Vous Cherchez Une Baby-Sitter? (Chapitre 15)

Chapitre 15

Elodie pestait. De colère, elle venait de jeter son téléphone contre le mur du
vestiaire sous l’œil ébahi de Myriam :
- Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
- Il est mort ce putain de truc !
- Tu m’étonnes ! Le mur aussi a souffert …
- Avant ça ! La batterie …ou je sais pas … marche plus !
- Euh … et puis il marchera plus jamais, maintenant !
Elle venait de se faire engueuler par l’infirmière de garde qui lui avait laissé un
message pour qu’elle commence exceptionnellement à 14h00 au lieu de 16h00. Sauf que ce
message, elle ne l’avait pas reçu !
Depuis quelques jours elle le rechargeait régulièrement pourtant, mais la batterie
devait être foutue. Elle avait fait son propre numéro depuis le fixe de la réception :
rien ! Silence total.
Elle avait été fâchée de ne plus recevoir d’appels de Nina depuis mercredi, mais
n’avait pas essayé, elle, de la joindre. Elles avaient convenu que c’est Nina qui
appellerait, pour éviter d’éventuels problèmes avec sa famille. Elle avait rongé son
frein sans rien dire. Elle savait que Philippe devait la retrouver chez ses parents ce
week-end ; elle avait mis ce silence sur l’empêchement dû à sa présence. Et en fait
c’était sa faute ! La faute de son vieux Nokia qu’elle n’avait jamais voulu changer et
dont ses amis se moquaient.
Elle comprenait maintenant pourquoi elle n’avait plus de nouvelles. Depuis son départ,
Nina l’avait appelée tous les jours, souvent vers midi. Elle ne s’était pas inquiétée
le jeudi, un peu plus le vendredi, mais s’en était cachée, pour faire bonne figure
devant Myriam.
Sans un mot, Myriam lui a tendu son téléphone portable.
- Non, pas maintenant …j’appellerai ce soir, elle m’a dit après 10 heures si …
en cas de problème.
Elle croisait les bras très fort contre sa poitrine en fixant les débris de son
portable au pied du mur, les repoussait du pied en secouant la tête.

Elle a ramassé
les morceaux éparpillés et a jeté le tout dans la poubelle d’un geste rageur.
- Tu t’inquiétais …
Elodie a haussé les épaules :
- Elle s’inquiète peut-être aussi … ou pas … elle a le soleil, ses gosses … et
moi je réponds plus ! … quelle connerie ! J’ai pas fait gaffe …
Elle a poussé un soupir et a ouvert son vestiaire pour se changer, est restée un
instant immobile devant le casier ouvert avant de s’en détourner pour s’asseoir sur un
banc les mains croisées reposant sur ses genoux. Tête basse, elle se balançait
lentement d’avant en arrière, le regard vide.
- Elle a dû croire … et puis elle a peut-être pas essayé de me joindre, je me
fais des idées …
Bien sûr Elodie lui avait dit qu’elle était amoureuse, mais sans doute parce qu’elle
prenait toujours tout avec légèreté et dérision, Myriam n’avait jamais bien mesuré à
quel point Elodie tenait à Nina ; sa mine défaite et malheureuse, l’amertume de ses
propos le lui faisait comprendre dans l‘instant mieux que tous les mots qu’elle
ponctuait d’un grand sourire, d’une pirouette et d’une boutade ; assise sur le banc,
repliée sur elle-même, elle ne se cachait plus.
Myriam s’est assise à côté d’elle, son épaule collée à la sienne, un bras sur ses
épaules.
- Eh, les filles ! Vous vous câlinerez plus tard ! Y a du boulot !
Le regard qu’Elodie a jeté à l’infirmière en se redressant l’a empêchée de poursuivre
sur le même ton :
- Bon … vos plannings sont prêts … allez, dépêchez-vous …
- On va le faire, ton boulot ! C’est bon !

Jamais le temps ne lui a semblé aussi long ; jamais elle n’avait été aussi absente à
ses patients que ce lundi. Elle travaillait vite, ne répondait que du bout des lèvres
aux bonjours, ne prêtait qu’une oreille distraite aux propos. Elle d’habitude si
souriante, qui plaisantait avec les uns et les autres, demandait des nouvelles de leur
famille et s’inquiétait de leurs petits tracas, se montrait distante, effectuait les
soins de manière mécanique, allait de salle en salle en jetant un œil assassin à la
grande pendule murale suspendue au bout du couloir.
Certains s’en sont agacés,
d’autres plus nombreux ont compati, imaginant qui des ennuis, qui un chagrin, ou
montraient une sollicitude qui laissait Elodie indifférente et muette.
Parce que les résidents s’ennuient, et que rien ne les distrait autant de leur
inaction e qu’un changement même minime dans leur quotidien sans relief, les
rumeurs les plus folles ont commencé à se rependre à l’étage où Elodie prodiguait ses
soins, rumeurs qui enflaient et se nourrissait de l’imagination de chacun au fur et à
mesure des échanges chuchotés entre les résidents, confiés aussi à ceux qui venaient
sur rendez-vous, et se répandaient jusqu’aux personnels soignants.
Peu avant 20h00, quand l’infirmière de nuit a pris son service, elle a ainsi appris
des filles qui se changeaient dans le vestiaire, de quelques résidents croisés qui la
prenaient à part pour lui confier sous le sceau du secret, toutes les rumeurs les plus
folles qui couraient dans le service : que la pauvre petite Elodie avait eu un décès
dans sa famille, puis que son petit copain l’avait quittée, qu’elle était enceinte, à
preuve sa petite mine « moi aussi j’étais dans cet état, je m’en souviens bien », et
qu’elle devait avorter, puisque le père n’assumait pas, « tous pareils, ces hommes ».
Pour d’autres elle avait été agressée, « je sais qui c’est, mais je peux pas vous
dire, je vous avais dit qu’il est bizarre » et « faut dire qu’elle est un peu
aguicheuse, vous trouvez pas ? », d’autres encore parlaient de cambriolage « ça m’est
arrivé, c’est comme un viol, vous savez », et puis elle avait aussi raté ses examens
et la faculté refusait de la réinscrire, quel malheur, une si gentille jeune-fille, si
dévouée …
Quant à la collègue dont l’infirmière de nuit prenait le service, elle lui a
simplement dit qu’elle avait pris son service en retard et qu’elle l’avait trouvée
dans les vestiaires dans les bras de la nouvelle, la petite rousse qu’elle leur avait
présentée :
- C’est sa petite amie ? Tu crois qu’elle est … ?
C’est cette question-là vite complétée d’avis éclairés qui a commencé à circuler parmi
le personnel soignant, raison pour laquelle toutes les conversations s’arrêtaient
brusquement quand Myriam entrait dans la salle de pause, et qui justifiait les coups
d’œil tantôt réprobateurs, tantôt évaluateurs et égrillards.

Elodie était totalement sourde à ces rumeurs et ne prêtait aucune attention aux
regards appuyés de ceux des quarante-trois résidents et neuf personnels soignants
qu’elle croisait.
De toute façon, si après les quatre heures pendant lesquelles les rumeurs avaient
courues elle avait réuni tout le monde pour leur dire « mon téléphone ne marche plus
», personne ne l’aurait cru !
D’autant qu’après avoir tenté de joindre Nina sans succès avec le portable de Myriam à
plusieurs reprises entre 8 heures et minuit, son humeur ne s’est pas améliorée …

La première fois, elle a laissé un message sur la messagerie, expliquant ses problèmes
de téléphone sur un ton faussement enjoué, et donnant le numéro du portable de Myriam
sur lequel elle pouvait être jointe.
… à huit heures ce lundi, le téléphone de Nina était en mode vibreur, enfoui au fond
du sac à main qu’elle avait posé sur une desserte dans l’entrée de la villa de
Nathalie et Maxime ; Nina buvait sa première coupe de Champagne …

A 8h45, Elodie a laissé un nouveau message « C’est encore moi … tu dois être occupée …
je rappellerai, rien de grave, juste que tu me manques ». Elle l’imaginait à la table
d’un dîner en famille.
… Nina venait de réussir à enfiler un anneau de métal autour du sexe de Maxime. Les
idées embrouillées par l’alcool, troublée par Nathalie qui murmurait à son oreille,
elle suivait la lente progression d’un doigt entre ses jambes et s’étonnait en
spectatrice de la réaction de son corps alors qu’elle n’éprouvait aucun désir …

Elodie, malgré son impatience, a attendu 10h00, heure convenue entre Nina et elle.
Toujours la messagerie ! Elle a raccroché cette fois sans laisser de message. Elle
pensait « elle est sortie ; les s sont malades ; elle dort ; elle s’amuse ; elle
est encore à table ; son téléphone est coupé, déchargé, foutu lui aussi ? elle … ».

Elle est restée un moment dans le vestiaire à ruminer ses pensées, a recomposé le
numéro pour laisser un message, s’est interrompue avant la première sonnerie. Plus
tard. Elle rappellerait à 11h00. Elle est retournée vers la salle de soins où elle
était de garde. Les résidents étaient couchés, certains dormaient déjà, certains
s’agitaient, circulaient encore dans les couloirs à une heure où habituellement ils se
couchaient. Ces heures-là étaient les plus longues, par manque d’activité.
… Nina sortait de la salle de bains. Elle venait d’enlever de ses seins et de son
ventre les pinces que lui avait posées Nathalie, qu’elle l’avait convaincue de garder
pendant le repas pris au bord de la piscine. Sa main tremblait en les ouvrant. La
reprise de la circulation était douloureuse, comme une brûlure, et elle
n’avait pu se retenir de gémir en serrant les dents, les yeux pleins de larmes. Elle
avait fait couler de l’eau froide sur un gant de toilette et l’avait appliqué en
compresse sur son ventre avant de se rhabiller. Elle avait l’esprit plus clair qu’en
début de soirée ; elle avait refusé le vin rosé proposé par Maxime pendant le repas.
Sans vraiment en vouloir à Nathalie de l’avoir maltraitée, elle se sentait salie,
souillée du plaisir ressenti. Elle connaissait l’association du plaisir et de la
douleur, avait lu des textes en parlant, avec curiosité, sans les comprendre : elle ne
savait même pas ce qu’était le vraiment le plaisir physique, avait eu besoin d’Elodie
pour le lui révéler. Elodie … avec elle tout était si doux, si différent de ce qu’elle
venait d’éprouver, ces plaisirs contraints, s, volés. Elle se sentait mieux en
rejoignant Nathalie et Maxime dans le salon. Lui, portait toujours les pinces et
l’anneau et pour la première fois de la soirée, elle l’a trouvé ridicule, a pu le
regarder sans en être troublée. Elle a imaginé son mari dans la même tenue, lui aussi
soumis aux désirs de Nathalie. Parce qu’il s’agissait bien de ça. Depuis qu’elle les
connaissait, jamais elle ne l’avait vu discuter ou s’insurger aux demandes de
Nathalie. Il préparait les repas et les servait à table, portait ces bijoux
surprenants, y compris sur la plage comme la première fois où elle les avait
accompagnés, comme ce soir. Et elle ? Obéissante ? Elle se souvenait de ce que
Nathalie lui avait dit après lui avoir remis sur le sexe la pince arrachée quelques
minutes avant : « … tu me le demanderas … », calmement, si sûre d’elle !
Elle avait eu peur, pendant que Maxime installait la table au bord de la piscine,
qu’elle ne recommence. Elle l’a tenait dans ses bras en caressant ses cheveux d’une
main, jouait de l’autre avec les chaînettes, les étiraient d’un doigt, leur donnait de
petites secousses.
Nina avait un instant été dégrisée, par la douleur, par l’orgasme brûlant qui l’avait
secoué, et la tension retombant, elle voyait à nouveau la pièce tourner autour d’elle,
avait du mal à garder les yeux ouvert. Au moins, ne ressentait-elle plus la brûlure
des pinces sur son corps. Elle a fermé les yeux, s’abandonnant à la fraîcheur du soir
et aux caresses de Nathalie sur ses seins et son ventre, plissant parfois les yeux et
frissonnant en sentant une traction sur la chaîne qui étirait les lèvres de son sexe,
bloquait sa respiration sous la morsure de la pince sur ses chairs les plus tendres.
Elle n’a ouvert les yeux qu’en sentant une caresse douce sur ses lèvres :
- Suce-le, Nina, prends-le dans ta bouche !
Un pied sur le canapé, penché en s’appuyant d’une main au dossier du canapé, Maxime
caressait ses lèvres de son sexe.
Nina a détourné la tête en le repoussant d’une main.
- Ou – vre – ta – bouche !
Nathalie tirait plus fort sur la chaîne qui plongeait sur son ventre, ponctuant ses
mots de tractions plus fortes.
Elle a obéi. Nathalie a écarté la main avec laquelle elle voulait prendre le sexe.
Maxime appuyait son sexe flasque sur sa bouche, l’a poussé entre les lèvres qu’elle
venait d’ouvrir, a envahi sa bouche, l’obligeant d’une main à ouvrir grand ses
mâchoires, jusqu’à buter de son ventre contre son nez, et s’est immobilisé, son sexe
engagé jusqu’à la racine.
Nathalie a abandonné la chaîne pour prendre les deux mains de Nina dans les siennes,
croisant ses doigts aux siens :
- Voilà … c’est bien … laisse-le grandir dans ta bouche … tu vas voir comme
c’est bon … Philippe aime bien sucer Maxime … tu savais qu’il est arrivé vendredi soir
? non … tu savais pas … il était chez nous … il l’a gardé dans sa bouche jusqu’au bout
… tout au fond … tu crois que t’en es capable ? … pas un seul haut-le-cœur … tu vas le
sentir grossir … abaisse bien ta langue, avale-le Nina … avale-le bien …
Nina déglutissait. Elle pleurait. Elle tremblait. Yeux écarquillés. Elle pensait « je
vais vomir , il va grossir et je vais vomir … elle va me faire mal encore, je veux pas
vomir ».
Maxime ne bougeait pas, restait immobile le ventre appuyé contre son visage. Il
prenait lentement de l’ampleur dans sa bouche de seul mouvement de ses lèvres pour
déglutir, avaler la salive qui coulait de sa bouche, appuyait sur sa langue, butait
contre sa gorge.
Il s’est reculé un peu en sentant un haut-le corps de Nina, a glissé une main derrière
son cou pour lui redresser la tête, la faire s’asseoir plus droite, s’est enfoncé à
nouveau dans sa gorge par à-coups, provoquant un nouveau haut-le corps à chaque fois.
Le pire pour Nina était de sentir par ses lèvres et sur sa langue qu’il ne bandait pas
encore complètement, que ce serait pire encore.
Maxime s’est retiré complètement et Nathalie a relâché ses mains. Nina a pris deux
aspirations bruyantes et s’est essuyée la bouche maculée de salive d’un revers de
mains, la vision troublée de larmes, soulagée d’être libérée.
Maxime l’a redressée en passant ses mains sous ses bras, a pris sa place dans le
canapé et l’a attirée entre ses jambes ouvertes. D’une pression de la main dans ses
cheveux, Nathalie a poussé son visage vers le ventre de Maxime qui redressait d’une
main son sexe vers sa bouche, repoussait une nouvelle fois la main de Nina qu’elle
voulait poser sur lui. Elle a tiré les deux de Nina dans son dos, les maintenant sur
ses reins d’une seule de ses mains, lui a claqué les fesses quand elle a voulu se
dégager :
- Suce-le encore, Nina, suce-le bien ! Fais-le jouir dans ta bouche …
D’une main entre les jambes de Nina, Nathalie la caressait, plantant durement ses
doigts dans son vagin, les retirait parfois pour prendre entre ses doigts la pince qui
la mordait tout en haut du sexe.
Elle n’a arrêté que peu avant que Maxime ne jouisse à longs traits en appuyant à deux
mains sur la tête de Nina.
Maxime s’est relevé et a quitté le salon, abandonnant Nina à genoux devant le canapé.
Nina s’est assise et a redressé le visage de Nina vers elle d’un doigt sous le menton.
Elle avait le visage barbouillé de larmes que Nathalie l’empêchait d’essuyer d’une
tape sur le bras :
- Regarde, c’est un des préférés de Philippe. Ça lui fera plaisir de savoir que
tu en as profité aussi.
Elle a frotté contre ses lèvres le Rosebud de métal froid, l’enduisant de salive et de
sperme mêlés qui maculaient la bouche de Nina, et l’a faite s’avancer et basculer le
torse sur le canapé d’une traction sur les chaînes dont les pinces emprisonnaient ses
tétons. Elle a écarté une fesse d’une main et a enfoncé le Rosebud dans l’anus d’une
seule poussée. :
- Ne bouge pas ! Reste comme ça un moment ! T’es belle comme ça ... ne bouge pas
!

Nina est restée agenouillée devant le canapé, les seins appuyés sur l’assise, de
longues minutes. Elle aurait été bien incapable à ce moment de se relever, ses jambes
ne l’auraient pas portée. Jamais avant elle n’avait autant bu et ne s’était sentie
aussi faible. A peine avait-elle conscience de ce qu’elle venait de faire et subir.
Quand Maxime est venue la chercher, il a dû la soutenir jusqu’à la table installée sur
la terrasse à côté de la piscine. Elle n’a pratiquement rien mangé, se contentant de
boire de grands verres d’eau fraîche, refusant d’un geste le rosé que Maxime lui
proposait, comme elle a refusé de se baigner avec eux après le repas. Elle a lentement
retrouvé un peu de sa lucidité, s’en voulait de s’être mise à leur merci en buvant
autant.

- Tu t’es rhabillée !
- Oui, et je voudrais rentrer. Tu me ramènes ?
- Déjà ? Tu t’ennuies, avec nous ?
Elle s’était approchée de Nina, avait passé ses bras autour de son cou, souriante et
charmeuse. Calmement, Nina s’est dégagée, et a reculé d’un pas :
- Si tu préfères, je peux appeler un taxi …
Très brièvement, immédiatement contrôlé et caché, Nina a aperçu dans ses yeux la même
flamme qu’elle y avait vue la veille, en les surprenant son mari Maxime et elle.
- Je vais te ramener, pas de problème. Donne-moi cinq minutes, tout de même,
d’accord ? Je reviens !
Elle a tourné les talons en caressant de la main le bras de Nina, s’est retournée
après quelques pas :
- Tu as un ordinateur, Nina ?
- Oui …
- Je veux dire ici ! Chez tes parents !
- Oui oui, j’ai un portable.
- Bien, je reviens.
Elle est revenue quelques minutes plus tard, un CD dans sa pochette blanche dans une
main :
- Tiens, c’est pour toi, tu y jetteras un œil … au calme ! Allez, je te ramène
chez papa-maman !

Elles étaient presqu’arrivées quand Nina a senti la vibration de son portable dans le
sac posé sur ses genoux.
- Allo ?
- …
- Ooooh oui ! Attends ! Surtout ne quitte pas ! une minute ! ne quitte pas ! …
Elle s’est tournée vers Nathalie :
- Tu peux m’arrêter là ? Je finirais à pied, je suis presque arrivée, de toute
façon !
Nathalie s’est garée sans discuter :
- On se voit demain, rentre bien !
- Je ne suis pas sûre …
- Mais si, demain ! au revoir.
Nina a attendu que la voiture redémarre pour porter l’appareil à son oreille :
- Elodie ! Chérie ! Je suis là ! Comme tu me manques ! Si tu savais comme tu me
manques !
Elle souriait et pleurait en même temps, tenant son téléphone d’une main tremblante.
Elle a écouté la voix d’Elodie, qui lui expliquait ses problèmes de téléphone, lui
parlait des messages laissés, s’excusait de ne pas avoir été joignable si longtemps …
- Nina ? t’es là ?
- Oui, oui, je suis là …
Elle pleurait, s’essuyait les yeux et le nez sur la manche de son chemisier, évacuant
brusquement toute la tension des derniers jours, craquant nerveusement.
Elle a traversé la route qui longe le lac, et s’est assise dans l’herbe, adossée au
tronc d’un pin.
- Elodie, si tu savais … j’ai fait plein de conneries, j’ai honte ... si tu
savais comme j’ai honte …
Elle lui a tout raconté, tout ce dont elle se souvenait ; c’était décousu, entrecoupé
de sanglots, avec de longs silences. Sa première rencontre au bord du Lac avec
Nathalie, la journée à la plage, la première soirée, Philippe, et ce soir même, le
début de soirée et … l’alcool, le trou noir, sans volonté de rien cacher, sans se
chercher d’excuses … toutes ses faiblesses.
- Oh … Nina, Nina …

Le forfait de Myriam a explosé ce soir-là. Elles n’ont fini par raccrocher qu’à la fin
du service d’Elodie, peu avant minuit.

Après s’être changée, Elodie est allée prévenir l’infirmière de nuit qu’elle ne serait
pas là les jours suivants, qu’elle ne savait pas quand elle reviendrait, ni même si
elle reviendrait.
Aux questions, elle a juste répondu qu’elle avait un problème urgent à régler en
province. Myriam écoutait, fronçait les sourcils. Elle n’était au courant de rien,
n’avait pas eu le temps d’interroger Elodie en la rejoignant aux vestiaires, et
n’avait pas eu envie non plus de lui poser des questions en voyant son air décomposé.
Elodie n’a rien dit pendant le retour vers son appartement, assise le dos raide et
regardant droit devant elle, ne faisant contrairement à son habitude aucun commentaire
sur la manière de conduire de Myriam, dont elle se moquait souvent.
Myriam s’est garée à deux rues de l’appartement, a glissé son bras sous celui d’Elodie
dans la rue.

Elle est restée longtemps dans la salle de bains, en est sortie les yeux rougis et
s’est assise à la grande table, les doigts croisés, blanchis à force de les serrer.
Myriam est allée se changer pour la nuit. Elle n’osait pas parler la première. Elle a
préparé deux mugs de thé, en a posé un devant Elodie, et allait retourner vers la
cuisine quand Elodie a tendu une main vers elle, l’attirant pour qu’elle s’assoit à
côté d’elle. Elle gardait la main dans la sienne, et Myriam en sentait les petits
tremblements.
- Je t’expliquerai. Pas maintenant. J’ai besoin de toi, ce soir. S’il te plaît.
J’ai besoin de ça. S’il te plaît … Dis oui ou non.
Myriam est restée interdite, elle regardait les larmes qui coulaient. « … besoin de ça
… » ? oui ou non … d’un ton froid, détaché, plat, qui tenait à distance.

Myriam s’est levée en se dégageant de la main, est allée à la salle de bains. Elle a
éteint toutes les lumières dans la grande salle, la cuisine et la chambre, est allée
chercher Elodie qui n’avait pas bougé de la table. Elle a pris sa main et l’a conduite
dans la chambre. Debout au pied du lit, elle a soulevé son débardeur et a dégrafé son
soutien-gorge, elle a ouvert le pantalon de toile. Elle s’est agenouillé pour faire
glisser ensemble sur les jambes le pantalon et le slip, soulevant les pieds d’Elodie
l’un après l’autre. Elle s’est relevé est s’est mise nue à son tour enlevant son
tshirt. Elle avait déjà abandonné sa culotte dans la salle de bains avant de revenir
chercher Elodie.
Elle n’avait pas ouvert la bouche depuis leur départ de l’hôpital, choquée de l’air
hagard d’Elodie. Pas une seconde elle n’avait imaginé la laisser seule ni refuser ce
qu’elle lui demandait. Les explications viendraient. Elle n’y pensait pas.
L’air frais de la nuit qui entrait par la fenêtre ouverte n’était pour rien dans les
frissons qui couvraient son corps de chair de poule et faisait se dresser le duvet sur
ses bras. Sa seule angoisse était de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir donner
à Elodie ce qu’elle attendait.
Elle l’a fait s’allonger sur le lit. « … besoin de toi … » une fois, une seule, elle
avait posé sa main sur elle ! « … besoin de ça… ». Elle aurait voulu prendre une part
du chagrin, la prendre dans ses bras et l’embrasser, la bercer en la serrant contre
elle, être tendre, la consoler, sans savoir de quoi. « … besoin de ça … » et ce ton,
ce regard !
Elle savait intuitivement que ce n’est pas de tendresse qu’Elodie avait besoin. Elle
est restée à genoux sur le lit, a écarté le bras d’Elodie pour s’approcher, ses genoux
contre la cuisse d’Elodie et a posé la main sur le ventre creusé est descendu sur le
mont de Vénus saillant en attirant la jambe d’Elodie sur ses genoux.
Elle n’osait pas assez. Elle s’en rendait compte. Elodie avait besoin ce soir d’une
dureté qu’elle ne savait pas comment lui offrir. Elodie restait sèche sous sa main, un
bras replié sur son visage, poing serré. Elle a essayé. Puis s’est arrêtée :
- Pardon … pardon … j’y arrive pas …
- C’est moi, Myriam, c’est moi, viens … viens-là.
Elodie a pris Myriam dans ses bras, l’attirant sur elle. Elle s’est mise à pleurer en
serrant très fort Myriam contre elle.
Elle lui a raconté, pas tout, le plus important pour elle, les quelques mots qui
tournait dans sa tête « … tu t’es intéressée à eux, ça leur a pas plu … » :
- C’est ma faute, Myriam, ma faute à moi … Ils s’en prennent à elle parce que je
me suis trop intéressé à eux. Elle est pas de taille. C’est des salauds.
- T’as dit à l’infirmière que tu n’irais plus … Tu vas faire quoi ?
- Je sais pas. Mais je peux pas la laisser seule. Elle est paumée. Tu comprends
? C’est à cause de moi !

Myriam s’est réveillée la première.
Quand Elodie s’est levée, elle a vu son sac de cuir sur la grande table et des
vêtements, soigneusement arrangés en piles : sous-vêtements, t-shirts, pantalons,
jupes, deux pulls, un maillot de bain, des sandales et ses baskets à côté d’un porte-
carte et des clés de la voiture de Myriam, son téléphone posé sur le porte-cartes.
Myriam sortait de la salle de bains avec une trousse de toilette à la main.
Elles se sont regardées un instant sans un mot. Myriam a posé la trousse de toilette
sur la table et a servi un bol de café, l’a tendu à Elodie :
- J’ai regardé sur internet, t’as au moins 7 heures de route. Va prendre ta
douche. En partant dans une heure, tu y seras vers 8 heures ce soir.
- Je peux pas prendre …
- Tais-toi. Bois ton café et va te doucher. Tu vérifieras si j’ai rien oublié
après.

- Allo ?

- …
- Oh ! Bonjour ! c’est Myriam ! Elodie est sous la douche. Je lui dis de vous
rappeler dès qu’elle en sort !
- …
- Nina ? Elle va venir, elle sera chez vous ce soir, réfléchissez comment vous
retrouver avant qu’elle rappelle, d’accord ? Au revoir, elle vous rappelle !
La veille au soir, Nina s’était couchée tout de suite en rentrant. Avoir eu Elodie au
téléphone, avoir réussi à partager avec elle tout ce qui lui arrivait depuis quelques
jours, avoir été capable de le lui dire, lui avait fait du bien. Elle n’avait pas tout
dit, pas tout, pas en détail, mais suffisamment.
Elle ne s’était souvenue du CD que lui avait donné Nathalie qu’après avoir pris sa
douche et s’être occupée des jumeaux.
Elle avait été horrifiée dès les toutes premières minutes de lecture : ils avaient
filmé la soirée de la veille !
Elle s’est vue contourner maladroitement la table du salon, un peu titubante, et se
laisser tomber dans le canapé plus qu’elle ne s’y asseyait, avaler très vite le verre
que Maxime lui avait servi. Elle a vu les signes de connivence qu’ils échangeaient
hors de sa vue. Elle s’est vue nue dans leur bras. Elle s’est vue le corps arqué
contre celui de Nathalie, crier et jouir. Elle s’est vue à genoux devant le canapé en
train de sucer Maxime, pendant que Nathalie dans son dos prenait des photos.
Elle a regardé le film en zappant, ne pouvant supporter de se voir ainsi.
Elle a rangé le CD dans son sac à main et a quitté la maison. Elle a marché jusqu’au
lac, s’est assise à l’endroit même où elle s’était arrêtée pour parler à Elodie la
veille, y est restée, immobile, les yeux perdus dans le vague.
A 9h30, elle a appelée Elodie au numéro qu’elle avait mémorisé la veille, pour
entendre sa voix, juste entendre sa voix.

(( Ce chapitre est terminé. Pas l’histoire. Encore un chapitre … Ils vous étaient
sympathiques, Nathalie et Maxime ? Pas à moi ! Et Nina ! Il serait temps qu’elle
devienne adulte, vous ne croyez pas ? Enfin, quoi ! Se mettre dans un état pareil
parce qu’elle ne sait pas prendre sa vie en main ! Tout ce que je peux vous dire :
c’est qu’il n’y aura plus qu’un seul chapitre, et qu’il n’est pas écrit !))

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