Amis ? 2


La coupe est pleine: je me retire en tenant Juliette par la main, un doigt sur la bouche. Elle est révoltée, plus par les propos de son mari que par son infidélité constatée. Elle rumine ce qu’elle a entendu :

- Les salauds ! « Prude, baise comme un sac de patates. » Je vais t’apprendre. Ma meilleure amie, ton meilleur ami ! Le beau monde. Un sac de crabes libidineux.

A peine sortie, Juliette explose de colère. Elle va droit au vélo de son mari, dégonfle le pneu arrière et emporte la pompe pour passer sa rage. Je l’invite à aller faire un tour à bicyclette avec moi. Il faut respirer après ces révélations, il faut réfléchir aux suites à donner. Nous choisissons un endroit isolé au bord du canal.

- Si je m’attendais à ça ! Et toi ? Cocus; nous sommes cocus ! Il s’envoie ta femme, me trouve nulle au lit pour s’excuser d’aller ailleurs. Et ailleurs, c’est chez toi, dans ta femme.

- Comme toi je suis frappé de stupéfaction. J’aurais dû y penser, la conduite de Marie m’a fourni des indices, mais je n’ai pas su les déchiffrer. Maintenant je comprends ses récentes migraines à répétition ! Elle se réservait pour Louis et me laissait la portion congrue. Mais quand elle accepte de coucher avec moi pour me faire porter la paternité de l’ qu’elle veut de Louis, là elle dépasse toutes les bornes. C’est impardonnable, elle va payer.

- Comment fais-tu pour garder la maîtrise de toi ? Moi, je n’ai rien vu venir. J’ai perdu un mari, je perds ma prétendue meilleure amie et toi aussi peut-être. Je bous de rage.J’ai envie de me foutre à l’eau.

- Non, dans l’adversité, il faut faire face. Je suis ton ami et je souhaite le rester. Tu n’as pas tout perdu. Nous partageons la même situation désastreuse. Dans l’épreuve nous devons nous épauler pour surmonter ce désastre. Veux-tu m’aider ? Pleure, soulage ta peine…

Juliette essuie ses larmes. Je lui rappelle notre premier baiser.



- Au début c’est toi qui me plaisais. Louis t’a voulue, j’ai cédé devant son caprice, j’ai courtisé ton amie., Marie. Comme j’ai été faible et sot. Mon premier choix était le bon, je n’ai pas su l’imposer. Remarque, si je l’avais contrarié, si je t ‘avais choisie et épousée, il aurait fait des pieds et des mains pour se venger et un jour où l’autre il aurait tenté sa chance avec toi et trompé Marie. Il est instable et envieux du bonheur des autres

La nouvelle l’étonne et la scandalise :

- Tu étais vraiment amoureux de moi ? Et moi j’étais folle de toi. J’ai cédé à Louis par dépit amoureux quand tu as cessé de me fréquenter. Quelle mauvaise pièce de théâtre. Voilà où ça nous a menés. Tout est fichu. Tu es cocu, je suis cocue, il ne me reste plus que les yeux pour pleurer. Mais si j’étais devenue ta femme, il aurait pu grimper au mur, mais il ne m’aurait pas séduite, ce salaud. J’ai tout raté, je veux mourir.

- C’est un peu tôt, mais ce coup de tonnerre pourrait nous donner l’occasion de tout remettre à plat et de repartir sur de meilleures bases. Pour cela il faut vivre. Dans l’immédiat nous devrions faire alliance pour parer au plus pressé. En premier je veux quitter Marie, je divorcerai. Que décides-tu de ton côté ? Continueras-tu à vivre avec Louis ?

- Ah! Non. Jamais de la vie. J’ai envie de rentrer chez moi, de bloquer toutes les portes et de le laisser dehors, dans la rue.

- Et moi, je rentrerais chez moi, je les surprendrais et je les jetterais à la rue tous les deux. C’est une solution. A quoi servirait la violence ? A les souder davantage ! Ce ne serait pas une véritable vengeance. Je veux un moyen de les séparer, non de les unir. Je veux leur faire payer cher leur double trahison, leur faire regretter cet adultère, je veux les briser. Il me reste une question importante, mais délicate. Comment te dire ça ?

- Parle sans crainte, je crois deviner, mais j’ai trop peur de me tromper.
Parle en toute confiance.

- Pourrais-tu envisager de vivre avec moi, après mon divorce ? Accepterais-tu de m’épouser ? J’ai commis jadis une erreur énorme, si tu peux me pardonner, ce serait l’occasion de bâtir du solide.

- J ’ai envie de te sauter au cou et de t’embrasser. Mais j’ai besoin d’une semaine pour réfléchir. C’est trop brutal. J’ai trop mal au cœur.


Sur cette base nous recherchons le meilleur moyen de nous séparer de nos conjoints infidèles. La séparation devra être une punition pour leur inconduite. Il nous faut du temps. En premier nous allons être frappés de malaises pendant une semaine : les amants, délivrés de leurs obligations conjugales, en profiteront pour se rencontrer plus souvent. Le plan est mis en place dès ce soir, le tarot prévu pour demain sera reporté de huit jours. Ensuite un détective privé, embauché demain samedi, devra réunir des preuves compromettantes à partir de lundi matin. Un instant j’ai imaginé faire muter Louis sur ma tournée, ce qui lui enlèverait la possibilité de retrouver ma femme quand je travaille. Ils se verraient moins mais se désireraient plus et la passion contrariée inventerait des solutions nouvelles. Je renonce à ce projet. Il n’est pas bon de mélanger vie familiale et vie professionnelle.

En dernier quelle attitude prendre au cours de la future nuit tarot. Le plus amusant serait de faire perdre Louis : il n’aime pas perdre au jeu. Du coup, il perdrait ses nerfs, serait désagréable avec Marie ment fautive de leur défaite : le spectacle de leur dispute serait réjouissant. Nous envisageons différentes hypothèses de déroulement. Au petit matin un couple sera au lit et….Lundi je rendrai visite à Juliette et aussi quand ce sera nécessaire de manière à peaufiner notre plan. Nous sommes complices pour nous venger. Notre complicité pourra nous rapprocher davantage. Dans une semaine je connaîtrai la décision de Juliette.

Tout à coup, elle exige une vengeance immédiate.
Nous pourrions louer une chambre d’hôtel. Nous avons des années d’amour à rattr, sans attendre. Elle oublie l’eau du canal

- Pourquoi nous gêner ? Pense à ce qu’ils font ! La meilleure façon de bien nous connaître c’est de faire l’amour.

N’est-ce pas trop rapide. Évidemment c’est l’annonce d’une guérison. Son cœur a été blessé, je peux le soigner. Elle se jettera plus sûrement dans mes bras que dans le canal. Elle sait me convaincre :

- Je veux fondre dans tes bras, tout de suite. Si nous voulons unir nos efforts, unissons nos corps et nos cœurs. Montre-moi que tu m’aimes vraiment, fais de moi ta vraie femme et tu n’auras pas besoin d’attendre une semaine pour avoir la réponse à ta question. J’ai besoin de certitude. Et puis zut, pourquoi aller à l’hôtel. Louis ne rentrera pas de si tôt. Depuis que, sous prétexte de tapisserie, il encolle Marie, il a l’habitude de revenir tard à la maison. Il rentre fourbu, accuse la position debout sur ton échelle des douleurs dans le dos, se couche et s’endort sans avoir besoin d’être bercé. Ah ! L’artiste ! Tu l’as vu se casser le dos dans ton lit ! Menteur, tricheur, voleur de femme ! Viens chez moi et rendons lui coup pour coup.

- Mais s’il revient plus tôt aujourd’hui ?

- Il verra qui nous sommes, toi et moi. Il verra comme nous nous aimons, il en crèvera de dépit. Il verra que je ne suis pas un sac de patates. Et sur ce point je tiens à te rassurer.

- Il te demandera pardon. Vous reprendrez votre vie.

- Non. Ce sera trop tard, notre accord sera signé au lit. Je pourrai t’aimer, non par esprit de vengeance mais par amour. Voilà pourquoi je veux continuer à vivre: je veux pouvoir t’aimer chaque jour de ma vie.

Ne me demandez pas la couleur du papier peint de la chambre à coucher de Louis. Je n’ai d’yeux que pour cette femme amoureuse de moi. Le passé, nos premiers baisers, nos caresses trop timides, nos rêves sacrifiés sur l’autel de l’amitié sont remontés en surface.
Louis, Marie sont passés à la trappe. Je ne vois plus que Juliette. Le désarroi et l’abattement se sont évanouis, elle est heureuse et si belle d’être heureuse.

Marie est câline ce soir, se frotte à moi comme une chatte amoureuse, revêt pour la nuit une nuisette transparente, se promène devant moi, présente son meilleur profil, se déhanche pour séduire, se baisse croupe dégagée. Je vois ce cul où Louis s’est vidé, ce sexe qu’il a martelé. J’imagine la levrette que je n’ai pas voulu voir et toutes les extravagances auxquelles ils se sont livrés. Je repense à leur plan machiavélique pour nous humilier. Elle peut faire le poirier si elle veut: sa migraine doit être contagieuse: à mon tour, j’ai mal à la tête, j’ai mal au ventre.

- Est-ce que la charcuterie de mon casse-croûte était fraîche ?

La question irrite Marie, elle comprend que ses efforts de séduction sont vains, que je ne peux pas dégainer mon instrument à plaisir ce soir. De toute façon elle doit être moulue par des heures de baise avec son amant. Demain ou dimanche elle aura l’occasion de me soutirer la semence d’une paternité potentielle pour couvrir sa relation coupable. Elle se couche dans mon dos, passe une main et cherche mon sexe. Je grogne avant de laisser grandir l’érection. Par chance, malgré mes retrouvailles avec Juliette, mon sexe se manifeste, mais je rejette la tentation :

-Est-ce que je t’embête quand tu as tes migraines ? Sois bonne et fais comme moi.

L’argument la calme définitivement. Elle ne voudrait pas me conduire à la pousser au lit un jour de rendez-vous avec son amant et à user d’elle. Non je ne servirai pas .de couverture à ses égarements. Elle me trompe? Qu’elle assume

Le samedi matin sous prétexte d’aller chez un médecin de garde, je raconte à mon détective privé mon infortune, je lui fournis les photos des protagonistes, je lui confie le double de la clé du cellier, un plan de la maison. Il pourra se contenter de coller à Marie. S’il filme les ébats lundi matin, il pourra surveiller Louis le mardi matin ou encore le mercredi. Je paie pour une filature de trois jours. Nous nous reverrons le jeudi après-midi. Il dispose d’un matériel sophistiqué particulièrement discret et s’il y a adultère cela ne saurait lui échapper.

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