Rose 6

Si vis pacem, para bellum ! Il n’y a rien de tel qu’une démonstration de force pour réduire toute résistance. Entouré de mes trois recrues musclées j’ai pris tout mon temps pour examiner les réactions des deux amants. Allongés l’un contre l’autre, lui trempé de son propre sperme au sortir du brasier de ma femme, elle plus secouée par la fureur de Sylvie, ils ne cherchent pas à fuir. Ils sont encore tout essoufflés , haletants. La joute a été vigoureuse. Gilles a besogné Rose avec la rage de celui qui avait raté son coup plusieurs fois. Quand Rose a pris le relais en jouant Andromaque on aurait pu craindre de la violence de ses secousses autour de la bite d’amarrage une rupture à la base du membre rudoyé.

Sylvie se calme. Je reste immobile. Sur le lit Rose finit par retrouver un brin de pudeur et tente de cacher aux yeux des cinq témoins son sexe débordant d’une lave blanche. De l’euphorie des ébats ils passent à un lamentable état d’abattement. La lutte amoureuse avait pris une allure de combat. Gilles s’était débarrassé violemment de la cavalière qui le chevauchait en l’invectivant. La séparation brutale avait failli me surprendre. Le flash de l’appareil de photos les avait impressionnés, la vue de leurs conjoints les a désespérés, la présence de ma garde leur a enlevé toute envie de rébellion. Qu’est-ce qu’ils ont l’air idiot dans leur nudité. La sueur des corps exténués par les efforts se mélange à une transpiration d’angoisse.

Je m’adresse à mes aides:

Mes amis, vous leur liez les poignets et les chevilles, mains dans le dos, vous leur bandez les yeux et vous les couchez côte à côte sur le ventre. Pardon, Rose, es-tu rassasiée ? Mes aides se dévoueraient volontiers !

- Non, non, pardon Paul. Pitié mon amour !

Ce cri a du perdre toute signification, elle dit « mon amour » comme d’autres disent « merde ».

Sitôt dit, sitôt fait. Ce scotch gris, en bandes larges, va les maintenir en position.

Qu’ils se reposent et mijotent dans leur jus. Ils vont avoir le temps de réfléchir et de trembler. Plus rien ne presse désormais, ils n’ont plus rien à cacher, ils vont goûter au bonheur de coucher paisiblement ensemble sur le lieu de leur amour, de partager drap et matelas dans cette chambre, comme un couple repu après l’amour

Que nous sommes tolérants, Sylvie et moi ! Nous quittons la pièce , les laissons en tête-à-tête et allons nous désaltérer. Le champagne n’a pas vraiment eu le temps de descendre à la température idéale. Mais la réussite de notre plan mérite qu’on fête.

- Je crois qu’ils s’en souviendront.

C’est Sylvie qui vient de rompre ainsi le silence. Nous reprenons notre souffle. Je vais arrêter le magnétophone. Elle me regarde surprise, demande à entendre le contenu de la bande. Remettons à demain : je vais charger une autre cassette pour la suite, car j’ai prévu de laisser le couple attaché après l’épreuve. Ils vont avoir des choses passionnantes à se dire.

De la chambre viennent plaintes et supplications. C’est surtout Rose qui gémit et pleure. Sylvie demeure aussi impassible que moi.

- Toi, alors, déclare Sylvie, tu m’as étonnée et surprise. Tu aurais pu me prévenir de cet aspect de l’affaire. Mais je conviens que c’est une excellente leçon pour ces deux-là. Demain, je prends rendez-vous chez un avocat et je demande le divorce. Je compte sur toi pour me procurer des photos. Gilles n’est pas au bout de ses peines : cet après-midi, j’ai transféré le contenu de notre compte joint sur mon propre compte. Que vas-tu faire de lui ?

- Le jeter à poil dans la rue, c’est la consigne.

Le travail en commun nous a conduits spontanément au tutoiement.

- Ne vaudrait-il pas mieux le faire déposer devant chez ses parents, de sorte qu’il ne vienne pas m’importuner cette nuit. Ils habitent à une dizaine de kilomètres en pleine campagne. Il ne trouvera pas de taxi pour revenir.
Peut-être pourrais-tu me prêter un de tes gardes du corps pour me protéger : je le paierai pour son service.
- Très bien, ta solution est la meilleure. Nous verrons si nous trouvons un volontaire pour te donner satisfaction. Tu risques d’en avoir plus facilement trois qu’un !

Elle sourit, songeuse : ce qu’elle en fera ne me regarde pas.

- Et toi, Paul, que comptes-tu faire de cette traînée ? Tu divorces ? Si un jour tu te trouves seul, fais-moi signe. Dire qu’il y a des types comme toi, fidèles, et qu’il a fallu que je choisisse cet enfoiré de coureur ! Il va sentir passer la facture..

- À la différence de Gilles que tu avais surpris et menacé, Rose ne savait pas que j’étais au courant. Le discours qu’elle a tenu au début en souhaitant que ton mari lui fasse un m’a profondément meurtri. C’est une déclaration de mépris pour moi ; elle est prête à me faire porter des cornes et la paternité d’un bâtard. Pour moi, c’est impardonnable, parce que si nous n’avons pas d’, c’est à sa demande. Elle voulait attendre de se sentir prête pour la maternité et voilà qu’elle m’exclut de ses plans. J’enrage

Je ne sais pas si je pourrai pardonner cette demande. J’aurais pu excuser une faiblesse, un égarement sexuel. Je suis malade d’avoir entendu ma femme demander à un autre homme de lui faire un qui lui rappellerait son infidélité toute sa vie : comme une sorte de fidélité éternelle à l’amant au mépris du mari. Il faut que je réfléchisse à froid à la solution. J’ai l’intention de les laisser seuls un moment et d’enregistrer leurs réactions. J’y trouverai peut-être une réponse.
- Tu pourrais garder cette garce ? J’ai du mal à te comprendre. Faut-il que tu l’aies aimée ! Elle ne le mérite pas. Je l’avais mise en garde jeudi. Elle a vraiment le feu au cul. À mon avis, ça ne se guérit pas. Passe à autre chose. Trouve-toi une femme digne de toi.

- Je ne vais rien précipiter.

J’interpelle mes trois auxiliaires :

- Attendez-moi en compagnie de Sylvie, elle a une proposition à vous faire.


Je retourne près des amants, la pièce n’a pas été aérée, les odeurs mélangées de sueur et de sperme me soulèvent l’estomac

- Alors, ça vous plaît ? Vous êtes bien dans votre nid d’amour. Reposez-vous en attendant de savoir ce qui vous attend..

- Salaud de cocu, tu me paieras ça, rugit le mâle impuissant.

- Pitié, Paul, je n’en peux plus. Pourquoi ? Arrête, je t’en supplie.

- Rose, ce n’est pas à toi de dire pourquoi. C’est à toi de donner des explications. Je vous laisse réfléchir ; mais toi, Gilles, tu souffriras encore avant de me quitter. N’oublie pas que tu t’es invité malgré moi dans ma demeure. J’ai une bonne nouvelle pour toi : ta femme veut divorcer. Si tu veux épouser la mienne, tu pourras élever l’ que tu viens de mettre dans son ventre si accueillant ce soir.

Je les laisse à leur méditation et vais vérifier le fonctionnement du magnétophone dans la salle voisine.

— Tu sais patron, dit l’un des costauds, la prochaine fois on travaillera gratuitement, c’est pas tous les jours qu’on voit un spectacle porno.

Ils explosent d’un rire gras tandis que la porte laisse filtrer les cris d’une querelle d’amoureux ! Avec Sylvie, ils sont tombés d’accord. En premier, ils assureront la livraison de Gilles dans son village, puis ils assureront la tranquillité de sa nuit. Je suis soulagé de n’avoir plus à régler cet aspect du problème. Nous prêtons une oreille aux invectives des deux gisants et nous rions.

- Qu’avez-vous vu ce soir ?

D’une seule voix :

- Rien !

Je m’installe à ma machine à écrire et rédige deux petits mots :

Je, soussigné, Gilles …, reconnais avoir été surpris en flagrant délit d’adultère avec Rose … épouse consentante de Paul … ce mardi … par l’époux de ma maîtresse Rose … et par mon épouse Sylvie … Date et signature

Je, soussignée, Rose …, épouse de Paul …, reconnais avoir été surprise, à mon domicile, en flagrant délit d’adultère avec Gilles … par mon époux Paul et par l’épouse de mon amant.
Date et signature.

Sylvie fait les poches de Gilles, rafle les clés et le portefeuille, ne lui laisse que ses mouchoirs. Elle fait un paquet des vêtements. Armée d’un feutre noir, elle va écrire dans le dos du mari infidèle :

« TROUVÉ NU DANS LE LIT D’UNE AUTRE »

Je remercie les intervenants, leur remets l’enveloppe promise.

- Amenez la femme.

Elle se laisse traîner, je la fais asseoir à la table où le flirt a débuté, j’enlève les liens et découvre ses yeux toujours en larmes.

- Laissez-moi m’habiller, implore-t-elle.

L’assemblée rit, tous la connaissent mieux nue qu’habillée…

- Qui t’a mise nue ? Pas nous. Tu t’habilleras dès que tu auras signé cette feuille.

Ses yeux passés du noir à la lumière déchiffrent, elle se tourne vers moi et dit :

- Jamais.

- Si tu préfères que je publie les photos, ça te fera de la publicité gratuite. Ton patron fera de toi son mannequin.

- Bon, donne, je signe…

- Sylvie, veux-tu l’accompagner à la salle de bain, elle pue. Mais pas de rinçage du vagin, elle veut un de Gilles.

Toutes deux se dirigent vers l’endroit désigné. Rose a la démarche d’un canard. Pieds nus comme la pute de Sartre, mal assurée, sans charme. D’un signe de tête, je demande Gilles. Ils le portent jusqu’à la chaise, lui délient les mains, j’arrache sans ménagement le bandeau des yeux. La lumière l’éblouit.

- Tu as le choix entre signer cette feuille ou te retrouver en photo sur la porte de l’atelier et sur les poteaux de la ville. Sache que, ta maîtresse ayant signé, ta décision sera sans importance. Tu ne sortiras d’ici que lorsque tu auras signé, ce qui n’est qu’un reflet exact de ce que nous avons constaté.

Il reconnaît sa défaite et signe en espérant la clémence de sa femme qu’il ne voit pas dans la pièce. Les femmes quittent la salle de bain. Rose a passé un peignoir rose pour cacher sa nudité. Je la fais asseoir dans un fauteuil et lui fais entraver les chevilles. Sylvie me fait cadeau d’une cravache et emmène sa troupe. Gilles est de nouveau ligoté et porte un nouveau bandeau. Il a encore une soirée agitée à affronter. Sylvie est déterminée à rendre compte à ses parents des activités extraconjugales de leur fils.

De mon côté, je suis disposé à le dénoncer comme suborneur au comité de direction de l’atelier d’art, photos à l’appui. Son bénévolat au service des dames devrait s’arrêter là. Il devra chercher un autre territoire de chasse. J’ai fermé toutes les issues : nous jouerons la suite à huis clos. Rose repart en pleurs. C’est une fontaine intarissable. Mais que pleure-t-elle ? Ses amours contrariées, sa faute étalée à mes yeux, son mariage saccagé, l’atelier qu’elle n’osera plus affronter ni fréquenter, la honte d’un procès en divorce avec photos de l’adultère publiquement étalées et cette reconnaissance écrite et signée par elle, et sans doute par lui, du flagrant délit, la grossesse possible résultat de son accouplement adultère ? Je lui donne un paquet de mouchoirs en papier.

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