Sylvie Et Paul 5

Surpris par ma propre virulence, je découvre chez Sylvie de la stupéfaction mêlée d’angoisse. En exprimant ma déception de constater une fois de plus à quel point elle vit sous l’influence de Roger, je lui fais entendre combien je me sens inutile et j’annonce mon renoncement à vouloir lutter pour la conserver. Sa réaction est immédiate :

Non, calme-toi, je n’écoute plus Roger. Je le laisse faire du vent. Il parle dans le vide. Je résistais à ses arguments. Dans le feu de la discussion je n’ai pas prêté attention à l’arrêt entre les deux séries. Non, je ne t’ai pas oublié entre ses bras, au contraire je te défendais.

- Bien enlacée. Merci.. Je faisais la même chose dans les bras de Véro. La méthode est excellente. Plus elle frottait et me faisait de l’effet sous la ceinture, plus je pensais à ma fiancée bercée amoureusement par un prof de maths désintéressé qui lui rappelait délicatement les vœux son ex mari.

- Bandit. Ne te moque pas de moi! Je reconnais que j’ai été jalouse de Véronique; vous formiez un trop beau couple. Ne t’avise pas de recommencer. Pour l’amour de moi, ignore Roger. Je ne me suis pas pardonné le coup de l’achat du tailleur. J’irai faire les retouches avec toi. Au diable leurs superstitions ridicules. Embrasse-moi et viens danser. Je me demande pourquoi il ne supporte pas notre amour.

- Il ne quitte pas tes pensées. Tu sors de ses bras, tu danses avec moi et tu me parles encore de lui. Comment va son couple ? Il paraît boiteux. Notre entente les irrite, c’est tout. De plus tu lui plais, il te désire et tu lui racontes tout. Je suis jaloux de ce confident : que voulait-il dire en me parlant de ton état; il saurait quelque chose que j’ignore : serais-tu enceinte ? Est-ce pour cela qu’il te caressait le ventre ?

- Hélas, pas encore, puisque nous voulons être mariés pour donner à notre un vrai foyer. De toute façon tu seras le premier informé, c’est normal.



Quand nous quittons le bal, Roger nous rappelle le rendez-vous du dimanche 25.

- J’aurais préféré qu’ils m’oublient, me dit Sylvie sur le chemin du retour.

Elle m’apprend l’existence d’ un petit cercle fermé, en veille depuis le retrait de Gilles, le fondateur. Les membres ont décidé de redonner vie à leur club à l’occasion du mariage de leur amie. Pour Sylvie ils organisent une fête. Elle hésite à m’y entraîner :

- Je crains que tu ne sois déçu. Il faut que je te mette en garde. Leur style n’a rien de ta discrétion naturelle. Je crains une mauvaise surprise sur le thème du mariage. Je les ai fréquentés. Quand Juliette les chauffe, l’ambiance dé vite. On commence par des petits jeux innocents. Par exemple on bande les yeux des hommes, l’un après l’autre passe sa main dans les cheveux des femmes et doit soit retrouver la sienne ou donner un nom à chacune. Puis c’est au tour des femmes de reconnaître les hommes. On attribue des points. Ensuite, on devra reconnaître des mollets, ou des pectoraux. Les femmes enlèvent leur soutien-gorge et chaque homme, aveuglé mais guidé, tète les seins de toutes les femmes alignées, pour trouver la sienne ou reconnaître les autres.

- Tu sembles connaître leurs habitudes.

- Oui, ils sont fous. Peu à peu on progresse vers le scabreux. Les petites mains doivent travailler les verges, à travers le slip ou slip baissé, toujours pour reconnaître les personnes soumises à la curiosité. Des nez reconnaissent des sexes féminins; on peut utiliser un doigt ou deux ou trois pour le même résultat. On se sert tantôt de ses mains, tantôt de ses lèvres ou de son odorat, parfois de sa langue. Pour faire renifler les petites culottes on les enlève, idem avec les slips. Le bandeau sur les yeux rend les choses plus faciles, on se laisse aller.

- C’est très peu pour moi. Et j’envisage mal de te prêter à ces jeux à caractère sexuel. Je refuse de te partager avec ces pourceaux.
L’odeur du sexe de ces femmes en chaleur ne m’intéresse pas. Tu me suffis.

- Merci, c’est gentil. Chaque étape marque une progression insensible. Ça peut se terminer en orgie, en séance d’échangisme. Ils sont tous d’accord. J’ai heureusement bénéficié un soir de la protection du chef qui m’a gardée pour lui. Les couples formés enlèvent les bandeaux ! Dans ces combinaisons, Juliette déborde d’imagination. Le vainqueur certaines fois peut choisir sa ou son partenaire, et consommer sur place. Roger, tu l’as entendu, a annoncé un adoucissement des épreuves. Ça me fait craindre le pire. Ils sont tellement acharnés à nous séparer. Ils voudront me faire passer pour la reine des cochonnes à tes yeux ou tenteront de t’humilier devant moi. Il y a toujours un photographe ou un caméscope: de quoi te compromettre et t’obliger à continuer.

- Ils pratiquent le chantage. En es-tu victime ?

- J’ai retrouvé du matériel de Gilles, leur ancien chef. Ça me met à l’abri de leurs tentatives de chantage. Voilà pourquoi je ne souhaite plus m’exposer. Oh ! Rassure-toi, j’ai eu la chance, si on peut dire, d’être la femme de Gilles : il était curieusement très jaloux quand il s’agissait de moi. J’étais sa perle rare, il aimait m’exhiber mais pour les autres j’étais territoire interdit.

-Comme je le comprends. Je ne t’exhiberai pas, mais je te veux inaccessible aux membres de cette confrérie. Évidemment tu décides de ta conduite, je me réserve le droit de désapprouver. Excuse-moi, si tu m’épouse je serai le plus jaloux des hommes; je n’accepterai aucun partage. Mais je serai fidèle.

- Contrairement à Gilles, caril n’était pas le dernier à faire l’amour à l’une ou à l’autre, surtout à Juliette. Nous nous sommes fâchés plus d’une fois. La mauvaise conduite de Rose, m’a rendu service, en un certain sens. Elle m’a permis de mettre fin à des tourments à répétition.

J’ai écouté attentivement ces révélations stupéfiantes. En province, qui l’eût dit, qui l’eût cru?

- Je suis sidéré.
Tu les connais, apparemment tu ne les approuves pas, mais tu continues à les fréquenter, à les traiter comme des amis. Ils m’ont pourri le mois d’octobre au bal et jusque dans ma maison. Tu aurais préféré qu’ils t’oublient. Mais quand Roger t’a rappelé le rendez-vous, tu n’as pas refusé de partager leur fête. Alors, sachant ce que je sais, soucieux de respecter ta liberté, je ne m’oppose pas à ta participation mais je refuse de t’accompagner à cette fête en ton honneur. Vas-y sans moi, si tel est ton plaisir et fais leur la joie d’annoncer ta décision de me quitter. Tu as le droit de t’exposer à tous les dangers, j’ai celui de ne pas apprécier et d’en tirer les conséquences.

- Je ne souhaitais pas les heurter de plein fouet, ni les blesser inutilement. Je cherchais un moyen de me défiler, sans vexer.

- N’as-tu pas peur de blesser ta dignité, de t‘humilier en te soumettant à leur bon plaisir ? Alors traite-moi de maître chanteur, cède à la tentation, rejoins-les et oublie-moi, laisse-moi au regret de t’avoir perdue. Tu es pleine de prévenance avec Roger, tu ne veux pas le vexer. Je ne vais pas réclamer de toi la même considération pour moi, le mari ne pèse pas lourd face à l’ami, j’en suis navré, mais cette fois je refuse de subir.

Sylvie a aussi du caractère, c’est même ce qui m’a attiré vers elle au début. Hélas elle aime trop les compromis. Pour une fois elle élève la voix :

- Stop, maintenant. Viens ici, tourne-toi, accepte ce bandeau, touche cette tête. Qui se tient devant toi ? Réponds! Touche cette poitrine, reconnais-tu la femme qui t’embrasse ? A genoux, enlève mon string et donne-moi le nom de mon parfum. Tu vois c’est amusant. Mais ces jeux te sont réservés, tu en as l’exclusivité. Je ne me livrerai pas à ces stupidités avec la bande de Roger.

- C’est à dire ?

-Je ne me forcerai pas à faire en groupe ces choses qui me répugnent . Mais je m’y livrerai volontiers avec un certain Paul, ici présent.
Allez, profite de mes bonnes dispositions. A mon tour de porter le bandeau. Approche, mon délicieux jaloux. Ah ! Qu’est-ce que j’ai déniché ? Je crois savoir. Ça grossit dans la main, ça se tend, ça s’allonge. C’est nerveux, ça piaffe d’impatience. Ça réclame douceur, chaleur, humidité et caresse. Le prendrai-je en bouche? C’est goûteux, c’est bon. Et si je le plaçais là, en bas?…Collabore, pousse un peu. Mes doigts t’ouvrent le passage, entre. Que c’est bon. Mon amour.

Sylvie sait calmer mon courroux. Elle me câline, me serre contre elle, sur elle, en elle. Comment résister à ses arguments coquins, à ses démonstrations amoureuses. Nous nous réconcilions une fois de plus sur l’oreiller. Nous ne nous rendrons pas chez Roger, nous ne nous laisserons pas piéger.

Nous vivons une semaine sans incident. Sylvie n’a pas opposé de refus. Ils n’ont pas voulu nous indisposer avant leur mise en scène. Nos préparatifs du mariage se sont faits dans un climat heureux et laborieux. Je n’ai pas entendu parler de Roger. Sylvie est amoureuse et s’amuse à ces facéties qui me dérident. Avec deux bandeaux ces jeux sont encore plus joyeux. J’ai des bleus dans les jambes, laissés par les coins des meubles. Sylvie aussi. Ce sont des marques à soigner avec douceur et dévotion, des prétextes à câlins. C’est aussi simple, il suffit qu’on nous fiche la paix et les nuages s’évanouissent.

Dimanche 25

A midi, Sylvie a téléphoné à Georges, le moins bavard du groupe, pour lui signaler que « son état » ne lui permettait pas de participer à la fête. Comme le demande le prévenant Roger et son attentionnée Juliette, elle applique ses recettes: elle profite du week-end pour se reposer. Nous avons fermé toutes les ouvertures de la maison, pour laisser croire que nous sommes absents. Nos bienveillants amis apprendront avec joie que nous ménageons « une femme dans cet état ».

- Ils auraient réussi à nous séparer avec leurs histoires. J’ai eu peur à plusieurs reprises. Heureusement que nous nous aimons.

- J’ai bien failli renoncer le jour de l’achat du tailleur.

- Et moi j’ai failli craquer au bal en te voyant valser avec Véro. Je n’avais pas fait le lien avec mon double tour de danse avec Roger. Il a dû vouloir me piéger.

- Il t’a fallu du temps pour le démasquer.

- N’y pensons plus. Les volets sont baissés et calés. Nous devrions ouvrir une fenêtre près de l’entrée. Je suis sure que nous aurons de la visite aujourd’hui.

- Oublions-les. . Demain, il faut choisir la destination de notre voyage de noces. As-tu consulté les prospectus?

-Entre Grèce, Égypte, Tunisie ou Maroc que préfères-tu?

- J’ai visité la Grèce.

- Roger et Juliette voulaient nous servir de guides au Maroc, ils ont déjà leurs billets.

- Est-il indispensable de subir leurs ritournelles, de les entendre démontrer notre peu de chances de vivre longtemps ensemble ? L’Égypte m’attire, je remonterais volontiers le Nil. Mais il est hors de question de passer notre voyage en leur compagnie ou de faire de l’échangisme avec eux. Juliette n’a aucun attrait pour moi. Ne regretteras-tu pas de ne pas voir Roger pendant notre voyage de noces ?

- Roger est un collègue. Son appartenance au clan de Gilles l’a rapproché de moi. Mais tu as assisté à nos relations les plus intimes, soit trois fois rien, des propos égrillards des propositions de rapports sexuels inabouties, un peu de tentatives de frottement en dansant, et ce geste de familiarité de sa main sur mon ventre. Tu ne peux pas être jaloux de ce qu’il a obtenu de moi.

- Ah! Oui, j’oubliais cette main…. J’aimerais savoir.

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