Nocturne

Les notes ont surgi par ma fenêtre, un samedi matin.
Le soleil inondait la cour de l’immeuble, où déjà les bruits familiers du week-end se mêlaient. La famille du 5ème partant chez leurs cousins, les deux amis de l’escalier A qui se bousculent, déjà dans la partie de foot qu’ils vont disputer, la mamie au-dessus de chez moi qui a allumé sa télé un peu trop fort.
Allongée sur mon lit, je me suis concentrée sur cette musique, un bruit inhabituel. Du piano.
Je me suis souvenue que l’appartement d’en face venait d’être loué. J’aimais bien les précédents locataires, un jeune couple qui s’était trop vite séparé.

Un mouvement lent, mais cadencé. Une musique qui me ramenait des années en arrière, quand mon frère répétait ce morceau, encore et encore, jusqu’à le jouer parfaitement.
Je me suis levée, tentant d’apercevoir la personne qui jouait si bien.
J’apercevais juste entre deux meubles, de dos, de longs cheveux noirs.
A la fin du morceau, la tête s’est tournée, et j’ai vu son visage. Ses yeux surtout. Noirs, profondément noirs. Puis le visage a disparu, laissant place à un dos qui quittait le piano, puis plus rien.

Je suis assise devant ma fenêtre, puis replongée dans ma lecture, mais j’avais l’esprit ailleurs.
Au bout d’une demi-heure, j’ai décidé d’aller faire un tour pour m’aérer un peu. Arrivée dans ma cour, j’ai salué le concierge. Un monsieur dans la cinquantaine, bien conservé, qui a l’habitude de me faire un brin de causette séducteur quand sa femme n’est pas dans les parages.
- Alors Mademoiselle Camille, on va faire quelques courses, ou peut-être voir votre amoureux ?
- Monsieur Leportal, vous savez bien que je n’ai pas d’amoureux.
- Je ne peux le comprendre, vous êtes si jolie, et vous savez que moi je pourrais être amoureux de vous.
- Taisez-vous, si votre femme vous entend, elle va encore crier !
- Bonne promenade, Mademoiselle Camille.

Vous avez entendu, nous avons une cour musicale maintenant, c’est agréable non ?
- Très, au revoir Monsieur Leportal.
Ca y est, il m’avait relancée dans ma rêverie. Un regard et me voilà pensive. Mais si profond ce regard. Et pourtant, j’en étais sûre, il ne m’avait pas vu, c’est moi qui l’avais observé. J’imaginais ces yeux me regarder bien en face. Serais-je capable de supporter un tel regard ?

Je passais la matinée dans le parc près de chez moi, à tourner autour du bassin, à observer la les animaux familiers du lieu. Et les s. Et tiens, la mamie est sortie aussi par cette belle journée. Et voilà les deux footeux qui reviennent. Oh, mais. Oui, oui, c’est lui qui sort de l’immeuble. Il tourne à droite, et part le long du trottoir, vers la place du marché.
Je l’ai suivi, d’un peu loin, sans réfléchir.
Arrivée au marché, je l’observais faire ses achats, discuter avec les vendeuses de légumes, leur sourire aussi. Naturel, gracieux. Normal.
J’en ai profité pour acheter quelques victuailles également.
Je tournais, à étals distants, autour de lui, le dévorant du regard.
- Bon dieu, Camille, qu’est-ce qui t’arrive ? me suis-je demandée.
Jamais je n’avais agi ainsi.
Mais j’étais attirée, irrésistiblement. Je ne le trouvais pas particulièrement beau, sexy ou autre. Non, mais son regard m’avait vrillé l’âme.

Il est sorti du marché, et a repris le chemin de l’immeuble.
J’imaginais comment entrer en contact avec lui, mais toutes mes idées me paraissaient stupides, téléphonées, trop évidentes. Bref, il allait me prendre pour une conne !

Il est entré dans la boulangerie, au coin de notre rue.
J’ai continué mon chemin, et suis rentrée chez moi.
J’ai été prendre une douche pour me rafraichir. J’en ai profité pour calmer le feu qui naissait entre mes cuisses. Je me suis massée l’aine, puis caressée la fente, puis j’ai appuyé sur mon bouton, le faisant rouler entre mes doigts.
Enfin, j’ai joui, brutalement, ses yeux en tête.

La nuit est tombée. Avec la chaleur, les fenêtres étaient ouvertes.
La sienne était fermée, mais on entendait le son du piano.
Délicat, il ne voulait pas déranger les voisins avec ses gammes.
Je regardais chez lui.
Puis le silence.
Puis il est apparu à sa fenêtre. Juste devant moi. Il m’a souri, a posé l’index sur ses lèvres comme pour me demander de me taire.
Il a disparu.
Puis je l’ai vu traverser la cour.
Entrer dans mon immeuble.
J’ai entendu la sonnette de mon appartement.
J’ai ouvert.
- Bonjour, vous êtes bien la demoiselle qui fait le marché en observant son voisin ? a-t-il demandé avec un sourire doux et franc.
- Euh, non, pourquoi, non…
- Ah ! Désolé, je me suis trompé de porte. Et il a tourné le dos pour repartir.
- Non, non, euh, oui, oui, je suis la bonne personne, la demoiselle qui observe son voisin qui fait son marché…..
Il s’est retourné, m’a souri à nouveau.
- Il me semblait bien !
- Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai aperçu votre regard ce matin quand vous avez fini de jouer, et je voulais voir à qui étaient ces yeux noirs qui m’ont hanté toute la journée.
- Mmm, je vois.
- Entrez, je vous en supplie.
- Vraiment ?
- Entrez, lui ai-je souri
- Ah, un sourire, ça c’est plus engageant !

J’ai refermé la porte derrière lui.
Je me suis blottie contre lui.
Je l’ai embrassé. Il m’a rendu mon baiser. Tendrement, mais avec passion également.
Il m’a soulevée dans ses bras, a trouvé ma chambre comme s’il l’avait toujours connue, et m’a déposé sur le lit.
Il s’est agenouillé au pied du lit.
Il a remonté ses mains le long de mes jambes, sous ma jupe.
M’a enlevé ma culotte.
M’écartant délicatement les jambes, il s’est approché, puis m’a léchée, lentement, longuement, apprenant mon goût, découvrant mes réactions à ses caresses, cherchant mon bouton pour lui prodiguer des coups de langue ravageurs.

Je me suis laissée emporter par le plaisir, et j’ai joui.
Alors, avec juste la lumière de la lune pour nous apercevoir, nous nous sommes mutuellement déshabillés.
Son sexe était tendu, prêt à me pénétrer.
Il m’a dit :
- Je vais te jouer le morceau que je réservais à celle dont je tomberais amoureux au premier regard. Je n’ai jamais osé approcher une femme, je ne l’ai jamais joué, c’est la première fois.

Je rêvais. Cet homme qui m’avait si bien fait jouir, c’était sa première fois ? Comment ne pas être fascinée par les promesses que recélait son inexpérience.
- C’est magnifique, quel est ce morceau ?
- Un nocturne…..

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