Un Amant

Un amant
( 01/2013 ) - Misa

Mercredi.
Elle se prépare à sortir.
Elle, c’est Cécile. Elle a 48 ans.
Quelques rides autour des yeux. D’autres à la commissure des lèvres. Comme tous les matins, Cécile s’observe dans le miroir de la salle de bain. Elle applique sur son visage et son cou une crème de jour, elle appliquera ce soir une crème de nuit. Elle n’a pas cru aux arguments de la vendeuse, mais soirs et matins elle applique ces crèmes qui lui donneront un teint éclatant, régénèreront les cellules de sa peau, combleront ses rides, donneront à son visage l’éclat de la jeunesse …
Elle a aussi une crème pour ses bras, une autre pour son ventre, une autre encore pour ses hanches et ses cuisses ; celle-là est drainante. Ce sont les années qu’il faudrait drainer … ces années qui filent … Elle faisait des UV, une séance tous les mois, pour avoir un teint lumineux ; elle a arrêté après avoir lu un article présentant les dangers des UV dans un magazine chez son esthéticienne. Elle court deux jours par semaine, le matin, top rose et collant beige, qu’elle porte sans sous-vêtements, moulant, très moulant ; le jeudi soir elle se rend dans un club de sport, alterne les séances de step et de fitness, en musique ; elle s’est acheté un juste-au-corps parme assorti d’un string bordeaux ; elle a entendu parlé d’une école de zumba, elle essaiera peut-être. Pour avoir du tonus. Des muscles déliés. Un ventre plat.
Il y a deux ans elle avait épilé quelques poils blancs sur son pubis, l’an dernier elle avait teint sa toison, cette année, elle s’est fait épiler, n’a plus qu’un trait étroit de poils pubiens sur le ventre, qu’elle étire à deux mains devant la glace pour effacer le petit pli marqué sous le rebond du ventre en plissant les yeux, parce qu’elle a oublié ses lunettes dans le salon.
Le regard de son mari ? Est-ce qu’il la regarde, seulement ? Le prof de fitness ? C’est son métier, de sourire et de flatter ! Elle tourne la tête devant son miroir étire le cou, se dresse sur la pointe des pieds, à droite, à gauche, contracte ses fesses, suit du doigt le pli en haut de la cuisse qui remonte vers la hanche, imagine le maillot étroit sur ses fesses qu’elle a acheté pour cet été.

En retombant sur ses talons elle se penche au-dessus du lavabo, s’approche du miroir, efface d’un doigt une trace de crème sous les yeux, se recule et soulève ses seins à deux mains. Longtemps elle a regretté qu’ils soient trop petits … plus aujourd’hui ; ils se tiennent mieux ainsi, et puis elle est fière de ses tétons clairs, qui pointent fièrement sous ses petits juste-au-corps.
D’un pas de côté, elle monte sur la balance … 56. Encore 4. Il faut qu’elle en perde encore 4.
Elle a lu aussi qu’un orgasme, c’était 300 calories consommées. Un orgasme … même sans perdre de calories, elle ne demanderait pas mieux ! Mais Pierre … Pierre a une maîtresse et il la délaisse. Elle a eu quelques amants, et lui ne l’a jamais su. Sans amour.
Elle enfile en souriant le déshabillé de soie vert que Pierre lui a offert pour son anniversaire … elle n’aimait pas la couleur, et avait voulu le changer. La vendeuse était désolée « … c’est un ensemble, je suis navrée … ». Elle lui montrait le déshabillé, une courte nuisette, une petite culotte fendue. Elle savait dans quelle tenue la maîtresse de Pierre le recevrait jeudi après-midi …
Un amant, depuis combien de temps … bientôt un an !
Elle sort du tiroir de la commode les dessous noirs acheté la veille, ouvre son armoire … elle pense à cet homme, l’été dernier à La Baule, qui au lit était presque brutal, sans tendresse … le seul de ses amants qu’elle aurait voulu garder … Elle s’assoit au bord du lit du bout des fesses … il aimait la prendre en levrette, serrait ses hanches très fort … elle bascule sur le lit, un bras replié sur les yeux. Ce qu’elle aimait, c’est qu’il la baisait, il ne lui faisait pas l’amour, il la baisait … elle plante ses doigts en elle, profond et fort, les doigts à peine mouillés de sa salive et ressort, écrase son clito, vite et fort. Il étirait ses fesses à deux mains, pour la pénétrer plus profondément, à grands coups de reins, claquait ses cuisses contre ses fesses … elle se caresse durement, vite, fort.
Il ne parlait pas. Pas un mot. Ils entraient dans la chambre et se déshabillaient, chacun de son côté. Il ne l’embrassait pas, la tournait dans ses bras, fermait les mains sur ses seins, la basculait à genoux sur le lit et la forçait, sans caresses, la pénétrait d’un seul coup de rein. Elle était trop surprise la première fois par ses manières de soudard pour avoir eu le temps de protester. Son sexe la brûlait de ces va-et-vient et en trois quatre coups de reins violents, elle avait joui de cette brûlure, de la brutalité de cet homme qui à aucun moment ne se préoccupait d’elle … et elle jouit sur son lit en brutalisant son clito écrasé sous ses doigts.
Elle est plus douce avec elle d’habitude, prend son temps, pallie la pauvreté de lubrification par du gel dont elle enduit ses doigts, et parfois comme aujourd’hui, le souvenir de son amant de La Baule la pousse à retrouver la douleur qui la menait si vite au plaisir.
Un long moment elle reste allongée au pied du lit, un bras sur son visage, une main sous les seins, les jambes ouvertes sur son sexe aux lèvres gonflées et rougies. Ce n’est pas si souvent qu’elle se caresse et il est rare qu’elle atteigne l’orgasme si vite. Elle a besoin d’images, de souvenirs parfois, comme aujourd’hui, ou de scènes imaginées. Son dernier orgasme, elle le doit à la maîtresse de son mari, qu’elle avait imaginée le chevauchant dans la petite nuisette et la culotte fendue qu’il lui avait réservées.
Elle passe les doigts sur son sexe en se redressant. Sec. Enflammé et sec. Elle enfile ses dessous devant les miroirs de l’armoire et en sort un top rose et son tailleur noir, un foulard de soie blanc.
Elle se coiffe dans la salle de bains et ferme un collier de perle autour de son cou.
Il est 10h30, elle est prête à sortir.

Samedi.
Marion a dix-huit ans depuis trois mois. Elle a pleuré, crié, s’est enfermée dans sa chambre, elle a tapé du pied : ses parents ont accepté. Un compromis. Elle pourra dormir chez Lucas les vendredi et samedi soir, restera chez eux en semaine pour préparer son bac.

Elle a rencontré Lucas en boîte de nuit il y a trois mois. Il traînait avec des copains, ne dansait pas, restait dans son coin sans même toucher à la bouteille de whisky qu’ils avaient achetée. Timide, mais bien foutu. Il lui plaisait. Une copine lui a dit qu’elle le connaissait, qu’il faisait de la muscu, qu’elle ne l’avait jamais vu avec une fille. Elle l’a dragué. Elle lui a demandé s’il voulait bien la raccompagner. Il a dit oui. Elle l’a embrassé. Elle a caressé sa cuisse pendant le baiser. Deux mois. Elle a mis deux mois pour le décider à lui faire l’amour à l’arrière de sa voiture. Elle le voulait.
Vous voulez que je vous dise ?
Elle est gentille, Marion …
Mais Marion, on s’en fout ! Elle vient d’entrer en scène, et elle va bientôt la quitter.
Elle est là au début de l’histoire, juste pour donner mauvaise conscience à Lucas, et puis elle y sera plus. Exit Marion. Elle continuera sans doute à être dans son lit, mais elle sera plus dans sa tête. Elle est jeune, courageuse, obstinée, elle a un joli petit cul, elle suce bien, il aime ça, pourtant … mais ça suffit pas.

Tenez, par exemple, ce samedi matin, elle s’est réveillée dès la première sonnerie du réveil que Lucas a éteint très vite, comme s’il guettait la sonnerie. Lui, il travaille le samedi. Vendeur. Il vend des voitures. Enfin, il essaie.
Elle s’est étirée, s’est rapprochée de lui en passant une jambe par-dessus les siennes, et a fouillé sous les draps de sa main. Il bandait. Comme tous les matins qu’elle se réveille à côté de lui. Elle croyait au début que c’était de la savoir proche, qu’il avait envie d’elle. Elle en était fière. Et puis non. Il lui a expliqué. Que c’était comme ça. Que ça n’avait rien à voir avec elle. Qu’il bandait tous les matins en se réveillant. Elle a été déçue, mais comme elle aimait bien les câlins du matin, elle en a pris son parti.
Elle a repoussé le drap d’un pied vers le fond du lit en posant la joue sur son épaule ; elle aime le regarder tout nu, regarder son sexe.
Un mois, quatre week-end, dormir nue avec un homme nu, prendre une douche avec lui, le tenir dans sa main, le prendre dans sa bouche. Ça change des caresses à la sauvette sur la banquette arrière d’une voiture.
Elle l’a abandonné un moment pour attirer sa main entre ses jambes, et l’a repris dans sa main. Il a joui très vite. Trop vite. Il avait gardé la main sur son ventre, mais il ne l’avait pas caressé. Elle était déçue.
C’est pas déçue qu’elle aurait due être. C’est vexée, fâchée, en colère.
Je vous ai dit.
Exit Marion.
Alors pourquoi je vous ai parlé d’elle ? Un prétexte. Pour vous parler de Lucas. Et puis elle était là ; au début. Bah ! C’est poli de regarder ceux qui sont là, non ?

Samedi.
Lucas pensait aux vêtements qu’il mettrait ce matin. Pour être à son avantage. Etre bien, présentable, beau, attirant … la main sur lui était … anonyme ? Presque. Le plaisir lui venait davantage de son rêve que de l’effet mécanique de la main sur son sexe. Dans son rêve, pas de Marion. Dans son rêve, des cheveux blonds, des mains aux ongles rouge sombre, fines, des chaussures à haut talons, un foulard blanc, les deux petites lignes d’un slip sous la jupe noire d’un tailleur en lin qui dessine les fesses, de grands yeux très foncés, et ces petites rides qui viennent avec le sourire … il a joui en voyant ces yeux fixés aux siens ; en crispant sa main sur un ventre nu … en se demandant si elle aussi est nue, là.

Il a mis son pantalon noir avec sa ceinture en cuir, sa chemisette blanche. Une cravate, aussi. Parce que son patron lui a fait une remarque dans la semaine, qu’il fallait « respecter le client ». Il enfilait la veste grise achetée pour le mariage de son frère quand Marion est sortie de la chambre, l’a serré dans ses bras glissés sous la veste pour mendier un baiser. Il l’a repoussée, un peu agacé qu’elle ait dérangé le pli de sa chemise au-dessus de sa ceinture et a enfilé les mocassins noirs à pompon auxquels il venait de donner un coup de chiffon.

Elle était venue mercredi. Elle se promenait entre les voitures exposées dans le hall. Il s’était approché, sans l’aborder, bras croisés, profitant que les deux autres vendeurs soient en train de discuter devant le distributeur de café ; il s’était approché, pour ses collègues, leur dire « je gère ». Il la regardait. Ses cheveux blonds, courts, balayant le foulard noué autour de son cou, sa démarche lente et ses hauts talons qui claquaient sur le carreau du hall, la main fine qui effleurait une portière, le doigt tendu suivant le pli de l’aile. Elle caressait la voiture. Il l’a suivie à distance, les yeux sur son dos, ses hanches arrondies et la fine boursoufflure de la culotte descendant des hanches sur les fesses. Il avait les joues rouges quand elle s’est retournée, souriante et déhanchée, son doigt tendu remontant lentement le long de la jointure entre l’aile et le capot.
En partant, elle avait laissé sa main un moment dans la sienne, et puis l’avait retenu d’une main sur son bras pour lui dire « je reviendrai samedi avec mon mari ». Il l’avait raccompagnée, puis suivie des yeux à travers les vitres du hall. Elle s’était retournée, lui avait souri, esquissé un geste de la main ? il l’avait imaginé ? où elle arrangeait seulement son col ?
Depuis, il revoyait sans arrêt ses grands yeux fixés aux siens, sentait sa main fine dans la sienne, suivait le doux balancement de ses hanches avant qu’elle ne se retourne.

Il les a installés devant son bureau dans un angle du hall, a fait son article. Elle s’était assise en retrait de son mari et ne le quittait pas des yeux, souriait. Troublé par les jambes qu’elle croisait et décroisait souvent, il rougissait et tremblait en notant l’adresse où il viendrait le mardi suivant à 9h00 avec le véhicule d’essai.

Mardi.
Lucas est en retard et n’aime pas ça : c’est parfois avec de petits détails comme celui-là qu’on rate une vente. Il a tourné en rond, s’est perdu sur les petites routes de campagne, a déjà fait deux fois demi-tour avant de trouver le pavillon.
Quand elle ouvre la lourde porte d’entrée, il ne la reconnaît pas tout de suite. Entre la femme en tailleur, maquillée et apprêtée qu’il a rencontrée la veille et celle qui lui ouvre pieds nus sur le carrelage et lui sourit en serrant d’une main un déshabillé vert sur sa poitrine, il y avait une grande différence. La bourgeoise lui a plu, il en a rêvé, mais lui a parue inaccessible. Celle qu’il surprend en tenue intime le trouble d’autant plus.
— Vous avez l’air essoufflé !
— Je suis en retard, j’en suis désolé !
— De toute façon, vous n’auriez pas pu rencontrer mon mari, il a dû partir plus tôt ce matin … son travail …
— Ah ! Vous souhaitez peut-être remettre à un autre jour ?
— Mais non, voyons ! la voiture est pour moi, après tout ! Entrez … pardonnez ma tenue, j’ai un peu traîné ce matin !
— Voulez-vous que je repasse plus tard ?
— Non non, ça va très bien … entrez, je vous en prie !
Lucas la précède dans l’entrée, hésite entre le salon et la salle à manger. D’une main dans son dos, elle le guide vers la grande table en verre de la salle à manger :
— Nous serons mieux … attendez je vous libère de la place !
Elle écarte vers un coin la plante verte qui trône au milieu, repousse une pile de linge, déplace une tasse :
— Voulez-vous un café ?
— Avec plaisir, merci !
Pendant qu’il boit son café debout devant la table, elle fait la conversation, s’inquiète de savoir s’il a trouvé la maison sans problème, parle de l’isolement du hameau et du temps trop froid pour la saison, et reprend le travail sans doute interrompu par son arrivée, puisant dans la panière de linge et pliant les affaires qu’elle en sort, en fait de petits tas sur la table.

Ils avaient rendez-vous. Croyez-vous une seule seconde que ce soit un hasard qu’elle soit encore en peignoir pour l’accueillir ?
Mercredi elle a trouvé amusant de s’apercevoir qu’il l’observait à la dérobée. Amusant de le voir rougir et baisser les yeux. Si jeune ; il avait l’air si jeune. Dans le reflet de la grande vitrine, elle a surpris les mimiques que ces collègues lui adressaient, mimant de leurs mains des courbes féminines. Il en bégayait, le pauvre, en lui expliquant comment régler l’assise du siège, se troublait en frôlant sa main. A peine s’il osait croiser son regard le samedi, sa main tremblait tellement en notant leur adresse quand elle avait une nouvelle fois croisé les jambes.
Mercredi elle était amusée. Samedi elle l’avait trouvé plutôt joli garçon. Visiblement elle lui faisait de l’effet, alors pourquoi pas ? Pourquoi pas lui ?
Elle savait l’attrait qu’exercent les femmes mûres sur les jeunes hommes, et se découvrait l’envie d’un homme jeune.

Elle plie quelques t-shirts et chaussettes ; elle en fait de même de soutien-gorge et de petites culottes.
Lucas rougit à la vue des sous-vêtements qu’elle étire devant elle et plaque sur sa poitrine pour les plier, qu’elle empile sur la table. Il s’étrangle d’une gorgée de café en la voyant écarter de la pile un petit ensemble rose transparent à broderies rouges, imagine que c’est celui qu’elle prévoit de revêtir aujourd’hui , l’imagine nue sous son déshabillé léger.
Elle voit son embarras et cache un sourire, range les sous-vêtements dans la panière d’osier. Elle garde le petit ensemble rose dans ses poings serrés contre elle :
— Oh ! Je suis désolée … je ne voulais pas … eh puis zut ! vous vous doutez bien que je ne vais pas rester en peignoir toute la journée ! Je ferais mieux d’aller m’habiller plus correctement …
Elle se mord les lèvres en riant et détourne les yeux.
— Ne vous en faites pas … et puis vous êtes très …
Il ne sait pas comment finir sa phrase. Il veut dire « très correcte », mais pense « très jolie, très désirable … » il imagine sur elle les dessous qu’elle serre dans ses mains, et toutes les histoires et fantasmes des représentants qui ont des aventures avec des clientes défilent dans sa tête.
— … très … très bien ainsi …
Il se sent pitoyable et ne peut s’empêcher de la fixer tout en rougissant de plus belle. Elle ne rit plus et garde les yeux baissés. Il ne comprend pas tout de suite ce qu’elle dit, d’une toute petite voix :
— Vous n’êtes pas mal non plus …
Il n’a qu’un pas à faire … Elle se balance lentement d’avant en arrière, mains jointes sous sa poitrine serrées sur les dentelles roses.
Elle voit son sourire tremblant, le bref étirement nerveux des lèvres, la rougeur des joues.
Elle sait que son peignoir s’ouvre au-dessus de son genou à chaque balancement de sa jambe, elle sait qu’elle soulève juste assez son peignoir de ses mains pour que se dévoile la naissance de ses seins. Elle voit le regard de Lucas s’y poser, brièvement, et s’en détourner, revenir. Il ne bouge pas. Elle l’a deviné timide, mais à ce point ?
Elle fait un pas vers lui. Un autre. Il se décide. Enfin !
Il pose une main sur ses mains entre eux qui se crispent sur son petit ensemble rose. Elle lève la tête vers lui, se dresse sur la pointe de ses pieds nus.

Cécile était un peu nerveuse. Pas très sûre d’elle.
La veille, elle avait préparé sa petite mise en scène, et se tenait prête et déterminée depuis ce matin huit heures. C’est l’attente qui la rendait nerveuse.
A plusieurs reprises elle s’était rendue dans la salle de bains, hésitant entre rester naturelle ou mettre un peu de maquillage pour effacer les petites rides au coin de ses yeux, écartait et refermait le peignoir sur sa poitrine. A 48 ans elle se savait encore attirante, mais jamais encore elle n’avait testé l’effet de son charme sur un homme aussi jeune.
Quand elle lui a ouvert, il a marqué un temps d’hésitation, comme s’il ne la reconnaissait pas.
— Je suis en retard, j’en suis désolé !
Il semblait faire un effort pour la regarder dans les yeux, mais elle remarquait les rapides coups d’œil sur ses jambes nues, ses pommettes qui se coloraient et le léger tremblement de sa lèvre : de bons signes. Elle avait réussi à le surprendre et à capter son attention.
Pendant qu’il buvait le café qu’elle lui avait proposé, elle a commencé à plier le linge qu’elle avait sorti de l’armoire la veille et jeté en vrac dans une panière en osier. En faisant semblant de s’affairer, elle surveillait les yeux du jeune homme, qu’il levait brièvement de sa tasse pour la regarder. Elle a vu son étonnement et le petit froncement de sourcil quand elle a commencé à plier lentement devant sa poitrine ses petites culottes pour en faire une pile à côté de ses soutiens-gorge, a vu ses joues se teinter.
Le petit ensemble de tulle rose qu’elle a mis de côté en dernier l’a achevé. Il bredouillait un peu pour lui répondre :
— Ne vous en faites pas … et puis vous êtes très … très … très bien ainsi …
— Vous n’êtes pas mal non plus …
Elle avait répété, comment se balancer sur la pointe des pieds et faire s’ouvrir le déshabillé sur ses cuisses, serrer ses poings sous ses seins et les découvrir, juste un peu.
… c’était gagné ? Pas encore. Un pas. Encore un pas. Regarde-moi …
Elle l’a vu hésiter ! un autre pas, ça y est, enfin !

D’un geste rapide elle tire sur la ceinture du peignoir, la dénoue sans qu’il ne s’en aperçoive, lève les bras vers ses épaules, se plaque à lui, lève une main derrière sa tête, l’embrasse à pleine bouche.

Jamais une femme ne l’a embrassé avec autant de fougue !

Pendue à son cou d’une main, elle se plaque contre lui du bras autour de sa taille glissé sous la veste. Elle remonte une jambe le long de sa cuisse, ondule du bassin, frotte son ventre à l’érection naissante saluée d’un soupir sous le baiser, se cambre sous la main dans son dos.
Elle s’amollit dans ses bras, échappe au baiser, se retourne entre ses bras. Elle prend sous ses mains les mains tremblantes, les attirent sur la peau nue sous ses seins, les soulève plus haut, sur ses seins, plus fort appuyées qu’il n’aurait osé. Doigts croisés aux doigts de Lucas elle descend une main vers son ventre, ouvre ses doigts, l’abandonne, rejette la main dans son dos entre eux deux, referme la main sur le sexe bandé, couché prisonnier de la toile du pantalon, s’offre à la main qui hésite un instant à la taille de la culotte de coton. Elle serre le poing sur la verge quand il plonge enfin, force un passage entre ses jambes, étire et déforme le coton de doigts durs qui malaxent son sexe plus qu’ils ne le caressent. Elle tend son ventre à la main maladroite, masse à pleine main la verge gonflée, offre son cou au souffle chaud. Elle sent la brusque contraction du sexe, entend le gémissement plaintif du jeune-homme dans son cou. . Il jouit en soubresauts du bassin de la seule pression à travers la toile rêche, gémit de plaisir et dépit mêlés en crispant les doigts qui étirent le coton, le repoussent profond entre les lèvres.

Elle était depuis le début trop calculatrice et concentrée sur ses gestes et les réactions du jeune-homme pour être elle-même assez excitée, et elle a dû se retenir pour ne pas repousser la main qui la blessait au ventre. Elle a accompagné les soubresauts de la verge de pressions cadencées de ses doigts. Elle se doutait qu’il serait gêné, vexé aussi d’avoir joui si vite, et réfléchissait à ce qu’elle devrait faire pour qu’il oublie sa déconvenue. Quand elle a senti la tension se réduire sous ses doigts, elle s’est rapidement laissé glisser à ses pieds en se retournant et s’est appliquée à très vite défaire sa ceinture et ouvrir sa braguette. Elle a embrassé le sexe à travers le boxer, en évitant la tâche foncée du sperme. En tendant le bras, elle a pris sur la table la petite culotte rose qu’elle avait pliée plus tôt devant le jeune-homme pour éveiller son désir, a abaissé le boxer et le pantalon.
Elle l’imaginait fâché de cette fin trop rapide, elle au contraire préférait cette issue. Elle a pris la verge dans sa main, l’observait, satisfaite, jugeant que le garçon méritait un après. En tenant la verge d’une main, elle l’a essuyé avec la petite culotte, son ventre d’abord puis le sexe, épongeant au méat les dernières gouttes de sperme qui montaient de la pression de ses doigts sur la longueur de la verge, retenant en sourire en le sentant frémir du frottement sur son gland gonflé et durcir à nouveau sous ses soins.

Avant de se relever, elle a embrassé les bouses soulevées vers sa bouche de la main, et a remonté le boxer du jeune-homme sur sa taille, puis son pantalon, a remonté sa braguette et a refermé sa ceinture. Dressée sur la pointe des pieds et en se tenant à ses hanches, elle a embrassé une joue très rouge du jeune-homme qui évitait de croiser son regard.
— Je … j’ai pas trop la tête à discuter voiture … Vous seriez libre … demain ? ou un autre jour …
— … demain, oui … comme vous voulez …
— Le matin ? comme aujourd’hui ?
— Oui … oui, bien sûr !
Elle l’a retenu par le bras au moment où il partait, et en l’attirant d’une main dans son cou lui a planté un bref baiser sur les lèvres, avant de très vite refermer la porte d’entrée.

Elle l’a regardé regagner sa voiture en écartant le rideau de la fenêtre du salon.

Elle a pris son sac à main sur le guéridon de l’entrée. Sur le canapé du salon, en chantonnant, elle en a sorti son agenda … Lundi je cours et mardi … non, jeudi c’est gym, le week-end : impossible … ce sera le mercredi ; elle a réfléchi puis noté « MJA » en riant … Mon Jeune Amant … trois mercredis d’affilée.

Faut-il vraiment avoir de la sympathie pour ceux dont on raconte l’histoire ? dont on fige quelques photos sur papier glacé ?

Misa – 01/2013

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