Josépha

Qui a vu Josépha ? Josépha n’est pas là !
Josépha court à droite à gauche, jamais là où on la croit.
Son mari la cherche, son amant la cherche, sans arrêt elle disparaît, elle ne tient pas en place. Libre.
Même jour même heure, elle a rendez-vous à l’agence de voyage pour un printemps au soleil, un beau projet ! Son mari attend, son mari s’impatiente. Il souhaite la Turquie, elle préfère Santorin. Il hésite, punir son absence ou lui donner le sourire. Indécis. Il attend.
Même jour même heure, dans une chambre d’hôtel son amant s’impatiente, il attend qu’elle pousse la porte, il est prêt, il est nu comme elle aime. Il hésite, tirer les lourds rideaux et faire le noir dans la chambre lui plairait, ou se bander les yeux, il sait, elle aimerait. Il attend.

Josépha a fait des achats ce matin, couru les boutiques et les grands magasins, s’est chargée de paquets qui pendent à ses bras, un chapeau, des dessous, une robe, du thé au jasmin, de jolis escarpins et une ombrelle, des pâtes de fruits, un petit pull angora du même gris que la jupe qu’elle a failli mettre aujourd’hui.

Elle a déjeuné d’un Saint Honoré d’une tartelette citron-meringue d’une tasse de thé aux fruits rouges dans un salon de thé du boulevard Saint Germain, s’est installé sur un banc Square Painlevé tous ses paquets à ses pieds.

Il osera ou pas ?

Le jeune homme qui la suivait ce matin est bien là. Il s’assoit à distance les bras étendus sur le dossier d’un banc, regarde en l’air, suit un pigeon des yeux, une veste posée sur ses genoux, chemise col mao ouverte à l’air du printemps, s’applique à ne pas croiser son regard.

Josépha croise les jambes et les bras, garde les yeux braqués sur lui et sourit. Il ne viendra pas, n’osera pas, elle sourit plus grand. Il faut attendre.

Ses deux rendez-vous, elle sait. Elle sait que ce qui doit se faire aujourd’hui peut se faire demain, elle sait que ce beau jeune-homme aura disparu demain.



Le temps passe au doux soleil d’avril. Jamais elle ne relâche son attention et gagne ! Il lève les yeux sur elle et elle éclate de rire, il se détourne, sourcils arqués et maigre sourire, retourne à son rire et son regard, contrit.

Elle se lève, prend ses paquets et approche, les pose à ses pieds, se penche et pose un baiser sur sa joue, sa joue longtemps sur la barbe naissante et ses lèvres après.

« Ne dites rien, je ne veux rien savoir du pourquoi, vous me plaisez, prenez donc mes paquets ».

Josépha prend la veste sur les genoux du suiveur et la plie sur son bras, Il prend les paquets des deux mains et se lève. D’une main elle peigne les boucles brunes sur sa nuque, caresse la joue de ses ongles rouges, ferme le bras sur la taille, un baiser à sa bouche, s’écarte.

« Ne changez rien, suivez-moi ».


Début mai sur une terrasse d’hôtel à Santorin la grande chemise vole sous la brise qui dénude Josépha. Elle ferme les yeux aux rayons du soleil, s’offre à la brise bras ouverts et quitte la terrasse pour la chambre, s’assoit au bord du grand lit et peigne des doigts les boucles brunes, contourne le foulard qui masque les yeux, caresse d’un ongle rouge les lèvres qui embrassent, ongle rouge sur la barbe naissante et la ligne du menton, les creux les valons les pics sur le torse et griffe, se plante au nombril où naît la fine ligne brune soyeuse, va où elle épaissit, s’élargit, encadre, souligne, contourne la flaque épaisse qui poisse la toison, bouscule la verge au méat qui perle encore.
Les doigts ongles de chatte sortis pincent serrent soupèsent se ferment et font gémir, font se redresser la verge de lents soubresauts, glisser le prépuce et gonfler le gland.

Josépha joue des ongles, joue de pointes, rit de la lèvre mordue du ventre contracté des jambes tendues écartées, se penche et balaie d’un souffle les tétons si petits tout durs, balaie d’un souffle les soies brunes sous les bras étirés liés de cordes blanches aux poignets.

Les ongles en étau, du scrotum à la verge, progressent s’arrêtent se plantent se ferment sous le gland et serrent et descendent tout du long et serrent encore et redressent, un autre ongle autre main gratte le filet de peau tout tendu si fragile, se plante au méat où déjà vient une perle transparente glissante qui remplace la blancheur du sperme d’avant.
Main forte, ongles sortis, elle caresse un peu, branle un peu, guette sur le visage, guette à la contraction du ventre, guette aux orteils qui se tendent, sur le corps à sa merci la montée du plaisir, les pointes de douleur, le plaisir de douceurs.

Cette fois pour une fois elle le garde dans sa main quand il jouit à longs traits, laisse le sperme couler sur ses doigts, ne l’abandonne pas, le tient droit et fier dur entre ses doigts serrés fort au souffle chaud de sa bouche, cette fois elle léche sur ses lèvres la tiédeur salée gluante, lave le méat du bout de sa langue et l’embrasse, lui donne son goût de sa bouche à ses lèvres et l’abandonne au repos.

Sur la terrasse elle noie ses yeux des blancs et des bleus de la belle Santorin et du soleil d’Egée, laisse voler sous la brise sa chemise ouverte, se donne du temps, pense au dîner du soir sur le port, poivrons et poulpe grillés arrosés de vin au miel, pour oublier la moiteur à son ventre, son désir coulé sur ses cuisses qui sèche à la brise de mer, lui donner le temps du repos pour que sa vigueur revienne et que son membre soit prêt à se tende à nouveau aux caresses : elle s’offrira cuisses ouvertes à la bouche aux baisers, le prendra au fond de son ventre en chaude moiteur fondante d’attente.


Josépha savait, Josépha l’avait dit, Santorin était la meilleure idée, les yeux aveuglés d’un bandeau aussi. Mais les hommes les maris les amants tergiversent, n’écoutent pas, discutent négocient, perdent du temps, se lamentent après de choix qu’ils n’ont pas sus faire.

Elle savait. Elle rit. Ils sauront. Josépha sera de retour de Santorin demain cœur léger.


Misa – 02/2015

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