Dizygotes Jusqu'au Bout

Cette histoire est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes, des lieux et des phénomènes existants ne peut être que fortuite…

Si vous vous rendez à Aÿ-Champagne, vous découvrirez immanquablement au détour d’un coteau, la propriété des Brosset. La famille Brosset est un point de repère, non seulement dans cette région de vignobles, mais aussi dans le monde entier. Propriétaires de l’un des plus célèbres champagnes, les Brosset règnent en maître sur plus de deux cents hectares de vignes qui s’étendent d’Aÿ jusqu’à Épernay. Le siège de la société familiale est une bâtisse en pierre où vit la famille, avec de très nombreuses dépendances. Le pavillon principal est un bâtiment d’un seul tenant, composé de trois appartements, un par étage, disposants, chacun, de quatre cents mètres carrés habitables. Les parents occupent le rez de jardin, Cédric le premier et Julien le second. La maison Brosset ne produit pas moins de trois millions de bouteilles chaque année, distribuées dans une centaine de pays. La marque ne compte plus les millésimes exceptionnels produit depuis quatre cents ans. Henri Brosset, le patriarche de la famille règne depuis trente ans sur une entreprise de près de deux cents salariés et de cent quarante millions d’euros de chiffre d’affaires. Il a su développer le commerce de sa marque bien au-delà des frontières de notre pays. Vigneron passionné, ce solide gaillard a donné à son exploitation une réputation des plus enviées. Fils, petit-fils, arrière-petit-fils de vigneron, et ainsi de suite depuis de très nombreuses générations, il a hérité le savoir-faire ancestral de ses aînés. Sa récolte était surveillée attentivement par tous les critiques et œnologues du milieu. La soixantaine bien entamée, il commençait sérieusement à penser à sa succession quand la maladie le faucha soudainement. Victime d’un cancer foudroyant, il mourut à l’hôpital non sans avoir eu le temps de prendre ses dispositions. Il laissât une veuve inconsolable, Paula et deux fils, Cédric et Julien, âgés de trente ans.

Paula, sa veuve, était une épouse qui avait vécu dans l’ombre de son époux. Femme robuste et déterminée, elle avait conservé une belle allure et une beauté qui, bien que froide, ne laissait pas les hommes d’âge mur indifférents. C’est elle qui régentait le domaine, gérait le personnel et administrait les affaires. Henri, lui, c’était les vignes et le chai. C’est elle également qui avait pourvu à l’éducation de leurs deux garçons. Bien que jumeaux dizygotes, tout séparait ces deux frères qui n’avaient en commun que l’adoration de leur parents et l’amour de leur région. Cédric, brun aux yeux verts, était d’une beauté époustouflante. Sportif au corps sculptural, il était un véritable Don Juan et bourreau des cœurs. Sa seule passion, en dehors de séduire tout ce qui porte un jupon, c’était le cinéma. Acteur dans le vent, il tournait régulièrement et ne revenait séjourner dans la propriété familiale entre deux films. Il n’avait que peu d’intérêts pour les affaires familiales et n’entendait rien à la gestion d’une entreprise. Il se contentait de siéger au conseil d’administration et de valider les décisions patriarcales. Il s’était fiancé à Axelina, une superbe actrice-mannequin blonde, suédoise, de vingt-huit ans, rencontrée lors d’un tournage trois ans auparavant, et qu’il ne côtoyait que lors de ses séjours à Aÿ. Julien, blond aux yeux verts rare point commun avec son frère, était un jeune homme séduisant, mais sans être beau, qui dégageait un charme certain et attirant pour qui prenait le temps de percer sa carapace. Il était célibataire et ne courait pas spécialement la gente féminine pour trouver une partenaire coûte que coûte. Sa principale préoccupation c’était le devenir de l’entreprise familiale.
En fait, chacun des deux frères avait reçu à la naissance un don du ciel. La capacité à séduire pour Cédric, la capacité à apprendre pour Julien. Autant le premier réussissait tout ce qu’il entreprenait en matière de séduction, autant le second brillait par sa culture et son intelligence.

 
Cédric avait toujours été le chouchou de son père. Rusé, calculateur, séducteur dans l’âme, Henri se reconnaissait en ce jeune homme, véritable force de la nature, agissant à l’instinct, et que la vie avait doté du pouvoir irrésistible de plaire de façon inconditionnelle. Il avait des amis « haut placés » comme il aimait à le dire, et avait intrigué auprès de ses proches pour imposer son fiston sur certains tournages où son talent de comédien n’avait pas convaincu en dépit de sa beauté remarquée et de sa plastique indiscutable. La chance était avec le jeune homme car son premier film fut un véritable succès, et obtint même d’être présenté au festival de Cannes, dans la catégorie jeunes auteurs. Divine surprise, Cédric y obtint le prix de meilleur espoir masculin, ce qui lui permit d’atteindre instantanément l’enviable statut de vedette. Depuis, il enchaînait les films et ne revoyait son havre de paix, comme il aimait à le qualifier, qu’une ou deux fois par an.

Julien était le préféré de sa mère, même si elle avait toujours tout fait pour ne pas trop le montrer. Modeste, romantique, sensible en dépit d’une virilité évidente, il avait un charme discret qui s’affirmait dès qu’on perçait les remparts de sa timidité naturelle. Paula avait su très tôt que le véritable pilier de la famille, s’était lui. Travailleur infatigable, élève surdoué, entrepreneur visionnaire et respecté, Julien avait sitôt achevé brillamment ses études, pris les rênes de l’entreprise. C’est lui qui conseillait, guidait et, finalement, manageait sa mère aux commandes des affaires familiales.
Il avait montré des signes de maturité dès son plus jeune âge. Ayant compris que son frère avait plus de succès que lui dans les relations avec les autres, il s’était évertué à choisir les copains les moins intéressants et les copines les moins séduisantes pour éviter que son frère ne les détourne de lui. C’était même devenu une sorte de vengeance personnelle depuis qu’un soir son père l’avait giflé parce qu’il avait donné tout un tas de mauvaises informations au devoir noté que devait rendre son frère.
Puni, ce dernier était rentré à la maison, affublé d’un bonnet d’âne qui avait un peu écorché sa réputation. Julien s’étant juré qu’un jour il le paierait, il avait trouvé ce stratagème des plus intéressant. En effet, il s’était très vite aperçu que, si son horrible et désopilant jumeau ne souhaitait s’entourer que de personnages hauts en couleur, il devenait facilement leur porte dau, leur point de mire, bref, leur idole ! Côté amour également, ces petites copines étaient souvent le sujet de railleries entre son père et Cédric qui s’entendaient comme larrons en foire pour le moquer. Il avait bien réussi, une fois, à séduire la fille du principal du collège, Claire, une jolie blonde aux cheveux magnifiques et aux yeux noisette et avait commencé un flirt très prometteur. Il s’arrangeait toujours pour la raccompagner chez elle, ou pour que ce soit elle qui l’invite dans sa chambre pour échanger quelques bisous bien innocents. Mais un jour, elle lui demanda si elle pouvait venir au chai pour acheter une bouteille de champagne pour l’anniversaire de son père. Julien fût bien obligé de la présenter à ses parents, et à son frère. Celui-ci s’interposa aussitôt, proposa à julien d’aller choisir la meilleure bouteille au chai pendant qu’il ferait visiter la propriété à Claire. Personne ne les revit de la soirée. Rentrant bien après l’heure du repas, Cédric, le sourire malicieux aux lèvres, annonça que Claire n’avait pas osé rompre avec Julien et qu’elle l’envoyait en messager pour adoucir sa peine. Dès le lendemain, son frère s’affichait, main dans la main, avec la belle et l’embrassait à bouche que veux-tu devant le collège. Julien les ayant surpris, donna un coup de poing à Cédric et traita Claire de pute, au moment même où le principal du collège arrivait dans son dos.
Ses parents furent convoqués et julien fut renvoyé de l’établissement. Intraitable, son père l’envoya en pension où il était censé apprendre les bonnes manières. Julien y termina son secondaire et obtint le brevet des collèges avec la meilleure moyenne de l’académie.
Il choisit de poursuivre sa scolarité au lycée Victor Hugo de Reims, le plus réputé de la région. Son internat ne lui changea guère son ordinaire, puisque, comme au pensionnat, il ne rentrait sur Aï qu’en fin de semaine. N’ayant plus rien à craindre comme exaction de la part de son frère, pendant ses périodes d’internat, il put à loisir, sortir avec de jolies jeunes filles, elles aussi logées sur place la semaine. Il obtint son bac avec la mention très bien et une licence de gestion avec la même mention dans la foulée. Il partit faire un Master de Gestion et Management des entreprises à HEC Paris, puis poursuivit ses études, toujours à Paris, pour préparer un double diplôme HEC Paris - École d’ingénieur civil de l’école des Mines Paris Tech. Brillamment diplômé, il revint au bercail où il siégea au Conseil d’Administration de la société familiale aux côtés de sa mère, si fière de son fiston chéri. Il avait à présent vingt-sept ans et se donnait encore quatre ou cinq ans avant de commencer sérieusement à chercher une compagne pour fonder une famille. Dès sa prise de fonction, il rénova le service administratif, améliora considérablement le marketing, modernisa la stratégie commerciale en matière de gestion de la clientèle et s’attaqua à la recherche de nouveaux marchés. Vite dépassés par tant de compétences, ses parents louèrent le ciel de leur avoir donné un fils aussi doué et prirent rapidement l’habitude de valider sans discussion toutes ses décisions.
 
Trois années passèrent ainsi jusqu’à ce que, un matin, Henri fut emmené d’urgence au CHU de Reims, après avoir été trouvé inanimé dans l’espace de vente du chai. Paula et Julien suivirent l’ambulance et attendirent deux heures à l’accueil qu’on leur indique dans quelle chambre il avait été installé. Une infirmière vint les chercher pour les accompagner jusqu’au service de réanimation où ils le trouvèrent endormi sous assistance respiratoire, mais le visage semblant apaisé. Ils durent patienter encore deux bonnes heures avant que le professeur qui l’avait pris en charge ne vint les saluer. Il alla droit au but, sans détour, et ne leur laissa que peu d’espoir.
« Votre époux souffre d’un cancer bronchique. Il a vécu à une époque où l’épandage de produits chimiques se faisait sans protection et l’inhalation de tous ces poisons a fini par atteindre ses poumons. Cette tumeur est présente depuis pas mal de temps et elle a fait de très nombreux dégâts. Son stade est trop avancé pour envisager une intervention chirurgicale.
« Mais je ne comprends pas monsieur le professeur, mon mari n’a jamais fumé de toute sa vie.
« Vous savez madame Brosset, respirer tous ces produits chimiques peut être pire que fumer quelques cigarettes par jour. »
« Mais qu’allez-vous lui faire ? »
« Nous allons le mettre sous protocole de chimiothérapie dès demain. Si tout se passe bien, il sera rentré à la maison d’ici la fin de la semaine. »
« Mais, si vous le laissez rentrer chez nous, c’est qu’il ira beaucoup mieux et qu’il guérira ? »
« Je vais être franc avec vous madame. Le mal qui ronge les poumons de votre époux est très avancé. Le traitement va ralentir le processus, c’est certain, mais il est peu probable qu’il le stoppe. »
Julien qui assistait jusque-là silencieux au dialogue entre le professeur et sa mère entra dans la conversation.
« Sincèrement professeur, qu’elle espérance de vie vous lui donnez ? »
« Je ne vous cache pas que votre père ignore l’état d’avancement de la maladie. Nous l’avons mis sous sédatif pour la journée, afin qu’il soit reposé pour attaquer les soins au plus tôt demain matin. Enfin, pour répondre à votre question, je dois vous dire que je crains que les fêtes de noël ne se passent sans lui. »
Paula émis un cri d’effroi et Julien se précipita pour la soutenir.
« Merci professeur, je vous contacterai vendredi pour prendre de ses nouvelles et si nous pouvons le ramener à la maison en fin de semaine. Viens maman, rentrons, nous reviendrons le voir demain. »
Ils rentrèrent tristement et en silence au domaine. Ils y trouvèrent Axelina qui se précipita à leur rencontre. Julien l’avait prévenue par texto, tout comme son frère, sitôt arrivé à l’hôpital.
« Ma pauvre Paula, je suis tellement désolée pour vous. Quel drame affreux. »
Elle prit sa belle-mère dans ses bras et l’embrassa affectueusement en la serrant fort contre elle.
« Merci mon , je sais que ta compassion est sincère et ça me touche beaucoup de savoir que tu nous as en affection. »
« Paula, vous êtes la maman que je n’ai pas eu la chance d’avoir. »
Issue de l’assistance publique, elle n’avait jamais connu ses parents et avait passé sa jeunesse trimbalée de famille d’accueil en famille d’accueil, n’ayant jamais pu tisser de vrais liens familiaux. Elle était tombée amoureuse de cette famille française qui, en dépit de nombreuses dissensions, était soudée par un lien indéfectible et indestructible.
« Cédric n’est pas avec toi ? »
« Je ne comprends pas, je l’ai contacté sur son tournage pendant une pause entre deux prises et il m’a dit qu’il se libérait au plus tôt. »
Julien se voulut rassurant.
« Il ne tardera pas maman, il ne faut pas t’inquiéter ; rentrons. »
La soirée fut calme et courte, tout le monde désirant se lever de bonne heure pour rendre visite à Henri. Paula parti se coucher vers neuf heures, laissant Julien et Axelina en tête à tête.
« Comment ça va vous deux ? »
« Tu sais, comme tous les couples, avec des hauts et des bas. »
« Portant, vous ne vous voyez pas souvent, je ne comprends pas. »
« Tu sais ton frère s’investit à fond pendant ses tournages, et il ne veut pas que je vienne le déranger. »
« Le déranger ? Tu viens le voir et ça le dérange ? »
« Il est comme ça. Ce n’est pas une sinécure de vivre avec un tel homme, crois-moi. «
« Je pense que c’est le lot de tous les couples d’artistes. »
« Sans doute. Mais ton frère a une lubie quasi permanente, il faut qu’il plaise, qu’il séduise, qu’il conquière. C’est plus fort que lui. »
« Il a toujours été comme ça. Cela ne veut pas dire qu’il t’est infidèle ! »
« Je ne sais pas, je l’espère en tout cas, car ça, je ne le supporterai pas. Qu’il fasse le coq auprès de ces demoiselles, qu’il parade auprès de la gente féminine, j’en ai fait mon lot. Mais qu’il me trompe, je ne le lui pardonnerai jamais. »
« Allons, ne te mets pas martel en tête. Cédric est un ado attardé de ce côté-là, mais, dans le fond, c’est un peu ce qui fait son charme. »
« Tu sais Julien, je ne suis pas une femme tolérante. Quand je m’engage, c’est à deux-cents pourcents, et j’attends la même chose de mon partenaire. »
« Ce n’est pas un défaut Axelina. Je ne te l’ai jamais avoué, mais c’est une femme comme ça que j’aimerais rencontrer. Une femme qui pourrait avoir tous les Don Juan de la terre autour d’elle et qui n’en serait pas troublée, car je serais le seul occupant de son cœur. »
« Tu es un romantique finalement, j’aime ça. Tu vas rencontrer cette femme, crois-moi, il y en a une qui t’attend quelque part et que tu sauras reconnaitre. Bonne nuit Julien »
« Bonne nuit à toi aussi. »
Le lendemain matin, après un déjeuner passé à chercher à joindre Cédric, ils décidèrent de se rendre à l’hôpital prendre des nouvelles de Henri.
Ce n’est finalement que le dimanche qu’ils eut le bon de sortie et qu’ils purent le ramener à la maison. Sa chimio portable était attachée à sa ceinture et il semblait s’en accommoder. Il avait semble-t-il perdu l’appétit. Lui qui avait toujours eu un bon coup de fourchette, se contentait désormais de grignoter des miettes des succulents repas que lui préparait jalousement Paula.
« Vous avez de nouveau cherché à joindre Cédric ? »
« Oui papa, il termine un rendez-vous important et il nous rejoint. »
« J’aimerais faire un tour au chai et dans les vignes et qu’il m’accompagne. Mes vignes me manquent. »
Le fils prodigue n’arriva que le lendemain après-midi, tout sourire, ce qui offusqua Axelina.
« Tout de même, voyons, ton père est gravement malade et ça n’a pas l’air de te toucher le moins du monde. »
« Au contraire ma chérie, je lui montre que ça va aller de mieux en mieux, pour qu’il ne gamberge pas. »
« C’était si urgent ce que tu avais à faire, pour ne pas venir aussitôt au chevet de ton père ? »
« Il n’est pas mourant que je sache. J’avais un casting pour un petit rôle dans mon nouveau film et, comme tu sais que je me suis investi financièrement dans la production, je tenais à superviser moi-même les candidates. »
« Parce qu’il s’agissait d’un rôle féminin ? »
« Oui. Mes collaborateurs tiennent à ce que le premier rôle féminin soit tenu par une inconnue. Cela me mettra en valeur, et ce sera la nouvelle star du grand écran si notre film touche le même succès que le précédent.
« Et à quoi ressemble l’heureuse élue ? »
« Je te ferai voir les rushs et tu me diras si nous avons fait le bon choix. »
Leur conversation s’interrompit car julien arrivait près d’eux.
« Alors frérot, comment se passe le tournage ?
« Bien frangin, ce sera un grand film. Nous avons touché des petites candidates, des merveilles. » Nous avons à choisir la covedette et avons auditionné quatre petites princesses. J’ai un penchant pour l’une d’elle, mais je n’en dis pas plus car je vous ferai voir les castings ce soir et nous verrons si vous partagez mon point de vue.
« Je crois que papa voulait que tu l’accompagnes pour une promenade au chai et dans les vignes.
« Allons bon, il fallait que ça tombe sur moi. Il ne me lâchera jamais le vieux. »
« Oh Cédric, c’est ton père tout de même, et il t’a toujours adoré. »
Alexina avait les larmes aux yeux.
« Tu devrais mesurer la chance que tu as d’avoir un père. »
« Allez, je plaisante. Bon, j’y vais, le devoir m’appelle. »
Le soir, Paula insista pour que tous participent à la veillée autour du feu.
« Alors Cédric, il paraît que tu as rapporté des images ? »
« Oui maman, vous allez voir ce qu’est un vrai casting de futures vedettes. »
Il projeta sur le téléviseur mural géant les images de quatre jeunes filles récitant un monologue à plusieurs facettes. Elle devait lire leur texte en prenant l’air drôle, puis en simulant la colère, puis en ayant l’air triste, puis, pour finir, en pleurant. Julien sembla très intéressé par le jeu d’une petite brunette aux jolis yeux bleus qui ne semblait pas trop mal s’en sortir et qui passa en dernier.
« Alors, dites-moi franchement qui mérite le rôle d’après-vous ? »
Henri se prononça pour la première actrice en herbe. Paula, Axelina et Julien lui préférèrent la dernière.
Cédric fit enfin son commentaire.
« Vous n’y êtes pas du tout. C’est la troisième fille, Véronica qui est la meilleure. D’abord, c’est la plus belle. Ensuite, elle a déjà tenu des petits rôles et ça se sent dans l’assurance qu’elle montre devant la caméra. Enfin, son père est un acteur célèbre, et ça va beaucoup aider la communication du film. »
Axelina ne semblait pas du tout convaincue.
« Mais, je ne comprends pas que le critère de la vraisemblance du jeu de l’actrice n’ait pas été le premier critère. Les trois autres sont tout aussi jolie que cette Véronica, mais il me semble qu’elles étaient largement meilleures comédiennes. »
« Tu n’y connaît rien. Elle a tout le temps d’apprendre à jouer. Nous ferons autant de prises que nécessaire. Par contre, les trois autres sont de parfaites inconnues et ne rapporteront rien en notoriété. »
Julien n’était pas du tout d’accord avec son frère.
« Permets-moi de te dire que vos critères sont plus que discutables. Pour ce qui concerne le jeu devant la caméra, je trouve aussi que cette Véronica est plutôt tarte, et pour ce qui concerne le critère esthétique, c’est la quatrième qui a mes faveurs. »
Axelina, qui était assise près de Julien lui glissa discrètement à l’oreille après lui avoir fait un léger clin d’œil.
« Si cela t’intéresse, je me débrouillerai pour te la présenter. »

Axelina tint parole. Trois semaines plus tard, Julien fut invité sur un tournage où elle tenait le second rôle féminin. La santé de son père semblant se stabiliser, il partit aux aurores un vendredi matin sur les lieux du tournage, du côté de Lyon. Il arriva sur place vers neuf heures et fut accueilli par l’agente de sa belle-sœur qui l’accompagna jusqu’à la caravane de la jeune femme. Elle était composée d’un salon, d’une salle de bain et d’une chambre et luxueusement aménagée. C’était plutôt un mobile home, spacieux et confortable. Après avoir fait la bise à Axelina qui était au raccord de maquillage, il fut prié de s’asseoir dans un divan en pur cuir et on lui servit un rafraîchissement. Quelques instants après son arrivée, on frappa à la porte et la jeune fille qu’il avait remarqué sur la vidéo de son frère fit son apparition. Elle respirait la jeunesse, l’insouciance et la fraîcheur des jeunes filles de vingt ans, qui se savaient belles, mais ne semblaient pas attacher trop d’importance à leur apparence.
« Tu m’as demandé Axelina ? »
« Entre Solène, viens que je te présente mon beau-frère Julien. Julien, voici Solène, l’actrice que tu as remarquée sur la vidéo des castings de Cédric. »
Julien se leva promptement.
« Bonjour, heureux de vous rencontrer. »
« Ravi de faire enfin votre connaissance. Axelina ne tarit pas d’éloge à votre sujet. Tu verras m’a-t-elle dit, c’est un homme très cultivé, de la meilleure éducation, qui a un métier aux lourdes responsabilités et, cerise sur le gâteau, dit-elle, qui ne manque pas de charme. »
« Vous allez me faire rougir. »
« Si cela vous tente, je vous propose de visiter les lieux de tournages. Nous sommes ici depuis une dizaine de jours et nous avons encore de nombreuses prises à faire dans ce petit coin de paradis. »
Axelina ne perdait pas une miette de la conversation.
« Allez-y, je vous rejoindrai plus tard.
Elle profita de ce que Solène lui tournait le dos pour lever le pouce et faire un clin d’œil à Julien.
Ils déambulèrent à travers les plateaux extérieurs et intérieurs. Julien découvrait un univers qu’il méconnaissait totalement et il avait le sentiment que Solène prenait plaisir à lui expliquer tout dans les moindres détails. Tout en visitant, Julien essayait de découvrir la jeune femme. »
« Quel rôle jouez-vous dans le film ? »
« Oh, je joue une ingénue, crédule au possible, qui est le cauchemard de sa grande sœur parce que les hommes se jouent de ses naïfs sentiments et de son innocence. »
« Cela vous plait de jouer ce genre de personnage ? »
« Eh bien, je n’ai que vingt-deux ans et je vous avoue que ça me ressemble assez. Mes parents m’ont tellement rabâché que j’étais d’une incroyable candeur et que cela me jouerait des tours plus tard que j’ai fini par croire que je n’avais aucune malice. »
« Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un défaut, si vous savez vous prémunir de la méchanceté des hommes. Il se peut même que cela soit une arme de séduction dont vous ne soupçonnez pas la portée. »
« Il faut que vous sachiez que ma relation aux hommes a toujours été prudente et réservée. Je n’ai jamais batifolé ni flirté à outrance. Je suis de nature timide et ne m’engage pas facilement. »
« Vous savez que c’est une qualité rare de nos jours ? »
« Je vous remercie, votre compliment me fait plaisir. »
« N’avez-vous pas été trop déçue de ne pas avoir été retenue pour le premier rôle féminin dans le film produit par mon frère Cédric ? «
« Si je vous disais non, je vous mentirais. Ce qui m’a désappointée, c’est qu’on ne m’ait pas révélé ce qui n’avait pas plu dans mon interprétation. Par contre j’ai entendu dire que le financement du film connaissait des difficultés. Vous êtes au courant ? »
« Oui, mon frère n’a pas encore obtenu les crédits bancaires nécessaires au démarrage du tournage. Cela risque de retarder considérablement le calendrier qu’il s’était fixé. De plus, j’ai appris que la jeune fille qui avait été prise aurait d’autres projets à venir et que si les choses ne se décantaient pas rapidement, il est probable qu’il faille refaire un casting. »
« Je vous avoue que si cela devait se produire, je ne suis pas certaine de vouloir y participer de nouveau. »
« Vous auriez tort, car personnellement, c’est vous que j’aurais choisie car votre prestation m’avait vraiment convaincu. »
« Vous êtes adorable. Si cela se confirme, je vous promets d’y réfléchir. »
 
Julien était charmé par la jeunesse insouciante de Solène, sa fraîcheur et cette pointe d’accent du sud qui la rendait si craquante.
« De quel coin du sud venez-vous ? »
« Je suis d’Avignon, cela s’entend tant que ça ? »
« Ne vous offusquez-pas de ma remarque Solène, j’adore votre léger accent, il est chantant et charmeur au possible. »
« Vous connaissez Avignon ? »
« Je vous avouerai que non. Je crois bien que je n’y suis même jamais passé. »
« Il me reste une scène à tourner cet après-midi et la semaine sera terminée pour moi. Si vous avez du temps, je vous propose de vous faire découvrir ma patrie ce week-end. Axelina m‘a dit que vous traversiez des moments difficiles, je ne vous retiendrai guère plus longtemps. Elle nous offre l’hospitalité pour la nuit. Son lit est assez grand pour elle et moi. Vous prendrez la banquette, elle est convertible et confortable. »
« Et bien c’est entendu Je préviens chez moi et je vous rejoints. »
Le déjeuner fut léger mais animé. Les deux jeunes femmes rivalisant de charme et de prévenance à l’égard de leur invité. Axelina accompagna Julien vers le plateau où Solène devait jouer.
« Maintenant que nous avons du temps pour papoter, tu vas me dire comment tu trouves ma petite protégée. »
« Elle est très séduisante, vive, intelligente et a beaucoup de charme. »
« Tu as un coup de cœur ? »
« Je ne fonctionne pas comme ça. J’ai besoin d’en savoir un peu plus sur elle, son milieu, ses proches, son quotidien avant de savoir si j’ai vraiment des sentiments. Il me faut du temps pour tomber amoureux. »
« L’as-tu déjà été ? »
« Je vais t’avouer une chose Axelina, mais ne le répète à personne. J’ai fréquenté plusieurs jeunes filles, certaines même plusieurs mois, mais je n’ai jamais été amoureux. Je n’ai pas trouvé la flamme ou plutôt la flamme ne s’est jamais allumée. »
« Et bien tu vas rire, mais moi non plus. »
« Ça alors ! Mais, tu es en couple avec Cédric ! »
« Oui, et j’ai beaucoup d’affection pour lui. Il est beau, riche, et il a un bel avenir devant lui, j’ai des sentiments pour lui, mais je me questionne encore. Tu sais, ton frère adore séduire, il connaît son pouvoir de séduction, et il en use partout et de façon quasi permanente. C’est presque un jeu pour lui. Il ne se rend pas compte qu’il m’arrive de me sentir humiliée quand il flirte ouvertement avec une femme devant moi. »
« Il a toujours été comme ça, mais, au fond de lui, je sais qu’il t’aime. »
« Tu as peut-être raison, mais j’ai encore besoin de temps pour que ce que je ressens pour lui se transforme en amour. Mais, assez parlé de moi et de Cédric. Parlons de toi et de Solène. »
« Elle m’a invité chez ses parents ce week-end. Si tout se passe bien, je lui rendrai la pareille la semaine prochaine et lui présenterai les miens et le domaine. »
« Voilà qui est un bon début. Je crois que tu lui plais beaucoup. Si tu le lui montre, cela va aller plus vite que tu ne crois. Ça ne se voit pas tout de suite, mais elle est très exigeante. Envers elle-même en premier lieu. Elle est très jeune, c’est vrai, mais elle sait ce qu’elle veut. Elle m’a confié que ces deux priorités sont de réussir dans le cinéma et de trouver le grand amour. Je croise les doigts pour vous. »
Le tournage commença et Julien découvrit avec quelle facilité Solène s’installait dans la peau de son personnage. Il lui trouva un talent fou et resta scotché, le regard comme hypnotisé par la jeune fille. Axelina qui ne perdait pas une miette des regards portés par son beau-frère lui pinça plusieurs fois le bras en lui faisant des clins d’œil complices
« Alors, elle n’est pas talentueuse la petite Solène ? »
« C’est incroyable, on dirait qu’elle est une autre personne. Elle a l’air d’évoluer sur le plateau comme un poisson dans son bocal. »
« Oui, je vois bien qu’elle t’a hypnotisé. »
« Elle est vraiment étonnante, je suis littéralement subjugué. »
Axelina le regarda et le lui confirma avec semblait-il une pointe de jalousie dans la voix.
« Oui, on dirait bien qu’elle t’a envouté. »
Le tournage se prolongea jusqu’en soirée et les jeunes gens s’en retournèrent à la caravane.
Ils y trouvèrent Cédric venu faire une surprise à sa petite-amie.
« Alors frangin, on vient débaucher les starlettes ? »
« La faute à qui ? Tu organises des castings où se présente une superbe et talentueuse jeune fille, tu viens nous montrer le film de sa prestation, j’apprends qu’elle est la petite protégée d’Axelina, et tu voudrais que je reste de bois ? Non, Quand ta copine m’a proposé de venir sur le tournage et me présenter Solène, j’ai saisi l’occasion et me suis précipité ici. Tu restes diner avec nous ? »
« Mieux que ça, je reste pour la nuit. »
« Oh, quelle bonne surprise, mais tu ne m’avais pas prévenue ; j’aurais commandé un bon repas. »
« Je m’en suis chargé, le traiteur vient juste de me livrer. »
Le repas fût joyeux et la conversation tourna autour du cinéma et de son environnement. Julien, totalement étranger à cet univers, suivi le dialogue entre les deux amies sans en perdre une miette. Axelina s’interrompit à un moment et s’adressa à lui.
« On ne t’entend pas ce soir. Aurais-tu perdu ta langue ? »
« Votre conversation est captivante, j’aime les gens passionnés. Je n’ai pas d’attirance particulière pour le cinéma, en tant que spectateur, mais, grâce à vous, j’ai découvert aujourd’hui que la face cachée de ce milieu était véritablement exaltante. »
La soirée ne se prolongea guère, car ils devaient tous se lever tôt le lendemain.
« Je vous ai prévu la caravane de Cyril, le premier rôle masculin. Sa femme est enceinte et il ne reste pas ce soir. Elle a été préparée pour vous. Vous avez le choix, soit le lit pour vous deux, soit lit et canapé. »
« Merci Axelina, c’est chou. Je dormirai sur le canapé, il faut que Solène soi en forme demain. »
Ils se séparèrent et les deux invités s’installèrent dans l’autre caravane. Sitôt partis, Cédric enlaça sa compagne et l’entraina sur le lit.
« Hum ! Toutes ces petites cachoteries m’ont donné un drôle d’appétit. »
Il la coucha et l’embrassa furieusement.
« Doucement chéri, on a tout le temps. »
« Une semaine loin de toi m’a mis en manque d’amour, il faut que je me ratt. »
Il la déshabilla rapidement puis ôta aussi prestement ses habits.
« J’aime tes seins, ils sont juste à ma taille, ronds souples, tout en étant fermes. Il agaça les pointes de la langue pendant que ses doigts prenaient possession d’elle.
« Doucement… »
« J’ai trop envie, laisse-moi venir en toi. »
« Il présenta son sexe dressé à l’entrée de son nid d’amour et d’une poussée la pénétra.
« Aïe, doucement je te dis, tu me fais mal. »
Il stoppa tout mouvement.
« Tu me sens, tu t’habitues à ma présence ? »
« Oui, tu peux bouger maintenant. »
Il entama un lent va et vient qu’il accéléra assez rapidement pour devenir une course endiablée qui faisait trembler le corps de sa partenaire à chaque poussée rageuse.
« Tu viens ? »
« Pas encore, pas encore…c’est bon, pas trop vite, je vais venir. »
« Oui, viens, viens, avec moi. »
Il ne put se retenir plus longtemps et se vida par longues saccades en elle. La dernière déclencha in extremis son orgasme. Il s’écroula sur elle, en sueur et le cœur encore emballé.
« Tu m’écrases chéri, fais attention. »
Il se leva prestement.
« Allez une douche et au lit. Tu tournes demain et moi je reprends la route. »
« Tu ne restes pas alors ? »
« Non chérie, j’ai trop d boulot à Paris. »
Elle attendit qu’il sorte de la douche pour aller se rafraîchir à son tour. En revenant dans la chambre, elle le découvrit sur le dos, les bras en croix émettant un ronflement à réveiller tout le camp !

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