Levons L'Ancre

Le soleil étirait timidement ses rayons à travers les fenêtres de la chambre de l’auberge du Cheval Blanc. Le jour se levait doucement sur Spithead, réveillant chacune à leur tour les nombreuses mouettes qui dormaient jusque là à poings fermés. Le printemps, bien qu’entamé, tardait à faire monter les températures et il faisait encore très frais en ce matin du 27 avril 1791.
Debout devant la fenêtre, Matthew Anderson, capitaine, parcourait du regard les navires stationnés dans la rade. Ses yeux passaient d’un bâtiment à l’autre, s’attardant ça et là sur un détail comme on le ferait en regardant une belle femme.
Il sourit en buvant une lampée de café, il venait de voir son bâtiment. La frégate Terpsichore roulait doucement sur son câble, les voiles ferlées. Il était trop loin pour voir les marins s’activer dans le gréement mais il savait qu’ils étaient là, grouillant comme de petites fourmis afin de préparer leur départ futur.
C’était aujourd’hui qu’il levait l’ancre. Cela faisait 6 mois qu’il se trainait à terre, tournant en rond sans savoir que faire de ses journées. Il avait hâte de sentir à nouveau le sol bouger sous ses pieds. Bien sûr, elle lui manquerait. Elle lui manquait toujours quand il était en mer mais c’était plus fort que lui, il fallait qu’il soit là-bas, sur l’océan, sur sa Terpsichore. Il allait s’embarquer pour les Antilles, pour le soleil et retrouver les paysages exotiques qui s’étiraient de l’autre côté de la terre sans oublier le teint hâlé des jolies filles.
Il entendit bouger derrière lui, elle sortait du lit et bientôt, elle se colla à lui. Posant sa tête contre son dos, elle passa doucement sa main par l’ouverture des pans de sa chemise. Il sourit au contact de ses doigts sur son torse. Elle avait la peau douce et pâle comme du lait. Il sentait son souffle chaud à travers sa chemise.

- Tu rêves Capitaine ? dit-elle doucement.
- Je pensais à toi, répondit-il.

Elle le fit pivoté pour plonger son regard dans le sien.



- Menteur, sourit-elle. Tu pensais à ta muse…

Il ne put s’empêcher de rire doucement tout en posant sa tasse de café sur la commode. Il plongea son regard dans le sien et posa délicatement sa main contre sa joue qu’il caressa du pouce. Elle passa ses mains sous sa chemise pour lui caresser le bas du dos.

- Tu vas me manquer, soupira-t-il.
- Toi aussi mon beau capitaine…

Oh oui, il était beau. A 30 ans pile, Matthew Anderson était grand, solide. Ses cheveux châtains rassemblés par un petit ruban tombaient doucement sur ses épaules. Ses yeux verts avaient la couleur de la mer par gros temps. Son sourire laissait apparaître de belles dents et malgré sa canine supérieure gauche cassée, il faisait toujours fondre la gente féminine lorsqu’il les regardait. Ses mains, épaisses, pouvaient se montrer tantôt violente, tantôt douce comme la soie selon l’usage qu’il en faisait. Il portait à merveille l’uniforme, conscient et jouant du fait qu’il incarnait l’un des nombreux fantasmes qui fleurissaient dans l’esprit des femmes.
Oui, à 30 ans, Matthew Anderson, capitaine de la frégate Terpsichore, était beau.

Anna aussi était belle. Ses yeux bruns mutins le faisait toujours fondre quand elle le regardait. Ses cheveux longs et foncés s’étalaient toujours à merveille sur l’oreiller après l’amour, comme si un peintre l’avait représenté dans l’un de ses tableaux. Sa peau pâle et délicate était douce, si douce. Sa silhouette dévoilait des hanches aguichantes et ses petits seins en formes de poires donnaient envie de mordre dedans.
Elle avait 2 ans de moins que lui et ils se connaissaient depuis toujours. Matthew était venu vivre chez sa tante à la mort de ses parents, il n’avait que 8 ans. Les voisins avait une petite fille et c’était son visage qu’il avait vu en premier ce jour-là, en arrivant dans la rue. Elle jouait devant la maison avec un petit chien. De nature très timide, elle était partie se cacher chez elle en le voyant, déjà impressionnée par ses yeux espiègles.
Jour après jour, ils avaient grandi, appris à se connaitre, étaient devenu amis. Un jour, à 12 ans, il avait rejoint son premier embarquement. Quand il était revenu, 4 ans plus tard, c’était un jeune homme et elle, commençait à devenir une jolie jeune fille. Dès lors, ils savaient tout deux qu’ils ne se contenteraient plus de jouer aux cartes sur la table de la cuisine. Il avait été son premier, elle avait été sa première. C’était à lui qu’elle pensait, c’était à elle qu’il pensait. Biensûr, il y en avait d’autres, autant pour elle que pour lui mais c’était toujours l’un vers l’autre qu’ils revenaient. Comme un navire revient au port, Matthew revenait à Anna et Anna revenait à Matthew.

Machinalement, Matthew caressait ses lèvres du bout de son pouce, perdu dans ses souvenirs. Elle le sortit de son rêve en lui attrapant le doigt du bout des dents.

- Hé là ! Tu mords ! s’exclama-t-il en souriant.
- Oublie ta muse, pour l’instant tu es toujours à moi !

Ses yeux s’enflammèrent, elle était belle, désirable. Il aimait quand elle était jalouse.

- Tu préfères peut-être lorsque je fais ça ?

Anna attrapa la main de Matthew et avala goulûment son pouce. Dans un mouvement de va et vient, elle caressa le doigt de son amant avec sa langue, s’attardant sur celui-ci comme elle s’était attardé la veille sur une autre partie de son anatomie.
Matthew se mordit la lèvre sentant le désir grandir en lui comme des braises que l’on ravive. Des frissons lui parcoururent le corps pendant qu’elle suçait son doigt, faisant gonfler son membre dans son pantalon. Son trouble n’échappa pas à Anna qui ne put s’empêcher de glousser.
Il l’attira brusquement contre lui, plongeant sa langue dans sa bouche ce qui la fit glousser de plus belle. Il sentait la chaleur de son corps, son odeur envoûtante. Leurs langues se mêlaient l’une à l’autre, chaudes, humides, douces comme dans une danse sans fin.

Anna s’écarta doucement et lui sourit.
Elle plongea les mains sous sa chemise et la souleva laissant apparaitre son torse glabre et musclé. Elle passa son doigt sur la cicatrice laissée par un coup de couteau qui avait failli lui coûter la vie. Son regard quitta celui de Matthew pour se poser vers son entre-jambe. Elle sourit, elle voulait le goûter une dernière fois avant qu’il ne parte.
Elle déposa un genou après l’autre délicatement sur le sol. Ses mains débouclèrent sa ceinture et baissèrent son pantalon, laissant apparaître son membre tendu.
Matthew la regarda faire, sa respiration devenait haletante. Il savait ce qu’elle allait faire, son désir bouillonnait en lui.
Anna attrapa son membre d’une main ferme et le guida jusqu’à sa bouche. Elle déposa d’abord de petits baisers sur son gland, tel un petit oiseau qui picorerait le sol. Après le gland, elle descendit sa bouche le long de sa verge jusqu’à ses testicules, petits baisers par petits baisers. Une fois arrivé en bas, elle remonta jusqu’à son gland avec un grand coup de langue lent et sensuel, plongeant son regard dans le sien.
Matthew posa sa main sur sa tête pour lui caresser les cheveux pendant qu’elle faisait des va-et-vient langoureux entre son gland et ses bourses. Il ne put s’empêcher de lâcher un gémissement quand elle efourna son membre. Il sentait ses dents délicates, l’humidité et la chaleur de sa bouche. C’était si bon.

Anna accéléra le mouvement encouragé par les gémissements de son amant. Elle allait le faire craquer si elle continuait.
Il la repoussa brusquement et la souleva dans ses bras. Une main sous ses fesses et l’autre dans son dos, elle était plus grande que lui comme ça. Elle posa les mains sur ses épaules et l’embrassa à pleine bouchee, reproduisant les coups de langue qu’elle venait de lui offrir.

- Mademoiselle, dit-il en l’écartant doucement, vous n’allez pas vous en tirer comme ça.
- Oooh, gloussa-t-elle. A l’abordage, mon capitaine !

Ils rirent tous les deux tandis qu’il la portait jusqu’au lit pour l’y allonger.
Encore chaud, les draps les accueillirent avec douceur. Matthew ôta la chemise de nuit de sa maitresse et plongea la tête dans ses seins. Il déposait baiser sur baiser tantôt sur le gauche, tantôt sur le droit. Jouant avec ses tétons, les mordillant doucement tandis que ses mains caressaient son corps.

- Hé ! Tu mords Capitaine ! s’exclama-t-elle en riant.

Il rit à son tour et l’embrassa goulûment. Il sentit les hanches d’Anna se décaler pour le laisser entrer. Avec douceur et tendresse, il la pénétra puis se cala sur un rythme lent de va-et-vient qui ne tardèrent pas à arracher des gémissements à la jeune femme.
C'était toujours comme ça quand ils faisaient l’amour alors qu’ils allaient être séparés : la veille les voyait fougueux et passionnés, le petit matin les voyait tendres et patients.
Il accéléra le mouvement et les gémissements d’Anna se firent plus fort, plus saccadés. Elle s’accrocha à lui comme pour mieux le sentir. Elle sentait le poids de son corps sur elle, sa chaleur, son odeur de sel qui ne le quittait jamais vraiment.
Il s’arrêta puis lui donna un coup de hanche un peu plus vigoureux. Il attendit un court instant puis recommença. Anna adorait ça, ses rapides et fermes coups de hanche. Coups de butoir violents mais maitrisés. Elle se mordait les lèvres à chaque fois qu’il s’enfonçait. Elle sentait son ventre frémir d’excitation quand il s’éloignait.
Il changea de rythme et fut à nouveau plus rapide. Anna sentit le feu grandir dans son bas ventre et devenir de plus en plus intense. Elle s’accrocha à lui de plus en plus tandis qu’il s’activait à en perdre haleine. Elle sentait la transpiration perler le long de son dos.
Une décharge électrique la parcourut dans tout le corps, elle se sentit partir. Se cramponnant encore plus à lui, elle se laissa aller et poussa des cris de plus en plus intense tandis que le plaisir la submergeait.
Matthew sourit quand il comprit qu’elle jouissait et resserra son étreinte comme pour maitriser les ondulations de son corps sous les vagues de plaisir qui l’envahissait. Elle criait si fort qu’elle avait dû réveiller tous ceux qui faisait la grâce matinée. Cette pensée finit d’exciter le marin qui se laissa aller à son tour.
Anna sentit sa chaleur se déverser en elle. Elle aimait le sentir jouir entre ses cuisses. Matthew laissa retomber sa tête sur ses seins, petit oreiller moelleux gonflé par le plaisir. Ils restèrent enlacés pendant un long moment. Il fermait les yeux tandis qu’elle lui caressait lentement les cheveux. Tout deux gravaient dans leur mémoire ces doux instants afin de pouvoir se les remémorer à loisirs une fois qu’ils serraient séparer.
Le capitaine se redressa sur ses avant-bras et embrassa sa compagne. Un doux et dernier baiser sur les lèvres qui avaient laissé s’échapper ces si plaisants gémissements quelques instants auparavant.

- Pour toujours…, susurra-t-il.
- Et à jamais, finit-elle.

C’était leur devise. Cette phrase les unissait depuis leur première fois et leur rappelait que peu importe le temps, la distance ou les amants, ils appartenaient l’un à l’autre quoi qu’il advienne.

Matthew descendit l’escalier pour se rendre dans la salle à manger de l’auberge. Il était temps pour lui de partir. En arrivant dans la salle, certains officiers levèrent la tête et lui lancèrent des regards tantôt amusés, tantôt envieux. Les cris d’Anna avaient fait leur petit effet sur les autres visiteurs du lieu. Le patron de l’établissement le salua et le remercia de sa visite.

- Revenez quand vous voulez ! lui lança-t-il.

Cela faisait longtemps que les murs n’avaient pas tremblé ainsi. Il en était resté tout émoustillé et décomptait les heures jusqu’à ce qu’il puisse rejoindre sa femme dans leur lit.

Son canot l’attendait sur la jetée. Ses hommes, tirés à quatre épingles dans leur uniforme de marin, le saluèrent. Le canot déborda, les avirons poussèrent en rythme jusqu’à la Terpsichore. La mer n’était pas trop agitée durant la dizaine de minutes que dura le voyage jusqu’à son bâtiment. Il voyait grandir son navire au fur et à mesure qu’ils approchaient. Son gréement dressé fièrement comme une forêt, sa coque parfaitement carénée et ses peintures luisantes faisaient de la Terpsichore le plus beau navire stationné dans la rade.
Le canot passa devant la figure de proue, jeune femme fièrement dressée à l’épaule dénudée tenant délicatement une lyre entre ses mains. Elle était magnifique. Matthew ne put s’empêcher de lui sourire.
Le canot crocheta, et le capitaine Anderson escalada l’échelle de coupée. Les sifflets de la garde d’honneur l’accueillirent selon les usages. Son second, le lieutenant Hicks, se porta à sa rencontre.

- Tout est prêt monsieur, nous pourrons lever l’ancre dès que vous le souhaiterez.
- Parfait monsieur Hicks, à vous le soin.

Anderson alla se poster sur la dunette pour apprécier la manœuvre. Son second, le porte voix à la main, dicta ses ordres. Des hommes se précipitèrent dans le gréement tandis que d’autres, au cabestan, faisaient remonter l’ancre. Le navire s’ébranla doucement. La brise était bonne, les voiles ne tardèrent pas à se gonfler. Le lieutenant Dawson se présenta à son supérieur en saluant.

- L’ancre est levée commandant.

Dawson avait passé plusieurs jours à terre avec un détachement de presse pour recruter des hommes. Les détachements de presse écumaient régulièrement les villages afin de rafler des futurs marins pour gonfler les rangs toujours plus clairsemé des navires de Sa Majesté.
Les préoccupations du navire ne devaient pas être les seules que le lieutenant avait en tête car Anderson aperçut une tâche dans le cou de son officier. Dawson ne put s’empêcher de tirer sur son écharpe afin de dissimuler son suçon. Il rougit et toussota avant de disparaitre sous les yeux amusés de son supérieur.
Le navire s’éloignait doucement. Anderson saisit une longue vue dans le râtelier et la braqua sur le port. Il repéra l’auberge et la fenêtre de la chambre. Il était déjà trop loin pour voir les détails mais il distingua sans problème une silhouette pâle qui regardait la Terpsichore quitter la rade. Il l’imaginait nue, enveloppée dans le drap du lit. Il passa la langue sur ses lèvres, il avait encore son goût en bouche. Il ferma les yeux, emportant avec lui le souvenir de leur dernière étreinte.

Pour toujours…et à jamais…





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