Drôle De Manège

La blonde, je savais que c'était du tout cuit mais, franchement je n'avais pas envie. Je préférais, de beaucoup, sa copine.

Cette brune, elle, me plaisait, me plaisait beaucoup, et pour un flirt avec elle j'aurais donné bien des choses. Un flirt ... qu'est-ce qu'un flirt quand on a dix-sept ans et guère de bouteille ?
Je la rêvais dans mes bras douce aimante amoureuse câline.
Ses seins, ses fesses, je n'y pensais même pas. Moi ce que j'avais en tête, c'étaient ses lèvres son menton ses pommettes.
Toutes choses que je voulais biser. Aimer, sincèrement aimer, à fond.

On avait rendez-vous, barrière de Pessac, à l'arrêt du bus, en ce dimanche après-midi d'hiver.
J'ai remisé mon vélo et j'ai vu les filles, les deux filles, la brune et la blonde.
La brune me plaisait, la blonde me voulait.
On est montés dans le bus direction les Quinconces et la fête foraine.
Elles étaient contentes et se serraient contre moi, assis à trois sur la banquette de deux places dans ce grand bus rouge vide de dimanche après-midi d'hiver.

Le chauffeur ne s'est pas retourné mais j'entendais clairement ses pensées, lui derrière son volant, moi entre ces deux filles fort serré.

Elles riaient
Elles riaient fort et c'était bon de les entendre rire
Et j'étais bien
Entre elles serré, sur cette banquette de Skaï rouge
Seuls tous trois dans ce bus bordelais.
Souvenir impérissable d'adolescence sexy.
Le train fantôme, notre première attraction...
Longue queue tous trois serrés au coeur de la foule.
La blonde était devant moi, je sentais ses fesses contre mon ventre qui gonflaient le manteau de laine humide. La brune me tenait le bras et nous abritait tous trois sous son parapluie rose. Je sentais contre ma hanche sa hanche dure qu’elle pressait pour que nous soyons bien protégés du crachin bordelais par son petit parapluie.

La façade du manège était peinte de sujets naïfs, fantômes, diables, elfes, sorcières, aux couleurs vives.

Des haut-parleurs diffusaient des cris d’épouvante étouffant à peine les bruits métalliques des chariots brinquebalants sur le chemin de fer. Les petits chariots à deux places arrivaient les uns après les autres, voyageurs hurlants serrés l’un contre l’autre sur la banquette, le visage ravagé par les angoisses du périple.

Quand est venu notre tour, les filles étaient inquiètes et elles m’avaient chacune pris la main. On s’est une fois encore assis serrés à trois de front.
C’est ce jour-là que j’ai compris qu’il n’y a rien de meilleur que d’avoir deux copines. Une sorte de révélation par le train fantôme et puis aussi par d’autres aventures ce jour-là à la foire des Quinconces que je vais vous conter, comme la chenille et le grand huit.

Pour tenir à trois dans ce minuscule chariot, on avait été obligés de s’emmêler les bras, les miens à leurs épaules, dessus leurs cous, les leurs plus bas mains crochées à ma taille pour me mieux serrer contre elles. Le parapluie et leurs sacs étaient rangés au sol coincés entre nos pieds.

Les deux mains qu’il leur restaient, elles les avaient posées sur mes cuisses, haut sur mes cuisses.

Ces deux filles étaient copines. Même plus que copines, elles travaillaient, apprenties, à la librairie Saint-Génès. C’est là que je les avaient levées.
Alors, elles savaient, de connivence, s’y prendre…
A peine le chariot se fut-il ébranlé et avant même que les deux vantaux du portail ne se soient ouverts, elles ont changé de cuisse, interverti. Celle qui était à ma droite, la blonde ou la brune je ne sais plus, a quitté ma cuisse droite pour chercher ma cuisse gauche. Et l’autre, brune ou blonde, je n’en n’ai pas souvenir précis, dans un mouvement synchrone a trouvé l’intérieur de ma cuisse droite.
Haut, très haut.

Moi, je bichais, heureux comme un pape et je bandais, en toute simplicité.

Le noir nous a enveloppé comme une nuit de magie avec secousses du chariot qui changeait brusquement de direction, qui montait, qui descendait en toboggan infernal avec un immense miroir devant nous qui, brusquement éclairés, avons cru collision avec nous-mêmes trois visages hurlants … suivi d’un écart, virage à 90°.


Les filles et moi ne faisions plus qu’un tant nous étions crispés les uns contre les autres, surtout elles, paniquées, qui avaient trouvé ma bite saillante et s’y cramponnaient comme un noyé à une bouée.

Enfin l’image qui conviendrait mieux serait d’un alpiniste en escalade qui s’est saisi d’un éperon rocheux et attend, la main crispée, la fin de l’orage.
Et elles y étaient à deux.
Pensez mon bonheur…

Je suis incapable aujourd’hui de raconter les épreuves du scénic railway, les frôlements de fils sur nos têtes, les araignées géantes, la sorcière grimaçante avec son balai qui nous a poursuivi suspendue dans les airs sur un fil genre téléphérique féérique bondissant, le balai crachant des étincelles comme ces petits feux d’artifice que l’on plante dans les coupes melba des restaurants branchés des plages de l’été.

Mes souvenirs, et ils sont rudement vivaces encore aujourd’hui, sont exclusivement de l’ardeur de ces deux filles agrippées à ma tige à travers les étoffes pourtant épaisses du slip et du pantalon.
Elles ne se sont pas disputé, non. Chacune y avait pris sa part et s’en contentait.

A moment donné un préposé du manège montait à l’arrière du chariot et jouait à affoler les passagères en leur passant la main dans les cheveux et autres chatouilles démoniaques. Manifestement, quand ce gars-là a vu le manège des deux filles sur ma braguette, il a compris qu’il avait là, deux bonnes clientes.

Alors il les a tripotées par les manteaux échancrés.
Il a passé les mains sur leurs petits seins de gamine et il m’a glissé à l’oreille, va, à ton tour, ne te prive pas, ne laisse pas aux seuls purs esprit le bonheur d’empaumer ces pigeons et de donner aux donzelles le plaisir qu’elles attendent.

J’avoue que ce jour-là j’ai compris la chose importante qui fait la vie des filles : ce dont on rêve, nous les garçons, c’est très exactement ce dont, elles, rêvent aussi. Autant dire qu’il y a concordance…
Pour notre plus grand bonheur conjoint.


Quand le portail à deux vantaux s’est ouvert sur le monde normal, nous avions, mes copines et moi un air ravi pas du tout marqué des épreuves effroyables subies. Le chariot s’est immobilisé mais aucun de nous trois ne bougeait ni ne marquait désir de descendre pour retrouver la vie ordinaire.
Nous étions au grand jour mais les mains des deux filles restaient posées sur ma braguette et les yeux des autres clients en attente étaient posés dessus. Tous pensaient, si le train fantôme fait cet effet-là aux filles, alors sûr que je vais revenir avec une copine, moi itou.

Moi, j’ai pensé à la Belle au Bois dormant. J’ai bisé chacune des deux filles chastement à la commissure des lèvres et, miracle, elles se sont éveillées, ont récupéré leurs sacs et le parapluie. Nous sommes descendus, fiers, mains dans les mains, tout sourires, du chariot pour courir de nouvelles aventures à trois.


Le labyrinthe de verre ne présentait que peu d’intérêt sauf que pour ne pas nous perdre, nous séparer, elles ne voulaient pas lâcher leurs mains serrées aux miennes. Et c’était bon de bon que ces deux filles me tenant et qui tant m’aimaient qu’elles ne voulaient pas que nous fussions séparés, ne serait-ce que par la vitre d’un jeu forain.


On est arrivés devant la chenille. Je ne sais pas si vous connaissez la chenille. C’est un manège très rapide. Enfin qui tourne vite en écrasant les gens les uns contre les autres. Vaut mieux avant de monter voir qui on choisit comme voisin. Vu que si c’est quelqu’un d’attrayant ce sera mieux que si c’est un qu’on connait pas, un gars d’un autre quartier ou même pire.

En plus, la chenille, ça monte ça descend comme qui dirait sur des collines, à toute allure. Quand ça monte on est coincé contre son voisin à plus savoir le morceau de soi qui touche et si le mec tripote la fille exprès ou si c’est juste effet de force centrifuge. Quand ça descend, alors on s’envole, on ne pèse plus rien et les filles ont le ventre qui crie famine, les chairs ouvertes en attente.

Et ça recommence.
Deux fois par tour.
Au bout du compte, quand la chenille s’immobilise en hurlement de Johnny ou Richard Antony de tube 45 tours de Twist, la fille a la culotte mouillée, elle ne comprend pas pourquoi, la vitesse, les forces de Coriolis ou centrifuges elle ne sait mais son fond est trempé, dégoulinant. Elle se pose des questions et ses chairs tendres s’ouvrent.

Les deux, là, la brune et la blonde me regardaient enamourées.
Moi je pensais, le flipper va claquer, vlan, partie gratuite…
Moi, j’étais encore un gamin, incapable de comprendre que ces deux filles m’ouvraient leur ventre, m’ouvraient leurs cuisses et qu’elles n’attendaient que ça, que je plante cet os qu’elles avaient découvert dans mon futal, dans mon caleçon…

Moi, petit con, je rêvais juste de biser la brune, celle qui tant me plaisait, petit flirt de mes dix-sept ans…

Cinquante ans plus tard je prend conscience de combien je fus, alors, timoré…

On était serrés tous trois contre le bord de la banquette. Les filles riaient et moi, comme toujours je bandais. Mais là, elles n’y avaient pas mis la main et c’est moi qui parcourait leurs thorax agités de tourterelles chaudes palpitantes. Deux mains, une pour chacune d’entre elles. Elles étaient heureuses de ce destin d’un garçon qui les aimait. Y a t-il meilleur destin que ce bonheur là ?

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!