Evasion (7)


Mikael loge dans une maisonnette de plein pied, comprenant trois pièces, cuisine et salle de bain. Modeste en fait la description tandis qu'il conduit sa toute nouvelle voiture pour se rendre chez le jeune homme. Il ajoute:
<< - J'crois qu'y s'ra content de te loger l'temps qu'tu restes ici. La compagnie, ça lui manque.
- Il ne part jamais en vacances?
- L'a trop peur que j'l'abandonne. Y veut pas m'lâcher. R'marque, j'biche comme un pou. Ça m'flatte. Mais y sait pas qu'moi aussi j'ai les foies qu'y m'laisse tomber. Qu'est-ce tu veux? J'y tiens à mon p'tit lapin, autant qu'à bobonne et qu'à mes gosses. Alors tu peux imaginer. Tu me croiras pas mais j'queute plus avec les autres bonnes femmes, maintenant. J'ai mon compte avec ces deux là. Des voraces qu'y sont, j'te dis pas! Faut assurer, des fois. Mais j'me débrouille pas trop mal. Ça y est, on y est. >>

Modeste passe devant Aubin, lorsqu'ils pénètrent dans la maison. Ils aperçoivent Mikael, affalé dans des coussins, nu, queue raide à l'air, main masturbatrice en action. Il déclare:
<< - J'me préparai pour toi, Modeste. Mais qui t'amène? Ah par exemple! L'aubin qu'est là! Ça fait un paire qu'on l'a pas fait tous trois! D'puis qu't'es parti, par le fait. >>

Pelle magistrale en guise de bienvenue. Les bouches décollées, il se renseigne:
<< - Bon, qu'est-ce qu'est le plus pressé, pour vous deux? Manger ou niquer? >>

Modeste se déshabille, imité par un Aubin qui pige de suite le programme, rétorque:
<< - Les deux mon capitaine. Remarque, Modeste m'a donné un acompte tout à l'heure.
- L'salaud, y perd pas d'temps. Pense qu'à lui, l'cochon! T'es là d'puis longtemps?
- Non, je suis arrivé en début d'après-midi.
- L'aurait pu t'am'ner d'suite ici, l'Modeste. L'avait peur qu'on s'la donne tous deux, sans lui, pour sûr.
- Il ne savait pas que j'étais là, il m'a croisé quand je venais de quitter Paulin.


- Ah! T'es au courant d'la grande affaire? Bon, on s'en fout. On s'intéresse qu'à nous. >>

La voix est chaleureuse, aimante. Aubin retrouve la grosse pine de Modeste, celle parfaitement proportionnée de Mikael qu'il estime n'avoir guère changée, forcie un peu, sans plus. Ces deux là, pense-t-il, sont amoureux l'un de l'autre au point que le Mikael parle comme le Modeste, fait les mêmes gestes. Pour l'heure sa préoccupation devient tout autre. En effet, quatre lèvres gobent sa queue qu'elles triturent merveilleusement tandis que des doigts habiles fouraillent son anus et titillent ses couilles. Machinalement, il s'allonge sur les coussins, lève les jambes. Une langue côtoie sa rosette pendant qu'une paire de fesses se présente devant son visage à des fins identiques. Il lèche le cul de Modeste, jetant de temps à autres un regard sur ses bourses qui se balancent au rythme de son lever-baisser. Les corps glissent un tantinet. Mikael, bite capotée, encule doucement Aubin alors que la queue de Modeste se présente devant ses lèvres. Il la gobe et lui inflige la fellation qu'elle mérite. Au bord de l'éjaculation, Modeste se retire, revêt un préservatif, s'accroupit derrière Mikael qu'il enfile suavement. On pousse des "han" chargés de reconnaissance. On s'active jusqu'à laisser échapper les coulées de foutre dans le latex et, pour Aubin, sur son ventre arrosant au passage celui de Mikael. Ces premiers ébats s'achèvent par un nettoyage sommaire à l'aide de serviettes de bain. Tandis que l'on cuisine, mignotages, câlineries et autres polissonneries sont de mise. Nul ne dédaigne s'asseoir sur une queue enflammée de désir bien que couverte. Nul ne rechigne à sucer un gland demandeur. Toutes ces coquineries exigent du temps. On passe à table vers les 23h! Les appétits s'avèrent gargantuesques: prendre des forces devient indispensable compte tenus des événements passés et à venir. Las! Les ébats précédents, les ripailles copieusement arrosées, ont raison de l'endurance des trois hommes qui, à peine allongés sur le lit de coussins à même le parquet, trouvent tout juste la force de se rouler quelques pelles délicates avant de s'endormir pesamment.
Vers 4h Modeste se réveille, bite en position de combat. Sans hésiter, il la capote avant de planter Mikael qui ronronne de bonheur tant son rêve le comble. Revenu à la réalité, positionné derrière Aubin, il frotte sa queue contre ses fesses. Ce dernier ouvre les yeux, comprend la demande. Préservatif, lubrifiant, et hardi petits gars. La queue se glisse dans l'anus d'un Aubin en effervescence. Mikael ne cache pas sa joie de se retrouver pris en sandwich. Les matraques émettent leurs jets de foutre alors que les corps se crispent, que les gorges grondent leur jouissance. Suivent de petits jeux entre amis du même sexe, anodins. Modeste interrompt la séance:
<< - Faut qu'j'y aille, les jeunes! J'suis pas en vacances, moi, pour sûr! Vous dépensez pas trop, tous deux. Faut m'en laisser pour c'soir. Seulement, j'passerai pas la nuit entière avec vous. Juste un p'tit coup avant d'aller rejoindre bobonne. J'crois qu'ses histoires d'bonne femme c'est fini pour c'te fois. Salut les poulets mignons! >>

Modeste quitte la pièce, rejoint la salle d'eau puis la chambre. Un quart d'heure plus tard il part travailler. Mikael et Aubin changent d'endroit, gagne le lit sur lequel ils se rendorment tendrement enlacés, les lèvres jointent dans un baiser voluptueux. Le maître de maison susurre, d'une voix pleine de reconnaissance et d'envie:
<< - J'vais t'la mettre pour dormir. Tu sais, c'est grâce à toi qu'j'aime enculer. T'as été l'premier à m'le proposer. J'oublierai jamais. Alors, tu veux?
- Vas-y. Ne te gêne pas. >>

Tout heureux d'obtenir gain de cause, un peu honteux de sa hardiesse, Mikael habille sa queue d'un préservatif avant de l'introduire dans l'anus offert. Quelques mouvements afin d'agrémenter la pénétration et les deux amants s'endorment contents. Lorsqu'ils se réveillent, deux heures plus tard, ils s'activent logiquement, laissant les chairs s'assouvir dans une baise tranquille et apaisante.

Un vrai maître de maison, Mikael.
Aux petits soins pour son invité. On le sent heureux de sa nouvelle vie indépendante. Il profite d'avoir quelqu'un sous la main pour se confier ou parler de tout et de rien. Aubin, l'écoute, admirant sa naïveté, son entrain, son bonheur:
<< - … Moi, Aubin, j'en d'mande pas plus. J'ai mon Modeste, on s'la fourre souvent. J'sais qu'il est amoureux d'moi, pour sûr. Mais j'lui dis pas, il aimerait pas que j'sache, par le fait. Y'en a qui voudraient plus. Pas moi. Faut pas rêver à mieux si on peut pas l'avoir. Moi, ici, j'aurais pas mieux qu'Modeste. J'veux dire un gars qui vivrait avec moi tout l'temps, comme deux mariés, quoi! Moi j'me contente de lui. Lui s'contente de moi. On s'fait des largesses, comme y dit. Lui s'arrange pour passer quelques nuits avec moi. Moi j'accepte d'temps en temps d'sauter sa bobonne avec lui ou elle nous regarde baiser. J'aime pas trop mais faut que j'fasse plaisir à mon Modeste, pour sûr!
- Si tu allais en ville?
- Pourquoi faire? J'sais tout juste lire, écrire et compter. J'ai toujours fait l'épicier, par le fait. J'sais rien faire d'autre. Et pi, j'ai la flemme d'apprendre. J'sais pas apprendre. Et j'sais même pas si j'aimerai apprendre. Non, moi c'est ici que j'suis l'mieux, pour sûr. Après, mes vieux iront en retraite et m'laisseront la boutique, qu'y disent. Tu vois, mon avenir est assuré. J'cherche pas à m'éparpiller ailleurs avec d'autres gens, par le fait. R'garde l'Élias! Y voulait vivre en ville. Ses parents refusaient: trop cher qu'y disaient, les rapaces, avec tous les sous qu'y z-ont. Ben il leur a tout dit, même que t'avais baisé avec lui. Le père a pas supporté: dehors qu'il a gueulé, veux plus jamais t'revoir, dégénéré, qu'y lui a dit. Tout l'village l'a su. Faut dire, qu'après l'affaire Mathilde et Paulin, ça tombait à pic, un goût de r'venez-y au scandale porno, si tu vois c'que j'veux dire. En fin de compte, Élias s'est retrouvé gros jean comme devant: son bout d'étude a servi à rien, pas même à trouver un boulot.
Il était à la cloche, ou presque quand il a appris qu'Paulin s'installait seul. Y lui a couru après, l'a supplié. Maintenant, y vivent ensemble. L'vieux paye, pour sûr. Et Élias encaisse, par le fait. Paulin c'est pas son unique client, faut pas croire! Quand y va ailleurs pour ses affaires, eh ben y'a du beau monde qui grimpe dans l'appartement tâter du jeunot: de l'antique mais du riche, les visiteurs! Est-ce qu'y sait, l'Paulin? J'sais pas trop. P't'être bien qu'y sait mais fait semblant d'pas savoir… >>

Aubin laisse Mikael monologuer. S'il ne perd pas un mot de ce qu'il dit, il réfléchit. D'abord une sorte de dégoût s'empare de lui: dégoût pour ces familles qui ne comprennent rien sous des prétextes de morales ou de religion; dégoût envers Elias qui doit supporter ces chairs flétries ou surabondamment grasses ou sèches et ridées. Ensuite, germe une idée sournoise, un coup vachard contre un certain Gus. Une vengeance sans aucun risque de retour de bâton.
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Quatre jours, quatre nuits à forniquer ou fort niquer! Lorsqu'Aubin ferme son sac de voyage, il sent ses jambes flageolantes et se demande si elles vont pouvoir le porter. Vers 5h, ce matin, se déroulaient les adieux en bonne et due forme. Galipettes grivoises, inspections profondes, se sont quelque peu éternisées au point que Modeste est parti en retard. Mikael tente d'obtenir d'ultimes câlins: un vorace le petit! Aubin concède quelques innocentes privautés. Le premier devenu raisonnable accompagne le second à l'arrêt du car puis, après une poignée de main des plus viriles, rentre chez lui.

À F… Aubin se rend chez Paulin qui avait pris soin de glisser sa carte de visite dans le livre. En l'absence de celui-ci, son colocataire ouvre la porte:
<< - Aubin: ça par exemple! Quelle surprise!
- Paulin m'a laissé ses coordonnées, l'autre jour.
- Je suis au courant. Vous vous êtes croisés. Mais il n'est pas là aujourd'hui. Il est parti pour B… en tant que conférencier.
- Ça tombe bien, c'est toi que je voulais voir seul à seul.
- Un goût de revenez-y, peut-être ? >>

Aubin ne répond pas. Élias l'invite à entrer. Tous deux s'installent dans le salon-salle à manger. Dégustation de bière avant d'entamer la conversation, ce que fait Aubin:
<< - Tu as changé, Élias. Tu as mûri, c'est vrai, mais tu donnes dans le fatigué.
- Toi, Aubin, ne te fatigue pas. Je sais très bien que tu es au courant pour Paulin et moi. Tout le monde le sait, d'ailleurs. Et je n'en fais pas mystère.
- Bon, d'accord! Bien que je comprenne comment tu as pu en arriver là, j'ai du mal à l'accepter. Cependant, je ne me permets aucun jugement te concernant. Sache-le. Je déplore ta situation, voilà tout. En même temps, cela m'a donné une idée. Serais-tu intéressé par un séjour dans la capitale, à mes frais, évidemment?
- En échange de quoi?
- Un défi. Rien de vraiment dangereux. Un genre de blague… >>

Aubin explique ce dont il s'agit, dans les grandes lignes, proposant d'en étudier les détails ultérieurement d'un commun accord en cas d'acceptation. Élias réfléchit, le temps de deux lampées de bière, accepte l'offre:
<< - … Ça me sortira un peu d'ici. De toute façon, il faut que je me barre. Je croupis dans ce patelin. Il y a un peu de ta faute, Aubin. Peut-être que si tu ne m'avais pas laissé tomber…
- Peut-être… peut-être… tu as déjà gâché une fois l'excellent souvenir du moment passé ensemble, n'insiste pas plus. Nous étions d'accord, tu n'as pas respecté cet accord et m'as obligé à ne pas le respecter.
- C'est vrai. N'en parlons plus. Bon! Quand commence-t-on notre petite opération?
- Le plus tôt possible.
- Laisse-moi appeler Paulin, faire ma valise, et je suis prêt.
- Que vas-tu lui dire?
- La vérité: je quitte la ville pour ailleurs.
- Je serais toi, je ne romprais pas complètement avec lui.
- Sa bedaine me fatigue. Il ne parle que de sa bonne femme. Mathilde par ci, Mathilde par là. Il me gonfle avec sa Mathilde! En plus il compte le moindre sou. C'est pour ça que je fais des extras… Je suis jeune, moi, pas un vieux croûton calfeutré éternellement dans son fauteuil à lorgner la télévision, quand même!>>

Aubin n'écoute plus, se contente de crier:
<< - Je reviens dans deux heures! Tiens-toi prêt! >>

En réalité, il n'a pas envie de rester. Il préfère aller se détendre au sauna, expurger toutes les toxines amassées ces derniers temps.
Peu de monde, que du beau monde. Aubin aime observer sans toucher, rarement, bien sûr, mais de temps à autres… Un splendide latino, pur jus sud américain, lorgne vers lui, exhibant ses attributs… très mous et très petits. S'il avait arboré un outillage plus en conformité avec la réputation de ses congénères, Aubin aurait certainement cédé à l'appel des sens. Mais là, ça ne vaut pas le coup! Il snobe l'admirateur au teint bronzé, à l'œil noir pétillant, à la lèvre ourlée pulpeuse. L'homme ne s'avoue pas battu. Il insiste en portant sa main sur le fessier du blanc bec qui savoure la maestria en matière de pelotage: sait y faire le gredin! Malgré lui, malgré ses bonnes intentions, malgré son manque de sève, Aubin répond aux avances du beau malandrin. Il tend ses lèvres, reçoit la langue virtuose dans sa bouche. Une de ses mains s'en va perquisitionner aux environs du bas-ventre uruguayen. Pour la première fois de sa vie, Aubin comprend ce que signifie l'histoire de la petite bête qui monte, qui monte. De quasi inexistante, elle devient monstre à lécher et il ne s'en prive pas, dardant de grands coup de langue sur l'énorme gland rubicond qui, illico, s'épanche en de longues coulées blanchâtres, risquant de pénétrer la gorge. Le suceur se retire à temps. Le monstre connaît certaine faiblesse l'obligeant à retrouver sa forme première niveau microscopique. L'hidalgo tient à se faire pardonner, doigte généreusement l'anus d'Aubin avant de le taquiner avec sa langue. De nouveau, la petite bête monte. Renaissance du monstre aussitôt revêtu d'une capote couvrant à peine la moitié du pénis. Autre bouffage de cul avec lancers abondants de salive. Seconde séance de doigts polissons. Enfin, pénétration en douceur mais en profondeur pour pistonnage long et savoureux. Aubin glousse de joie, sans perdre la notion du temps: il a rendez-vous. Mais son enculeur est un rapide, question éjaculation, même pour sa seconde livrée. Jets fournis, denses, longs, énergiques. D'une main experte, les doigts étrangers enserrent la queue d'Aubin qui se crispe alors qu'un bras le plaque contre le corps puissant de son amant. Décharge fulgurante, au grand étonnement du possesseur qui croyait n'avoir plus de jus. Plein de gros bisous partout, sous la douche entre autres. On se quitte bons amants. Aubin soupire: pourquoi cet adorable mec ne s'installe-t-il pas au camping? Il hausse les épaules: un jour, il rencontrera son prince charmant, pour sûr diraient Mikael et son Modeste.
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Cinq heures de train! Pas très réjouissant, surtout pour la moitié du trajet avec un seul compagnon de voyage, Élias, dans le compartiment: un mec qui pleure sa vie, ses espérances, vomit des projets plus crétins les uns que les autres. Aubin se demande s'il serait bien sage de continuer avec un pareil olibrius. Tout y passe, y compris les spécialités ou désirs d'une clientèle exigeante avec l'art d'aimer selon Élias. Aubin se contente d'approuver d'un signe de tête, ses pensées ailleurs. Encore deux semaines de vacances. Aura-t-il le temps de mener sa petite vengeance au bout? Pourquoi, d'ailleurs, cette vengeance après tout ce temps? Ne serait-ce pas plutôt une envie inconsciente de revoir Gus, un prétexte pour le revoir et (qui sait?) le reconquérir? Comment est-il, maintenant? Une question effleure son esprit, question qu'il évitait soigneusement: Gus vit-il avec un mec? Aubin a peur, il ne se le cache pas. Peur de céder à n'importe quel prix. Peur d'accepter n'importe quelle bassesse qui lui permettrait de retrouver les caresses d'un Gus à nouveau son seigneur et maître. Mais le maître est-il prêt à reprendre son souffre-douleur, son gagne pain? La place est probablement prise. Alors, que faire? Tout à coup, Aubin remarque que son voisin dort: silence dans le compartiment. Il l'imite s'accordant, de la sorte, le droit d'oublier ses cogitations.

Un ramdam réveille les dormeurs. Bruits de porte s'ouvrant, de pas, de valise posée sur le porte-bagages, d'une personne à la corpulence imposante s'asseyant à l'autre bout de la banquette déjà occupée par Élias. Le calme revenu, Aubin se rendort, espérant reprendre son rêve là où il l'avait abandonné. Ils s'installent dans une grande maison, lui, Modeste et Mikael. Ils se jurent de vivre, constamment nus afin de pouvoir accéder aux uns et aux autres à tout moment, dès qu'une envie de chair s'empare d'eux ou de l'un d'eux. Les trois sont avides de leurs corps. Ils se lèchent, ils s'aspirent… Nouveaux bruits ne provenant pas du rêve mais de la réalité. On chuchote, on froisse du tissus, on se frotte contre le skaï des banquettes. L'inconnu propose d'aller aux toilettes. Élias rétorque que ce n'est pas nécessaire, Aubin étant de la "confrérie". En plus il dort. En étant discret, tout se passera bien, selon lui. Intrigué, Aubin tente un premier regard. Il soulève ses cils, à peine, entrçoit Élias penché sur la braguette de l'autre, bouche ouverte, prête à gober un bout de chair encore inanimé. Les mains du monsieur s'acheminent sous le tee-shirt de son futur suceur pour aller fouiner sous son jean et tâter la raie. Il se couche presque sur Élias afin de lui enfourner un ou deux doigts dans le cul. C'est ce que suppose le voyeur. Les faits lui donnent raison. Le spectacle n'a rien de réjouissant. Les chairs du sucé dépassent de son pantalon, de sa chemise, flasques elles s'étalent presque sur le dos d'Élias qui s'applique à provoquer une bandaison fort hypothétique. Dégoûté, Aubin s'apprête à quitter le compartiment lorsqu'il aperçoit, entre les rideaux, un pan d'uniforme dans le couloir. Une voix lui parvient: le contrôleur arrive. Sans hésiter, il tousse, se lève comme pour sortir, déclare:
<< - Le contrôleur. Dépêchez-vous de vous rhabiller! >>

Élias ne semble pas gêné, il obtempère. Le gros monsieur, plus rubicond qu'un rouge vermillon, gesticule, maugréant des paroles inintelligibles. Tout le monde se rassoie. Deux minutes plus tard, la porte s'ouvre:
<< - Messieurs bonjour! Vos billets, s'il vous plaît! >>

Élias regarde Aubin à qui il adresse un clin d'œil accompagné d'un soupir. Le monsieur, toujours aussi rouge, donne puis reprend son billet. Lorsque le contrôleur s'en va, il grogne, peu aimable, tout en se levant:
<< - Vous faites un joli tandem, tous les deux. La morue et son maquereau! >>

Le gros vieux reprend son bagage, quitte le compartiment, furax. Aubin éclate de rire. Élias bondit pour rattr son client, déclarant:
<< - Mon fric! >>

Aubin le retient. Son fou rire calmé, il constate:
<< - Laisse tomber. Il fera un scandale et nous serons emmerdés. De toute façon, tu n'as pas achevé ton travail, si tu vois ce que je veux dire.
- Merci quand même de nous avoir prévenus. Au fait, tu ne dormais pas, hein?
- Pas vraiment.
- Tu nous guignais.
- C'était le premier aperçu. Mais ne crois pas que j'ai pris plaisir à vous regarder. Pas joli, joli! Une telle vision devrait te donner envie d'arrêter, crois moi. >>

Élias hausse les épaules, reprend place. Aubin ferme les yeux, désireux de retourner dans ses rêves. Il n'y arrive pas. Il revoit ces deux corps affalés sur la banquette, le vieux libidineux et gras sur le jeune soucieux d'empocher quelques maravédis. Aubin se raisonne. Lui-même, ne faisait-il pas la pute pour un certain Gus? Certes, on lui imposait des clients. Mais le résultat est identique. Bon, Gus a profité de lui, de son amour, pour le prosti à son insu. Mais lui, Aubin, se préparait à prosti Élias en le jetant dans les bras de Gus contre monnaie sonnante et trébuchante, sans connaître où cela mènerait et les risques encourus. Et tout ça pourquoi? Il ne le sait pas. Aucun but défini. Il espérait que Gus tomberait amoureux d'Élias, que ce dernier, une fois l'autre bien pris, le laisserait tomber. Plan idiot puisque, en réalité, n'était prévue que la rencontre: Aubin se promettait d'aviser, avec l'accord d'Élias, selon les événements. Encore plus idiot! Pourquoi échafauder un plan absurde sans raison précise, sans en projeter le but? Aimerait-il encore, et toujours, Gus? Jamais il n'a cessé de penser à lui. Dans un esprit de vengeance, croyait-il. Faux! Archi-faux! Il ne ressassait pas un ressentiment contre le beau mac. Il cherchait inconsciemment à le retrouver, à faire pardonner sa fugue. Seulement, il craignait que le Gus ne le rejette pour cause d'abandon, de façon plutôt méchante, en le faisant tabasser après l'avoir soumis à une tournante. L'idée des coups, de redevenir un trou à bites, ravive la raison d'Aubin. Oui, il aime encore et toujours cette saleté de Gus! Oui il veut se blottir de nouveau contre ce corps de mâle en chaleur, ce corps qui l'a tant fait jouir! Mais sans les rossées, sans les clients. Il veut l'aimer, le chérir, en couple normal de personnes qui s'aiment, qui se chérissent.
D'un coup, Aubin ouvre les yeux, secoue Élias endormi, s'écrie:
<< - On annule tout!
- Tout quoi?
- Réveille-toi! On annule ta rencontre avec Gus. Excuse-moi, Élias. Je n'aurais pas dû te brancher dans cette affaire. Tu vaux mieux que ça.
- Alors on fait juste l'aller retour, maintenant?
- Non! On va rester quelques jours, histoire de faire la fête et de voir si tu peux vivre là-bas. Je connais des gens qui pourraient t'aider. J'espère qu'ils ne m'auront pas oublié. Alors, qu'est-ce que tu en penses?
- On peut toujours essayer. Mais je n'ai pas beaucoup de fric.
- Si tout va bien, nous n'en n'aurons pas besoin des masses. >>

Le train ralentit, s'arrête. Élias quitte le wagon, oubliant son sac que prend Aubin qui le suit des yeux. Sur le quai, il voit le jeune parler avec l'inconnu vieux et bedonnant. Il s'approche, écoute Élias:
<< - …. Ce n'est pas mon mac, c'est un copain du village où j'habitais avec mes parents. Mais que ça ne t'empêche pas de me payer. Sinon je gueule, ici, ce que tu voulais de moi. Je n'ai rien à perdre. Toi tu as mémère. Ce n'est pas elle qui se pointe là-bas? Allez, aboule! >>

Le vieux, surpris, médusé presque, au bord de l'apoplexie, mort de trouille, porte machinalement sa main dans la poche intérieure de sa veste, en sort un portefeuille dont il extirpe deux billets de 100 euros, prix convenu, prenant grand soin de ne pas être vu par la matrone qui vient vers lui. Élias les arrache des doigts de l'autre, ajoute:
<< - Ce n'est pas de ma faute si le contrôleur arrivait. Tu devrais remercier mon copain de nous avoir avertis. >>

Fier de lui, Élias rejoint un Aubin au bord de l'évanouissement tant la honte l'envahit. Honteux pour Élias, honteux pour lui, honteux pour le vieux.
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Marie-Lou ouvre la porte. Ses yeux en disent long sur sa surprise:
<< - Ben merde alors! Aubin! Pour un sacré coup, c'est un sacré coup! >>

Elle laisse entrer les deux arrivants tout en inspectant Aubin des pieds à la tête. Une fois la porte refermée, celui-ci réclame:
<< - On ne fait plus le bisou à son amour impossible? >>

Marie-Lou se jette dans ses bras, plaque ses lèvres sur les joues du garçon, lui administre quatre bisous aussi sonores que sincères. Quelques larmes commencent à poindre au coin de ses yeux. Elle trouve la force de dire:
<< - On te croyait mort, ma pauvre puce!... >>

Et d'invectiver gentiment Aubin sur son départ, le pourquoi il n'a prévenu personne ni donné de nouvelles. Il répond le plus complètement possible, sans s'attarder sur ses états d'âme de l'époque ou de maintenant. Enfin, il présente Élias, resté sagement dans son coin sans rien dire. Là encore, discussion franche. Aubin explique la situation de son copain. Il termine:
<< - … Toi seule peux l'aider à se sortir de ce bourbier.
- Ne me dis pas que tu es revenu uniquement pour que je l'aide.
- Non, bien sûr. J'avais prévu mon come back, avec ou sans Élias… >>

On papote longuement, une grande partie de la journée, toute la soirée. Élias apprend le passé d'Aubin. Il comprend pas mal de choses mais se garde bien de quelque réflexion que ce soit. On en vient aux problèmes immédiats. Marie-Lou consent à les héberger. Aubin pour quelques jours, Élias jusqu'à ce qu'il décide de son avenir et dans la mesure où il compte prendre une autre voie que celle de la prostitution, ce qu'il accepte.
Fatigués par le voyage, les garçons s'endorment dans le canapé du salon. Sommeil profond sans idées grivoises ou cochonnes.

Lever en douceur. La maîtresse de maison est partie au travail. Après un copieux petit déjeuner, Aubin et Élias vont en reconnaissance. Doux parfum de la capitale pour le premier qui retrouve l'atmosphère de son premier quart de siècle d'existence. Attirance pour le second qui espérait depuis si longtemps venir ici se dégourdir les méninges et le reste, comme il se plaisait à le dire. Le soir, ils dînent en compagnie de Marie-Lou. Ensuite, ils vont en boite, chez les hétéros. En effet, Aubin craint de croiser inopinément Gus dans une boîte homo. Il préfère provoquer lui-même ces retrouvailles afin de mieux les maîtriser, croit-il. Le trio se déchaîne sous les stries lumineuses des lasers, se laissant envahir par la musique plus qu'assourdissante. Vers 3h du matin, ils se couchent, éreintés.
Un peu plus tard, ni Aubin, ni Élias ne peuvent dormir. L'un pense demain, l'autre savoure son bonheur d'être dans la capitale. Machinalement, ils s'étreignent laissant leurs lèvres se coller tendrement pendant que les corps s'agglutinent l'un contre l'autre. Soucieux d'éviter tout bruit (les canapés ça grince, c'est bien connu!), ils installent une couverture sur le parquet et se jettent dessus, après avoir, au préalable, pris quelques capotes. Les bouches s'abandonnent, s'occupent des braquemarts en effervescence. Les mains palpent, tâtent, titillent, frôlent, fouillent. Les anus se dilatent émettant leur précieux lubrifiant naturel. Les voilà comblés, chacun leur tour, par un pistonnage emmailloté en règle, dans la douceur, dans la profondeur. On étouffe les gémissements de plaisir, les soupirs de satisfactions, les petits cris lorsque la sève s'écoule sur les ventres après une masturbation réciproque. Essuyage rapide. On remonte sur le lit, sans bruit. On s'endort enfin.

Marie-Lou s'est rendue disponible pour la journée. Elle se propose d'accompagner Élias afin de dépatouiller sa situation. Libre, Aubin décide d'affronter ce qu'il appelle Sa vérité. Métro, bus, le voilà dans sa banlieue, dans son chez lui. Les tours aux peuplades multicolores surplombent le quartier. Quelques immeubles, de taille plus raisonnable, plus humaine selon certains, paraissent minuscules. Aubin sait que si une connaissance le voit, Gus en sera averti dans la minute. Quelque chose lui dit que Gus n'habite plus ici mais qu'il y vient régulièrement, son camp de base en quelque sorte. Aubin reconnaît les lieux. Les rideaux de ses anciennes fenêtres ne sont plus les mêmes. Timidement, il s'approche du hall d'entrée, lorgne les boîtes aux lettres: autre nom sur celle qui fut la sienne, un couple, Mr et Mme.
Un peu dépité, Aubin retourne dans la capitale. Il déambule dans son jardin favori, là où tant d'amants sont tombés sous son charme, où tant d'autres l'ont charmé. De nouvelles têtes, évidemment, peu d'anciennes et toutes des non consommables. Donc, la faune intéressante a migré sous d'autres cieux. Ses yeux scrutent les fourrés. Ce serait drôle de croiser Gus en position porno! Pas de Gus, que des fesses ou des queues fort occupées les unes des autres et qui ne préoccupent nullement le visiteur. Continuant sa marche, Aubin arrive à proximité du quartier où, jadis, il laissait éclater ses folies, avant Gus. Ses folles copines, casées ou pas ont déménagées. À l'époque, elles avaient entre 16 et 20 ans! Alain, la grande déhanchée … Joseph, la boulotte et tant d'autres. Toutes folles viriles aux culs ardents aux queues foudroyantes. Folles, certes oui! Mais mâles dans la baise!
Tout en baguenaudant dans les rues, Aubin se dirige, presque malgré lui, vers le bistro favori de Gus, celui où il daignait, en de rares occasions, l'emmener avec lui. À quelques centaines de mètres, il aperçoit Michette avec ses vêtements aux couleurs éclatantes, ses talons hauts en 43 fillette (virile). Toujours aussi mondaine lorsqu'elle tapine, la gourgandine. Va-t-elle reconnaître l'arrivant? Non. Elle le regarde, lointaine, désabusée, l'œil hagard. Aucun doute, elle vire e, la chérie. Cette pensée rend Aubin triste. Il l'aimait bien, la Michette. Il passe son chemin, se retrouve devant l'estaminet. Rien de changé là encore. Alors son absence n'a rien bouleversé! Déçu, Aubin. On croit qu'une absence, la nôtre, chamboule tout son monde. Idiot! A travers la vitrine, il reconnaît un dos, Le dos, à n'en pas douter. En face de ce dos, un marlou glisse un paquet sous la table que son voisin att et fourre dans sa poche. Le donneur regarde vers Aubin, dit quelques mots au preneur qui se retourne. Le voyeur s'éclipse vite fait non sans avoir reconnu préalablement l'objet de sa venue. Gus non plus n'a pas changé, toujours aussi beau, aussi mac, aussi magnétique. Les deux hommes sortent du bar. Le marlou s'exclame:
<< - J'te jure! C'est l'Aubin! J'l'ai assez kiffé pour savoir que c'est lui! >>

Désemparé, Gus cherche alentours. Aubin est passé sous un porche. Dix minutes plus tard, prudemment, il sort de sa cachette. Cent mètres plus loin, Gus fume une cigarette, appuyé sur un mur, l'air rêveur mais toujours aussi observateur. Aubin se faufile dans la bouche de métro toute proche non sans entendre:
<< - Aubin, attends! Attends-moi! >>
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Gus peste contre ces gens qui l'empêchent d'aller plus vite. En plus, ces connards râlent parce qu'il ne s'excuse pas de les bousculer! Bande de nases! Deux ou trois fois il repère la silhouette d'Aubin qui se faufile dans la foule. Maintenant il s'enfuit dans cette rame qui vient juste de démarrer. Gus la voit quitter la station, cherchant également à repérer Aubin, en vain. Rageur, vexé, Gus sort du métro: il n'aime guère rester là-dedans, avec ces mauvaises odeurs, toute cette populace grouillante qu'il estime menaçante. Surtout, il exècre la promiscuité dans les lieux publics. Peut-être est-ce la raison qui le pousse à ne jamais se rendre à l'ANPE devenue depuis peu le Pôle Emploi? En résumé, lui se déplace exclusivement en voiture (celle des autres, évidemment). Pas question de vélo, de mobylette et autre scooter, encore moins de bus ou de métro. Parfois il songe à une moto, modèle ancien, type Harley Davidson de la grande époque. Ça, oui, ce serait classe. On a sa dignité, tout de même! Il regagne son bistro favori, perplexe s'agissant de la surprise du jour.
Donc Aubin revient. D'évidence, il tient à garder la maîtrise de leurs retrouvailles, c'est certain. Il ne saurait en être autrement. Aubin en pince toujours pour son Gus. Là encore, c'est une certitude. Il cherche un moyen de revenir sans trop de casse, autre évidence. Mais qu'est-ce qui a bien pu le décider à ce retour? Stan? Il l'aurait revu après sa tentative de dénonciation? Certainement pas. Alors?
La serveuse s'approche de Gus qui, bougon, totalement obnubilé par l'événement du jour, la renvoie paître:
<< - J'ai déjà consommé! Tu ne peux pas attendre, non?
- Et alors? Tu vas pas passer la journée devant un café? Ici, c'est pas une salle d'attente!
- Tu fais chier, la meuf. Bon, envois un demi panach'. >>

Tandis que la fille le tarabustait pour qu'il commande une autre consommation, une pensée traversait l'esprit de Gus: c'est ici, dans son bistro favori, qu'Aubin le recontactera, donc il restera ici à le guetter. Et cette fois-ci, il ne le ratera pas, foi de Gus!

À suivre…


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