œil à Marie qui la raccompagnait et lui avait glissé : « … joli petit couple … » ; elle avait fui en riant quand Marie l’avait menacée de son poing en rougissant.
D’autres que Sonia, dans la galerie marchande où elles avaient fait quelques courses, avaient dû se faire la même réflexion en voyant deux jeunes femmes se promener main dans la main, le regard brillant, un sourire si particulier aux lèvres qu’on voit souvent sur le visage des amoureux, la main sur une épaule quand elles regardaient une vitrine, finissant en effleurement d’une boucle de cheveux, les mains qui se retrouvaient, doigts croisés.

Le vendredi soir, Catherine, l’amie de Marie avec qui elle avait souvent parlé de Brigitte du temps de leurs échanges sur MSN, les a invitées à dîner chez elle.
- Chez qui ?
- Catherine, une amie, et relation de boulot aussi.
- Qu’est-ce qu’elle fait ?
- Elle organise des séminaires professionnels, je fais des traductions pour elle de temps en temps, elle fait un peu ma promo auprès de ses clients.
- C’est … une amie comment ?
- Ah … on a été assez proches, pas longtemps, et depuis on est copines, justes copines … le plus souvent …
- T’as eu … t’as déjà été … enfin, longtemps avec quelqu’un, quoi …
- J’ai vécu un peu plus d’un an avec quelqu’un, oui, il y a … quatre ans.
- T’es toute seule depuis ?
- Pas tout le temps, mais rien qui compte.
- C’était … des femmes, toujours, ou … ?
- Des femmes.
- Excuse-moi, je devrais pas …
- Mais si, au contraire, ça ne me gêne pas, et puis je sais tellement de choses de ta vie, que je trouve tes questions très normales. Ne t’inquiète pas.
Brigitte a embrassé la joue de Marie :
- On s’habille comment ? je voudrais pas te faire honte !
- Mets une culotte propre, ça ira bien !
- Pourquoi ? Faudra se déshabiller ?
- Ma maman me disait toujours qu’il fallait toujours être propre sur soi, au cas où … elle m’a jamais dit ce que c’était ce « au cas où » mais je crois pas qu’elle pensait à un dîner entre copine. Et … si tu soulèves ta jupe devant ma copine …
- Mmm ? Alors ?
- Rien … j’ai failli dire une grosse connerie !
- Qu’est-ce que t’allais dire ?
- Non, laisse …
Brigitte a passé ses bras autour de la taille de Marie, a collé son front au sien :
- Je me doute … c’est que des mots, tu sais, avec toi, j’ai peur de rien, rien du tout.
- Tu devrais pourtant, je suis championne nationale de chatouilles !
Elle l’a serrée d’un bras, lui pinçant la taille de l’autre main, essayait d’éviter que Brigitte ne glisse les mains sous ses bras … les joues rougies, le souffle court, haché de rires et de petits cris, elles ont roulé sur le canapé, Brigitte immobilisant une jambe de Marie entre ses cuisses, lui plaquant les deux mains au dossier du canapé, ses seins trop proches du visage de Marie …
Elles ont arrêté de lutter en même temps, essoufflées, ont relâché leurs prises. Brigitte s’est redressée, assise sur un genou de Marie, qui se mordait la lèvre inférieure, a froncé les sourcils et porté une main à sa bouche.
Brigitte l’interrogeait du regard.
- Je sens … je le sens …
- … quoi ?
Marie a un peu soulevé la jambe sur laquelle Brigitte était assise :
- Là … c’est dur …
Brigitte s’est relevée très vite, les joues écarlates, et les yeux brusquement mouillés, a tourné le dos à Marie en remettant son t-shirt de nuit en place.
Marie s’est relevée et a refermé ses bras autour de Brigitte, se plaquant contre son dos :
- Hey, c’est rien, je savais … je voulais pas te vexer …
Brigitte ne bougeait pas, essuyait ses yeux de la paume de sa main :
- J’ai gardé que çui-la … j’ai jeté les autres …
- Pourquoi ?
Brigitte a haussé les épaules :
- Pour me rappeler … parce qu’il me fait mal …
- … je comprends pas …
- C’est ma vie d’avant … c’est pas à moi de l’enlever … j’ai pas d’autre vie …
Lentement, Marie a dénoué ses bras et a fait un pas en arrière, a pris Brigitte par les épaules pour la retourner face à elle. Elle cherchait ses yeux, lui a soulevé le menton d’une main pour les trouver.
Elle a écrasé sous son pouce une grosse larme qui roulait sur la joue de Brigitte, suivi ses lèvres entre-ouvertes du pouce. Aucune des deux ne baissait les yeux. Les souffles étaient apaisés. Plus de rides au front, pas de sourire aux lèvres.
Marie a doucement hoché la tête et murmuré :
- D’accord. D’accord Brigitte. Une autre vie …
Elle l’a prise par la main, a remonté le couloir en la tirant derrière elle, à petits pas, jusqu’à leur chambre, l’a aidée à s’allonger et s’est agenouillée sur le lit à hauteur de ses hanches.
Elle est restée longtemps immobile, les deux mains à plats sur ses cuisses, ses yeux allant des yeux de Brigitte à ses jambes.
Après un profond soupir, elle a avancé une main pour soulever le t-shirt, puis l’autre pour le relever à la taille, découvrant la culotte de coton blanc, ornée d’un petit papillon de satin tout en haut, sur l’élastique qui mordait haut la taille. Elle s’est mordu la lèvre en découvrant, là où n’aurait dû apparaître que le bombé du mont de Vénus, deux bosses arrondies, disgracieuses, déformant le coton. Elle a posé une main un peu tremblante sur une cuisse, yeux baissés, a repoussé une mèche de cheveux derrière son oreille.
Elle a glissé les deux index sous l’élastique de la culotte, l’a soulevé en glissant ses doigts vers les hanches, puis vers les fesses quand Brigitte s’est légèrement soulevée, l’a abaissée sur les cuisses, tirée jusqu’aux pieds.
Dès qu’il a été découvert, elle n’a plus quitté des yeux l’éclat brillant de l’anneau dont la partie supérieure était visible entre les deux lèvres du sexe légèrement ouvertes et soulevées de l’épaisseur du tore qui traversait à mi-hauteur du sexe les chairs rougies, à presque un centimètre du bord de chaque lèvre. L’anneau se terminait par deux grosses billes.
Marie pleurait ; à cause de la laideur de l’objet planté là sur l’intimité de Brigitte ; à cause de l’horreur de l’acte lui-même nécessaire pour traverser la chair fragile et y glisser ces cinq millimètres de métal froid et brillant ; à cause de l’abjection à imposer la douleur physique, à faire acte de possession jusqu’au symbole de ce sexe fermé.
Elle savait, après les récits de Brigitte qu’une au moins sinon les deux billes se dévissaient. Elle se souvenait que comme Sonia, elle avait hésité à croire …
Les mains tremblantes, elle a dévissé une bille, maladroite, hésitante à manipuler l’anneau, chaque mouvement de ses doigts déformant, étirant, malmenant, d’autant qu’elle évitait de toucher franchement le sexe, non pas qu’elle répugnait à le toucher, mais par crainte de faire mal ; elle a pourtant dû s’y résoudre pour ôter l’anneau, prenant chaque lèvre l’une après l’autre entre deux doigts et le faisant glisser avec l’autre, difficilement, jusqu’à ce qu’elle mouille l’anneau d’un peu de salive.
Elle l’a déposé sur la table de chevet où elle a pris un mouchoir pour s’essuyer les yeux et moucher son nez.
Depuis qu’elle avait déshabillé Brigitte, elle n’avait plus croisé son regard, et continuait à l’éviter. Elle s’est penchée pour déposer un baiser sur le sexe mutilé puis s’est couché à côté de Brigitte, le visage au creux de son cou, une jambe passée sur les siennes.
Brigitte a refermé un bras sur ses épaules, caressé son visage de sa main.
De longues minutes plus tard, Marie s’est redressée et a redressé Brigitte à côté d’elle, gardant ses deux mains dans les siennes :
- Tu veux bien essayer une autre vie ? une autre vie … avec moi ?
Le visage de Brigitte s’est éclairé d’un magnifique sourire :
- Oh oui je veux.

Elles se sont serrées l’une contre l’autre, serrées très fort, et se sont levées. Brigitte a renfilé sa culotte de coton, Marie a fait glisser l’anneau d’un doigt dans le tiroir de la table de chevet.
Il était l’heure de s’habiller pour aller dîner chez Catherine, l’amie de Marie.

Elles n’avaient même pas à ce moment encore échangé de vrai baiser. Et cela n’avait pas la moindre importance pour elles tant il leur était évident qu’elles étaient unies l’une à l’autre. Simplement, le temps était venu, alors quelques heures, un jour, elles n’y pensaient même pas.

FIN (peut-être)

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