Vice-Versa

C’était le 1er janvier, cette année-là un mardi.

Ariane était affalée sur son canapé devant son poste de télévision encore éteint, elle n’avait même pas eu la force de l’allumer.
Depuis combien d’heures était-elle là ? Elle n’avait pas vu tomber la nuit, les larmes versées avaient laissé des traces sur ses joues. Le regard fixe, elle n’arrêtait pas de se traiter d’idiote, de conne…

Romain était en train de boire une bière avec son pote Luc qui essayait de lui remonter le moral. Il était arrivé en début d’après-midi cherchant un lit pour dormir. Il avait l’air tellement abattu que la femme de Luc n’avait pas osé lui dire non.
Depuis Romain ne cessait de répéter « Pourquoi… Mais, pourquoi ? ».

Par contre, leurs amis, ceux qui, la veille, avaient organisé le réveillon dans leur grande maison de banlieue, étaient en rage contre eux. Ils avaient gâché la soirée avec leur connerie. C’était certain, ils ne les réinviteraient pas, surtout ensemble.

Que s’était-il passé ?

Ariane et Romain étaient ensemble depuis plusieurs années.
Ils s’étaient connus il y a quatre ans, chez des amis communs. Elle n’avait pas de voiture, chevaleresque, il l’avait raccompagnée chez elle. Ils avaient échangé leurs numéros de téléphone.

Deux jours après, ils dînaient ensemble. La semaine suivante, elle passait la nuit dans son studio. Depuis, ils ne se sont plus quittés.

Pourquoi elle ? Pourquoi lui ? Ni l’un ni l’autre ne saurait le dire. Une évidence, aussi bien pour Ariane que pour Romain.

Arrivé à la trentaine, Romain se consacrait exclusivement à son boulot, s’étant tracé un plan de carrière qu’aucune femme ne pourrait troubler. Il avait eu de nombreuses aventures féminines, sans jamais vouloir s’attacher, six mois c’était bien le maximum. Mais il tombait amoureux facilement, un regard, un sourire lui suffisait, même si parfois le lendemain, il disait au revoir à sa nouvelle conquête sachant bien qu’il ne la rappellerait pas.



Ariane n’était pas en reste, Romain n’était certes pas le premier. Elle avait même vécu plus de deux ans avec Jérémy avant qu’elle ne s’aperçoive qu’il papillonnait ailleurs chaque fois qu’elle avait le dos tourné. C’est elle qui, un jour, lui a tourné le dos définitivement, sans aucun regret.
Les autres, combien ? Quand on aime on ne compte pas. Romain se doutait bien que ses sorties entre copines devaient se terminer, parfois, dans un lit inconnu.
C’était son passé, aujourd’hui elle est avec lui. Il ne pose pas de questions, préférant ne pas savoir, c’est son passé. Et surtout ne pas avoir trop à dire sur son passé à lui.

En amoureux, Ariane et Romain préféraient goûter le temps présent.


Au lit, leurs expériences personnelles, leur permirent d’atteindre le nirvana dès la première nuit, chacun s’accordant à merveille au désir de l’autre… ce ne pouvait être que l’amour qui les unissait. Mais ça il ne le savait pas, enfin pas encore.

Au fil des années, leurs amis avaient pris l’habitude de les voir ensemble, on n’invitait jamais Romain sans inviter Ariane, ni Ariane sans penser à Romain. Pourtant ils vivaient chacun de leur côté. Lui dans son studio d’étudiant qui lui convenait parfaitement, elle dans la maison de famille héritée d’un oncle éloigné que ses parents habitant en province lui avaient laissée.

Ils passaient toutes leurs vacances ensemble, les week-ends, parfois aussi une nuit dans la semaine, mais chacun chez soi, chacun son port d’attache. Une doctrine partagée.

Ne fallait-il pas penser à l’avenir ?

Romain était amoureux d’Ariane, il ne pouvait imaginer la vie sans elle. Mais comme beaucoup d’hommes de son âge, il avait du mal à s’engager.

Ariane par contre se mit à réfléchir en fêtant ses 30 ans dans la petite auberge que Romain avait choisie pour leur week-end en amoureux.
Dans 10 ans, elle aurait 40 ans. Si elle voulait fonder une famille, faudrait y penser.
Son chéri hésitait, en femme de caractère elle décida que c’était à elle d’agir.

Non, elle ne lui mit pas le couteau sous la gorge, il fallait que ce soit lui qui le lui demande, ou du moins qu’il croit que cela vient de lui. Maligne, elle commença ses travaux d’approche après le câlin du matin.
Perfidement, elle distilla l’idée que… on pourrait…

Enfin, pendant des vacances passées sur une plage de sable fin en Guadeloupe, Romain lui a proposé d’abandonner son studio pour venir s’installer avec elle, chez elle, si elle voulait bien l’accueillir. Quel effort !
Ariane toujours fine, comme toutes les femmes, lui laissa faire sa demande une fois, deux fois avant de dire … oui… c’est une idée… pourquoi pas. Mais dans sa tête, elle sautait de joie.

Au retour de vacances, elle prit les choses en main, « battre le fer quand il est chaud » telle est sa devise. Le déménagement de Romain pourrait avoir lieu le week-end prochain… ce qui fut dit fut fait.
Dans la foulée, elle lui proposa de se pacser, comme ça un soir, l’air de rien. Il n’a pas dit non. Les papiers étaient prêts, un mois après ils étaient liés.

Elle n’a pas voulu parler mariage, toujours la même tactique, ne pas le brusquer.

C’est lui, comment avait-elle réussi à le lui faire dire, qui lui proposa de se marier dès qu’ils décideraient de fonder une famille. La famille, ce mot avait toujours fait peur à Romain, « faut grandir lui disait souvent sa mère », grandir, devenir vieux… c’est loin… plus tard.

Enfin, c’était dit.
Ariane était aux anges, et déjà notait dans un coin de sa tête, le mois idéal. On était en septembre, la noce avant l’été, en mai ou juin, partir en voyage de noces. Bébé naîtrait en fin d’année, parfait. Il faudrait donc y penser en janvier, après les fêtes.

Elle avait tout prévu, tout calculé, sachant même comment aménager sa carrière pour concilier famille et boulot. Bonne mère, bonne épouse, une place de chef de service en vue… son avenir était tout tracé, elle l’avait voulu, elle l’avait décidé.


Une fois pacsés, installés ensemble dans une grande maison, un projet pour l’an prochain, Ariane et Romain profitaient de leur jeunesse et de l’amour qu’ils se portaient.

Leur travail leur plaisait, beaucoup de taf, pour elle comme pour lui, celui qui rentre le premier prépare le dîner… sans jamais oublier le câlin du soir, ni celui du matin au réveil pour bien commencer la journée.

Le samedi, la soirée était réservée aux sorties avec les amis, et le dimanche quand il ne fallait pas rendre visite aux parents de l’un ou de l’autre, c’était à celui qui organiserait un petit week-end en amoureux.

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ROMAIN

Cette année, pour la soirée du 31, nous sommes invités chez nos amis pour fêter ensemble la nouvelle année.

Nous arrivons dans leur grande maison les bras chargés, petits cadeaux pour nos hôtes. Ariane a revêtu une belle robe longue un peu vintage. Un collier met en valeur son décolleté, des boucles d’oreilles assorties complètes sa tenue classe et sexy. J’ai moins été original, un ensemble polo pantalon avec une veste décontractée, sans grande originalité.

Sur place nous retrouvons des couples connus, d’autres moins. Nous les rejoignons au sous-sol transformé en salon, un verre d’apéritif à la main pour attendre les derniers invités… Tout en saluant nos amis, je jette un regard autour de moi. Mais ? Là, c’est bien Ludovic, l’ex d’Ariane, enfin un de ses ex, que fait-il là ?

Je n’ose le demander à Ariane, un excès de jalousie serait mal venu, c’est le passé, son passé. Je l’ai reconnu, pour l’avoir aperçu de loin un jour en allant au cinéma. Ariane lui avait fait un petit signe, sans le lui avoir demandé, elle m’avait dit avoir flirté un été avec lui. Flirté ? J’ai vite compris un peu plus, beaucoup plus bien sûr. Un amour de vacances, c’est le passé.

Mais, que fait-il là ? Ariane savait-elle qu’il était invité ? Elle ne m’a rien dit.

« A table », la maîtresse de maison décide de séparer les couples, faut se mélanger, avec un savant calcul, un homme une femme, un homme une femme.
Ça ne me plaît pas, mais il faut suivre les consignes. Je vois avec un brin d’inquiétude, Ludovic s’asseoir à côté de ma belle. Tout au long du repas, je délaisse un peu mes voisines, le regard attiré par Ariane qui rit trop souvent aux blagues de son voisin, elle semble passionnée par sa conversation. De temps à autre, nos yeux se croisent, elle me fait un beau sourire ou un petit geste de la main. Est-ce une illusion, je la sens gênée.

Minuit, tout le monde se lève, festival de bises.
Tout en posant mes lèvres sur les joues de mes voisines, je ne peux m’empêcher de regarder Ariane qui s’est attardée un peu trop à mon goût dans les bras de son voisin.

Enfin, faisant le tour de la table pour n’oublier personne, poignées de main et bises, j’enlace Ariane « Bonne année ma chérie » « Bonne année mon chéri », un long baiser nous unis. J’ai envie de lui demander ce que son voisin lui racontait de si drôle, mais j’ai peur d’entamer une discussion qui risque de dér. Ce n’est pas le moment.

Le champagne remplace les bouteilles de vin. Les tables sont poussées. Sur le « Ahhh ! » de Claude François, la soirée dansante démarre au son d’Alexandrie-Alexandra. Il n’y a que Cloclo pour faire l’unanimité et décider les invités les plus récalcitrants à envahir la piste de danse. Nos hôtes ont tout prévu, la musique est accompagnée des incontournables cotillons.

Tout le monde danse seul sans s’occuper de son voisin. Comme toujours, Ariane s'éclate sur la piste.

Enfin un slow, je cherche ma belle des yeux pour la prendre dans mes bras, trop tard elle est déjà dans ceux de Ludovic. Nos yeux se croisent, Ariane me fait un petit signe d’impuissance, je lis « je t’aime » sur ses lèvres. Compréhensif, je vais me resservir un verre et attendre… Je l’observe de loin, attendant mon tour. Je trouve qu’il la serre d’un peu trop près, mais c’est un slow.

Au changement de morceau, elle abandonne son cavalier et vient se blottir dans mes bras. En dansant enlacés, elle m’embrasse amoureusement dans le cou.

La musique, le champagne… Je fais tourner plusieurs dames, Ariane passe de bras en bras. Nous nous croisons au hasard des danses.

La nuit va être longue, on boit, on danse, on discute. Comme dans toutes ces soirées, il y a un rigolo qui organise les inévitables jeux qui n’amusent plus personne.

Après une série de danses de salon qui a fait retomber l’ambiance, la danse des canards permet à tous les invités de se trémousser en cadence… Ensuite, Disco et slow s’enchaînent pour finir la soirée, enfin finir la nuit, car on doit attendre le jour pour rentrer, un rituel.

La fatigue commence à se faire sentir, quelques invités somnolent sur les canapés, certains sont déjà partis. Les bouteilles d‘eau pétillante remplacent le Champagne pour ceux qui doivent reprendre leur voiture.

Je discute avec un couple d’amis plus vu depuis l’année dernière. Nous décidons de nous revoir. Pourquoi ne pas venir avec leurs s tirer les rois chez nous dans quelques jours, ça fera plaisir à Ariane.

Tiens au fait, où est-elle ? Prenant deux flûtes, je la cherche pour trinquer une dernière fois avant de prendre congé à notre tour. Je l’ai perdu de vue. Je regarde dans la cuisine, aux toilettes, sans succès. Autour de moi, personne ne sait où elle se trouve.

A ce moment-là, je prends conscience que Ludovic aussi n’est plus là. Une boule se forme au creux de mon estomac. Le jardin, on ne sait jamais, plusieurs invités sont déjà sortis fumer une cigarette ou prendre un peu l’air. Personne.

Je refais le tour de la maison, c’est le cœur battant que je monte à l’étage. J’entends des bruits, deux personnes viennent chercher leurs manteaux entassés sur le lit de la chambre qui sert de vestiaire. Je fais semblant de chercher le mien. Resté seul, je tends l’oreille. Des bruits viennent de la chambre du fond, je m’approche, pas de doute un couple est derrière cette porte, un couple en train de s’envoyer en l’air… et si ?

Je me retiens d’ouvrir pour les surprendre, mais… Je préfère attendre dans un coin. La lumière s’est éteinte, l’obscurité envahit le couloir. Seule me parvient la musique diffusée au rez-de-chaussée, mêlée aux râles venant de la chambre… La femme a joui… attentif, j’entends l’eau couler dans la salle de bain. Encore quelques minutes, la porte s’ouvre sur deux ombres furtives.

Sous mes yeux incrédules, embués de larmes, Ariane lisse sa robe « nous n’aurions pas dû » dit-elle à voix basse. La prenant par la taille Ludovic essaie de l’embrasser « Pas grave, ton mari ne le saura jamais ». Ariane semble paniquée « Attends ici, je descends, j’espère qu’il n’a pas remarqué mon absence ».

C’est plus que je ne peux le supporter. J’allume la lumière.

Ariane est frappée de stupeur en me voyant, le regard dur, mais elle devine la tristesse qui me brouille les yeux.
Ludovic réagit le premier « laisse-moi t’expliquer ». Je ne lui laisse pas le temps d’en rajouter, sans attendre, je lui envoie mon poing dans la figure. Sous l’effet du choc et de la surprise, il tombe au sol. Son nez et, sa lèvre saignent, rageur je rajoute « Et ça c’est une explication ? ».

Ariane est pétrifiée, elle n’a pas bougé, se contentant de dire « mon chéri » entre ses lèvres, tandis qu’alertées par le bruit plusieurs invités découvrent Ludovic, la figure en sang, sans comprendre ce qui vient de se passer.

De honte, Ariane se réfugie dans la chambre. Je redescends laissant les invités s’occuper du blessé.

Au bout d’un moment, honteuse, Ariane se décide de se montrer ne sachant quelle attitude adopter. Elle me cherche en arrivant au salon. Sa copine l’interpelle :
- Bravo tu as gâché ma fête,
- Désolée, je suis désolée.
- …
- Où il est ?
- Je n’en sais rien. Il était dans un coin tout à l’heure, il t’attendait. Il faisait peine à voir, tu t’en doutes un peu. Qu’est-ce qui t’a pris ?
- J’ai perdu la tête… Je m’en veux. Excuse-moi.
- Moi je m’en remettrais, mais Romain ?

Ariane baisse la tête, elle voudrait se réfugier dans les bras de son mari, lui expliquer, lui demander pardon. Mais Romain a disparu. Dehors, sa voiture n’est plus là. Il est parti sans elle ? Il l’a abandonné.

Elle doit attendre que quelqu’un la raccompagne, pas Ludovic, non lui elle ne veut plus le voirr. Sa copine lui propose de rester dormir chez eux, mais Ariane veut rentrer, elle veut retrouver Romain au plus vite

Quand elle arrive, Romain est couché. Sur la table du salon, son pacs déchiré en quatre. « Noon ! »
Ariane se couche, se colle à lui, lui demande pardon. Il la repousse sans un mot.

Le lendemain Romain ne dit rien, le café, la douche. Elle essaie de lui parler, il ne l’écoute pas, comme si elle n’était pas là.

Elle retient ses larmes en le voyant préparer une valise :
- Non ! Que fais-tu ?
- …
- Tout est de ma faute. Parle-moi mon chéri, engueule-moi, mais ne t’en vas pas.

Sa valise est prête, son ordinateur déconnecté dans sa housse. Sans un regard pour celle qui l’a trahi, il claque la porte en partant.

Ariane s’écroule sur le canapé…prostrée… Le soir venu, elle n’a toujours pas bougé.

---oOo---

Note de l’auteur :

Ariane vient de tromper Romain, l’amour de sa vie. Romain se sent trahi, pourra-t-il lui pardonner ?
Et si …
Et si Romain avait trompé Ariane, l’amour de sa vie. Ariane se sentirait trahie elle aussi, pourrait-elle lui pardonner ?

---oOo---

ARIANE

Cette année, pour la soirée du 31, nous sommes invités chez nos amis à fêter ensemble la nouvelle année.

J’ai revêtu une belle robe longue un peu vintage, que j’ai empruntée dans l’armoire de ma mère. Après quelques retouches, elle me va à merveille. Je n’aurais jamais cru que ma mère ait la taille aussi fine, ni qu’elle portait des décolletés aussi profonds. Alors pourquoi pas moi.
Un collier en brillant de pacotille, bien clinquant met en valeur ma poitrine, des boucles d’oreilles assorties complètes cette tenue classe et sexy. Je me plais, dans le miroir de notre chambre et dans le regard de mon mari. Je veux qu’il soit fier de moi.

Lui est superbe dans sa tenue moitié décontractée, moitié soirée, toujours élégant mon mec.

En arrivant chez nos amis, j’ai un petit succès, je ne reçois que des compliments et des regards qui me font légèrement rougir.

Ce soir, nous serons plus d’une vingtaine, je connais presque tout le monde, le groupe habituel de nos amis, et quelques têtes inconnues.
La soirée s’annonce bien, une grande table est dressée dans le salon, apéro au sous-sol où nous nous rendons dès notre arrivée.
Un verre à la main nous grappillons dans les assiettes à disposition, tout en saluant ceux déjà là, dire deux mots à chacun ou faire connaissance.

Tiens, Romain est déjà en discussion avec une belle blonde, grande, à l’allure sportive, qui ça peut être ? Je m’approche, Romain me présente Sonia, c’est la cousine d’un de nos amis. Jolie femme, je comprends que Romain s’attarde un peu avec elle. Amusé de la situation, je rejoins ma meilleure amie qui vient d’arriver avec son mari, un homme charmant.

En passant à table, la maîtresse de maison, nous annonce :
- On sépare les couples, faut se mélanger.

Et ! Pas question que j’abandonne mon chéri, je m’agrippe à son bras et avec ma voix de petite fille :
- Moi, je ne quitte pas mon Romain.

Tout le monde rigole, et nous nous asseyons comme bon nous semble.

Repas de réveillon, huîtres, foie gras, volaille, et bons vins, comme toujours nos amis savent recevoir.
De l’autre côté de la table ; la grande blonde nous jette des coups d’œil de temps en temps, pas pour moi sûrement. Je me mords les lèvres, mais je ne peux m’empêcher d’interroger Romain qui me dit sans se démonter :
- C’est Sonia, on s’est connus quand nous étions à la fac.
- Connus ?
- On s’est fréquenté deux mois pendant les vacances.
- Quoi une ex ? Lui dis-je à voix basse
- Tu ne vas pas être jalouse, c’est de l’histoire ancienne.
- Tu savais qu’elle venait ce soir ?
- Non, c’est la cousine de leur voisin. Je n’ai plus de nouvelles d’elle depuis plus de 5 ans.

Je n’ose rien dire de plus, je ne vais pas être jalouse tout de même, je sais très bien que je ne suis pas la première. Nous sommes là pour bien manger et faire la fête. Profitons-en.

Minuit, une année se termine, tout le monde se lève pour se faire la bise. Nous faisons le tour de la table. Tandis qu’une amie me souhaite la bonne année par une grosse bise, la Sonia en profite pour se jeter au cou de Romain, qui a l’air d’apprécier cet empressement. Je lui fais mes yeux noirs, aussitôt suivis d’un large sourire complice.

Enfin je suis dans ses bras « Bonne année mon chéri » « Bonne année ma chérie ». Je lui roule une pelle magistrale sous les yeux de la grande blonde, chasse gardée.

La fête peut commencer. Les tables sont poussées, place à la danse.

Quelques airs disco afin de se mettre dans l’ambiance, chacun danse seul sans se soucier de ses voisins. La lumière baisse légèrement, donnant le signal de la série de slow attendue par tous les amoureux. Sonia avance un pas vers Romain, mais je suis plus rapide, cette danse est pour moi, je la fusille du regard. Et ce grand dadais qui lui fait des sourires. Il a du succès mon chéri, mais il est à moi.

Bien évidemment je sais me tenir en société, je ne vais pas lui interdire de danser avec d’autres femmes. La jalousie n’est pas de mise. Moi aussi je veux m’amuser, il ne dit rien en me voyant passer dans les bras de tous les mâles de la soirée, nos amis de longue date, avec qui nous avons fait tant de fêtes, passés tant de vacances ensemble.

La nuit va être longue, petits jeux qui n’amusent plus personne, et alternance de disco et de slow. Quelqu’un a bien tenté une valse, mais vu le succès on est vite revenu aux valeurs sures.
A ce moment, un couple vient me parler, on leur a dit que je travaille dans un service financier, ils veulent investir en Belgique et me demandent conseil. Toujours serviable, quand je commence à parler boulot, rien ne m’arrête. Je fais presque un cours, avec la musique de la fête en fond sonore.

Quand je réalise que je parle depuis plus d’une heure, je leur communique mes coordonnées s’ils en ont besoin, pour reprendre cette conversation plus tard.

Un regard autour de moi, je ne vois pas Romain, il est peut-être aux toilettes, au bout de dix minutes, l’air de rien je me renseigne auprès de mes voisins. Personne ne peut me renseigner, personne ne sait où il est.
Un peu anxieuse, je fais le tour de la maison, le sous-sol, la cuisine, pas le jardin il fait froid à cette heure, et Romain n’est pas fumeur.

Peut-être à l’étage, là où nous avons déposé nos manteaux. Non, ils sont bien là dans la chambre qui sert de vestiaire. Mais en tendant l’oreille, j’entends des soupirs dans la chambre voisine. Je souris en moi-même « Tiens il y en a deux qui ne doivent pas s’ennuyer ». Quand, tout à coup, une idée me traverse l’esprit, « Non pas possible, et si… », je réalise que dans le salon, je n’ai pas vu Sonia non plus. Soucieuse, pour ne pas dire paniquée à cette idée, je me cache dans un coin, dans la pénombre.

De la chambre me parviennent de nouveaux bruits, des soupirs, des petits gémissements, pas de doute un couple est en train de baiser, elle vient de jouir et quel orgasme ! J’attends pour voir, espérant que personne ne viendra me surprendre, de quoi aurais-je l’air.

L’eau coule dans la salle de bain. Je me fais petite dans mon coin. La porte s’ouvre, un rayon de lumière éclaire faiblement le couloir, je retiens mon souffle. Sonia la grande blonde sort, suivie de mon Romain, mon sang se glace. Je me mordre les lèvres pour ne pas crier, j’ai du mal à y croire, ce n’est pas possible.

J’entends mon chéri murmurer à voix basse « nous n’aurions pas dû ». Sonia se colle à lui « Tu ne vas pas regretter. Ne me dit pas que tu n’en avais pas envie ». Elle le retient par le bras et se penche pour l’embrasser « Allez ce n’est pas grave, elle ne le saura jamais ».
Sous mes yeux, ils s’embrassent à pleine bouche.
Pas rassuré, mon chéri se dégage rapidement « Je descends, j’espère que personne n’a fait attention à notre absence ».

C’est plus que je ne peux le supporter, j’allume la lumière.

Romain est frappé de stupeur en me voyant face à lui. Son regard est fuyant, il a l’air d’un gosse pris la main dans le pot de confiture. Sonia me toise de haut, contente d’elle.
Je m’approche et lui assène une paire de baffes monumentale. Me tournant vers celui qui est encore mon mari « viens, on s’expliquera à la maison ».
Je lui tourne le dos, et redescends les escaliers croisant ceux qui alertés par le bruit viennent aux nouvelles. Romain me suit comme un petit chien, il n’en mène pas large.

Sans un mot à nos amis pour les remercier de cette charmante soirée, je pousse mon cher mari dans notre voiture et démarre sur les chapeaux de roue. Romain à mes côtés est dans ses petits souliers.

Ce soir, pas question de partager notre lit, je l’envoie réfléchir sur le canapé du salon. Me retrouvant seule, j’éclate en sanglots sans pouvoir trouver le sommeil.

Le lendemain, Romain essaie de faire amende honorable. Dans la cuisine il prépare le café, les tartines… Il s’excuse, me demande pardon. Je me fous de ses explications, il n’a aucune excuse, je me sens bafouée, trahis.

Sans rien dire, je prépare une valise avec toutes ses affaires jetées en vrac, chemises, slips, pantalons, chaussettes… et je la dépose devant la porte d’entrée, enfin cette fois c’est la porte de sortie.

Baisant la tête, le regard triste, il essaie encore de m’amadouer, de me prendre dans ses bras, de m’embrasser, mais je tourne la tête, non, ce serait trop facile.
Il a compris. Il prend sa valise……

En entendant la porte claquée, des larmes trop longtemps retenues coulent sur mon visage. Je m’écroule sur notre canapé « Pourquoi Romain. Pourquoi ? »

---oOo---

Voilà comment Ariane se retrouve seule devant sa télé éteinte et que Romain qui finit sa troisième bière avec son ami Luc.

Elle a pris une semaine de congé, enfin de reste de RTT, ne se sentant pas la force de revoir ses collègues. Il s’est jeté à corps perdu dans le travail, 12 heures par jour pour s’étourdir… A moins que ce ne soit l’inverse.

Il faudrait qu’ils puissent se parler, s’expliquer. Il y a eu trahison, mais l’amour ne peut pas être mort, pas si vite.

Plusieurs fois, elle a voulu lui envoyer un SMS, mais elle a hésité et n’a pas appuyé sur la touche envoi. Il a voulu lui téléphoner, mais à peine le numéro composé, il a raccroché.

Assis dans leur fauteuil, Ariane et Romain, perdus dans leurs pensées, regardent leur téléphone, espérant que la sonnerie retentisse.

Leurs amis savaient-ils qu’ils avaient invité leur Ex ?... Enfin leur Ex ? Un grand mot pour une petite aventure de passage, il y a… Qui s’en souvient … Pfff ! c’est loin… c’était avant… Combien de temps ensemble ? deux, trois mois ? Même pas. Et puis, c’est de l’histoire ancienne. Ils n’y pensaient plus.

De l’histoire ancienne ? Alors, Pourquoi avoir été si troublé ? Pourquoi avoir été si excité aux souvenirs des soirées, des nuits ? Pourquoi avoir accepté ses mains en dansant, protégé par la semi-obscurité. Mais surtout, Pourquoi l’avoir suivi dans cette chambre à l’étage ?

Quand la porte s’est refermée, ils se sont embrassés. Nus sur le lit, ses mains ont caressé son corps. Quand elle a commencé une lente fellation, il a laissé faire goûtant le plaisir de ses lèvres fraîches. Nostalgie … tout leur revenait, mémoire du corps… les mêmes gestes, les mêmes odeurs, les mêmes sensations.
Quand il a enfilé un préservatif, elle a écarté les jambes, elle l’attendait. Il a joui au plus profond de son intimité, déclenchant son orgasme, comme avant … comme il y a tant d’années. Mais cette fois le cœur n’y était pas, il n’y avait aucun sentiment, que le souvenir de sentiments passés.
Ce n’était que le coup d’un soir de deux célibataires. Mais voilà, ils n’étaient plus célibataires … Et la lumière s’est allumée.

Ariane et Romain regardent leur téléphone, espérant encore et toujours… Mais leurs téléphones restent désespérément muets.

---oOo---

L’histoire pourrait s’arrêter là, une fin un peu triste, sans espoir. L’amour meurt lorsque la confiance s’en va.

Ne voulant pas décevoir les lecteurs qui attendent une fin heureuse, et comme je suis un grand sentimental …
Mais dans la vraie vie, est-ce aussi simple ?

---oOo---

La semaine suivante, dans les allées du Monop du quartier, alors que Romain hésite entre deux marques de bières, Ariane pousse son charriot sans regarder devant elle.

Se retrouvant face à face, ils se regardent sans dire un mot. Romain fait un pas vers Ariane, Ariane laissant son charriot au milieu du chemin fait un pas vers Romain. Il la prend dans ses bras, elle se blotti contre lui.

Ce soir Luc et sa femme vont attendre longtemps leur ami avant de passer à table. A minuit, ils comprirent qu’il ne viendrait pas.

L’année suivante, Ariane et Romain invitèrent leurs amis à passer la nouvelle année dans leur grande maison. A minuit, après les bises d’usage, une flûte de Champagne à la main, Ariane annonça qu’elle attendait un bébé.

Quelques mois après, Romain a tenu parole en la menant devant monsieur le Maire, en présence de leur famille et de tous leurs amis réunis. Pas avant les vacances comme Ariane l’avait prévu, mais à l’automne, dans une belle robe blanche, un bébé dans les bras.

Oooh ! C’est beau non ?

Je pourrais rajouter que par le plus grand des hasards, Sonia et Ludovic…
Mais non ! Ce serait trop, vous ne croyez pas ?

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