Tradition Orale

Abu Dhabi janvier 2014

Sa bouche faisait rêver
Une bouche immense avec des lèvres épaisses lippues lipeuses.

Sa robe fuchsia rehaussée de paillettes dorées moulait un corps plein chaleureux
Plantureux
On voyait bien qu'elle ne portait aucun dessous
Le tissu moiré moulait sa taille
Ses fesses tendaient l'étoffe à faire craquer le fin zip qui descendait du col
On voyait bien qu'un simple geste pouvait la libérer
Et ce geste tous les hommes présents à ce cocktail brûlaient de le faire.

Elle exhalait des senteurs fortes de jardins de jasmins d'épices chaudes.

Ses chaussures d'argent à hauts talons et épaisses semelles compensées
Sa ceinture large en cuir fauve avec grelots d'or et chainettes
Ses boucles d'oreille qui pendaient immenses avec reflets multiples de dizaines de brillants minuscules
Son devant
En haut éclatant de seins épanouis écrasés par le tissu brillant
En bas modestement moulé d'un pubis charnu étirant l’étoffe de sa douce rondeur.

En passant auprès d'elle, on pensait Shalimar
Mais on découvrait d'autres régions
Encore plus exotiques, encore plus poivrées
Des pays inexplorés, sources du Nil, Kilimanjaro, Corne d'Afrique
On se sentait explorateur au siècle dernier, découvreur de civilisations oubliées.

On était tous là dans cette ambassade du Royaume-Uni
Et on n'avait, chacun, d'yeux que pour cette somptueuse femelle
Qui passait entre les tables jonchées de petits fours et autres amuse-bouche
Impériale
Hautaine
Inaccessible
Et chacun de nous faisait des plans pour descendre d'un coup d'un seul le zip dont la tirette pendait derrière à son col
Là-bas, en bas, derrière les palétuviers géants.

Elle ne pensait probablement qu'à ça, elle aussi
Les filles ici sont comme ça


Mon ami, mon camarade autrichien Wilhelm, effleura ma main
Il me prit par la taille en un mouvement discret et, plongeant ses lèvres à mon oreille, il me dit, cette femme-là est pour toi
Elle est l'épouse du consul d'Erythrée, ce petit vieux desséché qui discute derrière le bananier
Mais elle est épouse statutaire.

Exactement comme la berline statutaire, Béhème série 6 ou autre Mercedes, du chef d'entreprise européen.
Cette femme n'est pas à un homme, ne l'a pas encore été. Elle n'est à personne, elle est à prendre
Toi qui sais y faire, toi qui les aimes, tu sauras.

Moi je la regardais et j’en avais déjà les ovaires noués avec contractions lentes de tout le bas-ventre, comme une syncopée de cérémonie vaudou jamaïcaine.

Wilhelm avait vu juste, elle était à mon goût et il ne tenait qu'à moi de la ferrer
Et ferrer je savais
Remonter la proie la fatiguer la soumettre, aussi.

Ma coupe à main gauche, mes deux tétons aigus dressés crevant bas le devant tendu de la robe de soie saumon, mes hanches étroites balancées de fesses musclées, me voilà près d'elle et dans un élan mal maîtrisé la bousculant, tendrement.

Il y a dans le contact des corps des choses que l'on serait incapable de dire avec des mots
Moi je sais les dire avec mon ventre bassin basculé en avant, avec ma cuisse qui se lève et avance, avec mon buste qui se relève et balaye en caresse des deux seins
Mes deux seins et leurs tétons durs estafettes de mon trouble de mon émoi de mon désir
Moi je sais me coller juste un instant de trop et ensuite dire en excuse pas exprès mais si bon quand même et tendre et vous aussi et ... bonjour vous...

Cette fille attendait le mâle, tout son corps le criait
Mon copain s'était trompé, m'avait fourvoyée
Moi qui croyais arriver en terrain conquis en ville ouverte
Moi qui croyais qu'elle était de ma famille...

Erreur, elle était interloquée
Elle n'a pas compris
Autre planète autre culture autres façons.

Mais j'étais trop prise moi-même pour accepter le mal-entendu et renoncer
Non, j'étais comme ces poissons aveuglées par le leurre qui s'entêtent et veulent à tout prix... Et persévèrent, déterminées.

Chirac l'a dit, à moins que ce ne soit Tarzan
Envers et contre tout
Enfin tout ça pour dire que moi je voulais
Et que ce que femme veut.
..

Cette femelle exotique m'avait subjuguée
Son odeur me chavirait
Je regardais ce corps plein et je n'avais en tête qu'une idée
M'enivrer dans ses creux de sa peau de sa chevelure de ses toisons
Des fines gouttelettes qui moiraient son cou et le haut de son dos
De sa voix lourde profonde issue de thorax large
De ses yeux noirs aux paupières chocolat sans fard
De ce regard d'aigle presque méprisant de noblesse lointaine africaine.

Cette fois-ci je n'étais pas en séduction, j'étais moi-même séduite, prise
Pas pareil comme statut, plus difficile
Mais j'ai toujours pensé que l'attaque était bonne stratégie.

Quand on est séduite pourquoi donc le cacher ?
C'est un atout de plus dans son jeu que d'avoir les prunelles acérées comme têtes d'épingle, que d'être les yeux levés la bouche entr'ouverte le souffle lent, en attente.

J'ai parlé anglais, elle a ri et m'a dit le français me va mieux et nous fera amies
Elle m'a dit je vous connais depuis longtemps, vous étiez auparavant à Djibouti, nous aussi. Je vous admire. Vous êtes svelte fine sportive, tout ce que j'aurais voulu être... Et libre.
Elle m'a dit, je sais que vous n'avez pas de mari. Merveilleux pays que le vôtre où une femme peut avoir une position par elle-même sans la devoir à son époux et maître.
Elle m'a dit, je sais aussi que l'on raconte que vous allez volontiers avec les femmes.
Dans mon pays la Somalie, ce sont choses habituelles. Les hommes de qualité ont souvent plusieurs femmes au foyer. Alors les épouses en promiscuité sont souvent en intimité amoureuse.

Cela n'a pas été mon cas car mon mari est Erythréen. Il ne pratique pas la polygamie. J'ai été mariée à onze ans tout juste. Mon mari était veuf, riche et puissant. Ses s avaient à peine mon âge et nous jouions ensemble, sauf que moi le soir, quand la servante criait au lit, je filais dans celui du maître. Et moi, l’on me parait d’une chemise de nuit en dentelle fabriquée par les vieilles femmes noires du désert, quand les autres filles, elles, mettaient leurs pyjamas.


Il a voulu me garder juvénile alors j'ai échappé aux maternités.

Voilà, dix ans ont passé et nos relations conjugales sont restées purement ueuses : je suis encore la petite fille qu'il a épousée mais n'a jamais couverte.
De toutes façons aujourd'hui j'ai grandi et je suis assez forte pour me défendre et en sus question assauts il ne peut plus grand chose.

J'aime votre audace à vous à porter dans la rue ces robes de cotonnade à même la peau avec vos seins libres comme tourterelles. Vous le pouvez, vous êtes Blanche. Ici, les hommes n'ont guère de respect pour nous, les Noires.

Venez demain soir à la villa. Mon mari reçoit des émissaires pour affaire de mines d'or et de prospection. Ce sera ennuyeux pour moi. Si vous venez, nous nous sauverons pour bavarder en aparté près de la piscine.




La journée a été longue. Je pensais comment a-t-elle pu échapper tant d'années au joug du mâle ? Surtout faite comme elle est ... un vrai pousse au crime.
Surtout dans ce pays où la femme est avant tout objet de consommation sexuelle.
J'imaginais la gamine, jeune mariée, au soir de sa nuit de noces, avec ce vieil époux probablement pressé de consommer la chair fraiche qu'il s'était offerte.
De quels arguments avait-elle usé ? Qu'aurais-je fait à sa place ?
Un pompier, un vigoureux pompier tous les soirs
Et une pipe les jours de fête, pour entretenir l'espoir de jours meilleurs...

Je savais que ces mariages de filles prépubères, arrangés par les familles, avaient pour justification de permettre aux maris d'assurer l'éducation de leurs épouses selon leurs goûts et surtout de les garder à l'abri des amours adolescentes et autres expériences sexuelles déflorantes.
Qui mieux que le futur mari pouvait garer la fille hors les tentations de jeunesse ?



Le soir venu je me suis rendue dans mon Toy pickup à son adresse. C'était une imposante demeure près du palais présidentiel.
Elle m'a reçue en princesse. A peine deux mots de salamalecs aux hommes et, coupes en main, nous avons filé, en complicité, au fond du jardin.

Assises les pieds dans l'eau, sur le flyer, nous bavardâmes. Elle était avide de tout savoir de moi.
Moi qui étais venue pour la séduire, moi qui, prise à mon propre piège, étais séduite, voilà que j'étais assise tout contre cette femme qui n'avait qu'une idée en tête, me séduire. La tête me tournait.

Elle m'a dit, profitons-on en avant dîner et elle a glissé dans l'eau après avoir ôté sa robe d'un geste naturel, léger, insignifiant.
Je n'ai pas hésité mais elle me regardait. Alors je me suis levée, j'ai fait tomber les bretelles de mes deux épaules et, comme en striptease, j'ai laissé glisser la robe arrêtée par mes hanches. Mes seins étaient rougeoyants du couchant africain. Je savais qu'elle me matait, sa tête ses yeux dans l'eau sombre mais moi je regardais au loin le soleil immense sur la savane.
J'ai aidé la robe de mes deux pouces, entrainant la culotte, jusqu'à mes pieds.
J'ai plongé pour la rejoindre. L'eau était fraiche et a réveillé ma conscience.

Elle n'a pas eu de geste équivoque et nous avons seulement crawlé une dizaine de longueurs de concert.

La cloche a sonné, elle a dit, Madame est servie, faut y aller.
Son corps était sculptural et je voyais qu'elle n'avait pas un poil. Elle a vu mon regard sur son pubis et elle m'a dit, je te dirai.
Moi je me suis rapidement séchée et rhabillée.
Les hommes nous attendaient et nous ont fait les honneurs de la table, nous intercalant au milieu d'eux.

Moi je savais que c'était là simple politesse et qu'en fait, passées les entrées, les conversations sérieuses reprendraient auxquelles nous ne serions pas conviées.
Il n'est rien de pire que ces discussions d'hommes, en anglais, qui traversent les femmes sans conscience de leur présence.

Les desserts orientaux ne nous seyant pas, nous nous sommes éclipsées.

Elle m'a menée chez elle, dans son aile. Elle m'a dit, les deux ainées sont mariées, la cadette et le garçon sont étudiants à Berkeley et Montpellier. C'est moi maintenant qui tiens la maison et le personnel.
Elle m'avait prise par la taille de son bras puissant et m'a posée sur un canapé de cuir blanc. Elle a agité un grelot de cuivre jaune, une servante est aussitôt apparue apportant les thés.

Elle m'a dit, la raison de mon pubis glabre n'est pas ce que tu crois. Je ne cherche pas à singer les femmes d'Amérique ou de Russie. C'est pour mon mari, pour lui seul.
Vois-tu, après la fête, quand les invités au mariage eurent été couchés et que lui m'a conduite tremblante à la chambre nuptiale, il m'a dit, Petite Epouse, tu seras femme dans mes bras mais tu le seras seulement le jour où le poil fera buisson au bas de ton ventre.

Ainsi ai-je vécu mes jeunes années dormant dans le lit d'un homme se couchant alors que j'étais déjà endormie et se levant avant que je ne m'éveille.
Et moi le matin à ma toilette pliée en deux faisant la chasse, pince en main, au moindre embryon de poil alentour de mes chairs roses.

Oh, ma vie n'a pas été si facile en ces années-là. J'étais, épouse, ravalée au rang des s. Le précepteur qui assurait l'instruction de la fratrie m'a accueillie simplement comme nouveau membre de sa classe. Mes cousins, ici on dit cousin pour tout le monde, m'ont acceptée d'autant plus volontiers que ma proximité du maître permettait des intercessions.
Ces trois filles qui avaient mon âge et ce garçon qui était, lui, plus jeune, ont été mes frère et soeurs et nous avons vécu ensemble une adolescence heureuse. Mon statut d'épouse et les devoirs qui y étaient attachés n'ont pas entaché notre tendresse réciproque.

Mais parle-moi de toi, la Française, l'Expat, belle et libre, tu dois avoir connu plus d'hommes qu'il n'y a d'étoiles en ciel d'été dans le désert.
Et d'hommes de qualité...

J'étais gênée de lui dire, que les hommes j'en étais tant rassasiée que je restais maintenant sourde aveugle à leurs sollicitations. De lui dire à elle, elle que je comprenais en attente de révélation, en attente de rencontre d'un mâle solide qui la prendrait et l'emmènerait, au bout du monde, Sabine à Rome.
Elle voyait à vingt-deux ans à peine, son avenir bientôt, veuve richissime, cougar chassant les voyous de vingt ans pour combler les fantasmes déçus de son adolescence.

Moi, j'avais envie de me couler dans ses bras, de humer sa peau ses aisselles, de tripoter ses fesses pleines, de caresser ses seins lourds comme des obus sous le boubou coloré. J'étais ailleurs, dans un monde de sensualité, de chaleur et de partage.
Comme nous étions assises toutes deux sur ce canapé, je me suis laissé aller contre elle, la tête sur ses cuisses blottie sous ses seins, la bouche contre son ventre.
Mes jambes étaient repliées, les genoux à toucher sa hanche.
Ma robe était remontée et je savais qu'elle voyait le blanc sous le coton coloré troussé.

Je n'ai plus parlé et je l'ai laissée me caresser les cheveux le cou descendre sur mon bras nu toucher ma main la serrer remonter sur mon ventre effleurer le téton pointé en attente redescendre en deuxième passage sur icelui en confirmation puis passer sur ma hanche jusqu'à la cuisse chaude remonter sous le tissu sous l'élastique empaumer ma fesse et rester là immobile coite.

Je sentais son attente de mes récits. Elle m'offrait la tendresse que je cherchais mais en échange elle voulait savoir mes aventures, m'entendre les conter.
L'Afrique est ainsi, en traditions orales.
Nous on se raconte en écrivant
Et l'on écoute en lisant
Eux c'est en disant, en disant des nuits entières durant, les histoires vécues enluminées des fantasmes rêvés, des espoirs presque réalisés, des peines et tourments conséquents en contes de milliers de nuits...
Alors, mes lèvres à toucher son nombril, encafournée dans la chaleur de ses cuisses, j'ai déroulé les rencontres de mon coeur chasseur et si souvent aussi gibier.
Des textes que j'aurais volontiers écrits sur des carnets au feutre fin V7 et qu'au lieu de cela je déroulais pour une oreille attentive dans la nuit tropicale.

Tandis que je parlais, ses mains chaudes irradiaient leur force sur mes membres sur tout mon corps. Elle avait la tête penchée en avant d'attention au murmure de mes lèvres, là à toucher son nombril.
Mes bras, mes mains à moi n'existaient pas, n'existaient plus, repliés contre elle.

A la fin d'un récit, quand l'homme m'avait gardée près de lui après cette folle course sur la montagne pour échapper à l'orage sur la crête balayée de vent, quand nous avons trouvé enfin refuge dans cette maison de berger abandonnée, quand le danger écarté n'était plus que prétexte à notre intimité, quand il m'a prise...
A la fin de ce récit, elle m'a relevée, elle a dit la nuit est fort avancée les invités sont tous partis et la maisonnée dort, viens t'en avec moi, restons ensemble.

Voici bien des nuits que mon mari a déserté ma couche.

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