Le Chemin De L'École, Partie 3

Sur le reste du chemin je peaufine le mensonge que je vais servir à Romain. Ce n'est pas la première fois que je lui ment, mais d'habitude ce n'est pas pour aller boire un verre avec un autre homme. En réalité, d'habitude c'est à la fois bien pire et bien moins pire : d'habitude c'est pour être avec Sandrine. Mais pas juste entre copines... Mais plutôt pour coucher avec elle... Dans un sens je n'ai pas vraiment l'impression de le tromper... Je vais juste chercher ailleurs ce qui lui est impossible de me donner. Et avec Sandrine je vis des choses que je ne peux vivre qu'avec elle et dans des endroits où je ne ferai l'amour qu'avec elle !!!

Avec Sandrine, nous nous sommes découvertes une attirance mutuelle au fil des années. Ca a d'abord commencé par des discussions sur le sexe, puis l'aveu qu'on ne serait pas dérangées par une aventures lesbiennes. Et lors d'une soirée arrosée, nos mains ont dérapé, puis nos lèvres. Tout ça a commencé à prendre de l'ampleur quand nous avons commencé à nous voir de manière régulière dans le seul but de coucher ensemble. Il nous même arrivé de le faire dans l'école pendant les récréations ou de sortir dans des boîtes homosexuelles exhibitionnistes pour que d'autres gens nous regardent baiser... Et l'excuse du chagrin d'amour à noyer marche à chaque fois, au point même qu'il m'est déjà arrivé de passer la nuit avec elle voire tout un Weekend sans qu'il me pose de question... Il me suffira de lui dire ce que je lui dit à chaque fois et ça passera comme une lettre à la poste.

Comme je l’avais imaginé, il me laisse sortir sans souci.

Bien que j'essaie de me convaincre qu'il ne s'agit que d'un verre, je ne peux m'empêcher de me faire belle : haut décolleté quelque peu transparent qui laisse apparaître un soutien-gorge en dentelle noir, une jupe volante qui ne descend pas plus bas que la moitié de mes cuisses, talons hauts. À 20h55 je suis sur le parking, j'envoie un message à Sandrine pour la remercier une nouvelle fois quand j'entends un bruit de moteur s'approcher.

Je lève les yeux et vois la voiture bleue nuit s'avancer jusqu'à moi et s'arrêter. Il coupe le moteur et sort de la voiture. Je le détaille des pieds à la tête : il porte un T-shirt blanc plutôt près du corps laissant deviner un torse musclé, un jeans bleu foncé qui met en valeur ses fesses et des converses rouges. Il a mis un peu de gel dans ses cheveux pour leur donner un effet décoiffé qui le rend à croquer. Quand il se penche pour me faire la bise, je sens son parfum enivrant. Puis il m'ouvre la portière et m'invite à m'asseoir.

Sur le chemin du bar où il m'emmène, il m'explique que pour éviter que l'on risque de rencontrer des gens que l'on connaît il nous emmène dans un bar à Genève, qu'on y sera d'ici une demie-heure. J’acquiesce d'un hochement de tête et regarde le paysage par la fenêtre. A chaque passage de vitesse, je sens le dos de sa main qui effleure la peau de ma cuisse jusque mon genou. Je fais mine de ne pas relever et laisse ma jambe en place. Je n'arrive à décrocher un mot de tout le trajet, trop de choses se bousculent dans ma tête : la culpabilité, la curiosité de savoir jusqu'où il est prêt à aller pour m'avoir, la peur que Romain ne découvre avec qui je suis, l'excitation de l'interdit, l'envie de sentir les mains de Thomas sur moi...

On arrive enfin devant le bar : il se situe au bord du lac Léman. Le panorama est magnifique et c'est si romantique. Je le soupçonne d'avoir choisi ce lieu pour faire pencher la balance ! A cette période de l'année les soirées commencent à être fraîches et je ne suis pas très couverte. J'ai des frissons. Il doit le remarquer parce qu'il fait le tour de la voiture en courant et passe un bras autour de mes épaules pour m'accompagner jusqu'à la porte du bar. J'ai envie de me blottir contre lui mais me retiens d'un tel geste. Mais je ne peux m'empêcher de humer son parfum une nouvelle fois.

La lumière dans le bar est tamisée. Dans le fond, j'aperçois des tables de billard. Au milieu de la pièce trône un comptoir sous forme d'îlot central.
L'ambiance est plutôt rock. La musique couvre les discussions sans être assourdissante. Il att ma main et m'entraîne vers l'une des table du fond, non loin d'une fenêtre qui donne sur le lac. La vue est splendide : on voit les lumières environnantes scintiller à la surface de l'eau. Je ne peux retenir un " c'est magnifique ! ".

- Je savais que ça te plairait. Installe toi face à la fenêtre, tu pourras profiter de la vue toute la soirée.

Je m'exécute. Ce sont des tables hautes avec des chaises de bar. A peine installés, une jolie serveuse vient prendre notre commande. Je demande une Tequila sunrise, Thomas une bière.

- Bon puisque tu as accepté de venir si c'est que boire un verre et juste faire connaissance, lance-t-il avec un sourire, raconte moi depuis combien de temps du bosse avec des s.
- Ça va faire une dizaine d'années. J'ai commencé à l'école il y a 7 ans, avant ça j'ai bossé en crèche pendant 2 ans et j'ai gardé des s à domicile pendant un peu plus d'un an, mais c'est vraiment en école que je me sens le mieux. Et toi du coup tu fais quoi ?
- Je suis ambulancier urgentiste depuis 12 ans. Avant ça j'étais comptable dans une société de BTP mais ça m'a très vite lassé. J'ai préféré faire quelque chose d'utile aux autres et qui bouge plus.

La discussion se poursuit sur nos goûts musicaux, les lieux qu'on a déjà visité, les films qu'on a aimé. Il me parle un peu de ses s et de son divorce. Ce dernier avait fait grand bruit à l'époque ( c'est le problème quand on vit dans un village... ) et nombreuses étaient les spéculations quant à ses raisons : certains racontaient qu'il avait trompé sa femme, d'autres qu'elle était violente avec lui, un groupe de parents étaient même allé jusqu'à dire qu'elle avait failli les dans un accident de la route en voulant mettre fin à sa vie. Il m'explique qu'il n'en est rien : il s'agit juste de deux personnes qui réalisent qu'ils ne sont les deux amoureux qu'ils étaient et préfèrent se séparer que de se déchirer devant les s.
Il me demande alors s'il peut connaître les raisons de ma séparation l'année précédente. Je lui expose la violence verbale, le flicage, les menaces, les coups... Perdue dans mon récit, je ne réalise pas qu'il s'est rapproché de moi et a posé sa main sur ma taille. Ce n'est que lorsqu'il m'attire vers lui quand j'en prends conscience.

D'abord prise d'un mouvement de recul, je décide finalement de me laisser faire. Je crois qu'il est en train de gagner le combat.

- Viens, je t'emmène ailleurs. On va te changer les idées. Je n'aurais pas du te demander de me parler de ton passé.
- Non ce n'est rien. C'est juste que j'ai vécu l'enfer durant toutes ces années. C'est mon boulot qui m'a permis de garder la tête hors de l'eau et d'avoir le courage de partir. Les s posaient de plus en plus souvent des questions sur les bleus que je n'arrivais pas à camoufler. Je me suis dit qu'il était temps que ça cesse...
- Allez vient on bouge. Attends moi dans la voiture, me dit-il en me tendant les clefs. Je paie et j'arrive.

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!