Baguette De Coudrier

La Queue


La queue dont je veux vous parler ici n'est pas celle que nous portons, nous les garçons, dans nos slips nos boxers nos caleçons. Non.

La queue qui, dorénavant, occupe mes pensées, chaque jour que Dieu fait, est celle dans laquelle on s’entasse, tous genres confondus, pour accéder à quelque manifestation courue, très trop courue.

Tout a commencé de cette histoire un jour de grève des agents de la RATP, merci la CGT, merci SUD et plein d’autres encore, moins connus parce que probablement moins nuisibles.
La fille brune cheveux longs, style 37°2 le matin, s'était approchée de moi, slalomant sur le quai en bousculant tout le monde tout en me fixant des yeux avec appétence. Dans la rame où nous étions montés de concert, elle se tenait bras levé à une poignée plastique lien de cuir au plafond. Et moi, émoustillé, j'étais collé à elle agrippé comme un naufragé au poteau d'acier chromé.
L'affluence était telle que nos corps se sont emboîtés l'un dans l'autre comme quand on dort avec une fille en faisant petites cuillères. Son bras nu levé haut touchait ma joue. Il était chaud.
Elle me tournait le dos et sa chevelure épaisse chatouillait mon visage. J'étais plein de ses odeurs de cheveux et d'aisselle.

Mon ventre était collé contre ses fesses rebondies sévèrement empaquetées dans un jean sans grâce. À faire péter l'étoffe solide. Mais jean qui serrait trop, faisant disparaître sa craque en à plat sans grâce.
Tout cela je l'avais vu avant, avant que la rame bondée n'arrive. J'avais même pensé que ce Monsieur Levy Strauss, inventeur du jean mal coupé qui écrasait le postérieur des filles callipyges, devrait recevoir une sorte de prix Nobel négatif, le Gérard en quelque sorte du marchand de pantalon. Ralph Lauren en négatif.

Et moi j'avais le bassin collé contre et cinquante personnes poussaient derrière moi pour que ma bite, écrasée à travers les étoffes, explore de son gland tactile le mou le dur le creux aussi, entre les deux globes.


Elle tournait toujours sa tête côté tribord indifférente. Néanmoins je sentais sa cambrure qui venait vers moi en invite et aussi qu'elle montait sur la pointe des pieds pour présenter le creux d'entre ses cuisses et redescendre en butant sur la saille de ma tige gonflant la braguette.

Mon bassin est venu en avant pour confirmer mon accord, la soulevant presque. Faut dire que, elle, tirait sur la poignée pour alléger et manifestement elle était portée haut comme un joueur de rugby en touche pour choper le ballon.

Et pas moyen de bouger, d'avancer de reculer, de voir sa frimousse, rien. Rien que ma bite plantée au creux de ses fesses la portant largement au dessus de la foule compacte.

Châtelet, j'ai pensé, je vais opérer un retournement pour l'avoir face à moi. Mais l'affaire ne s'est pas faite, trop de gens foule trop compacte ou peut être mauvaise volonté de sa part. Elle a quand même profité de l'opportunité pour glisser son bras entre nous et prendre en main l'objet dur qui manifestement l'interpellait là entre ses fesses. Curiosité intellectuelle probablement.

Moi j'avais plongé mes lèvres dans son cou et je soufflais du chaud sur sa nuque en petits bisous légers de voisin de rame.
Elle, serrait l'objet, fort. Moi j'ai glissé difficilement mon bras pour contourner son thorax, profitant de chaque secousse du wagon pour gagner quelques centimètres et j'ai réussi à m'immiscer dans son blouson molletonné pour empaumer un sein.

Merveille de sein, doux à travers le pull fin genre Cachemire mohair, sein chaud, libre, sympa, lourd et dense mais modeste quand même. Un sein qui remplit la main de l'honnête homme et lui confirme qu'il est dans le juste de bander.
Pas un instant je n'avais pensé qu'elle eût pu se rebiffer. Cette fille était consentante depuis le début, depuis qu'elle avait joué des coudes à la station pour se glisser auprès de moi, monter dans la même rame le même wagon.

Quand même, j'aurais bien voulu, avant d'aller plus loin, revoir la tête qu'elle avait.
Je me souvenais de ses cheveux sombres et surtout de sa bouche épaisse, une bouche lippue, des lèvres de trompettiste... L’instrument que je préfère. C’est important pour vous la tête qu’a une fille ?

Pour moi, oui. Je dirais même que c'est fondamental. Comme dit Brassens, yen a que je bande, d'autre point. Va savoir àque...

Va savoir pourquoi ça se fait ou ça se fait pas.

Passons. La fille dont je vous parle, lippe dodue de fille comme on aime, Béart, eau vive qui goûte sans retenue tout au long du courant et suce suce en chantant tout le bon goûteux du gland.

Moi je la goûtais de fesses et, honnêtement, je la trouvais, sous cet aspect, fort à mon goût.

L'affaire, je vais vous dire comment elle a fini. Pas bien. Elle a vraiment pas bien fini cette affaire-là.
Avant la station suivante elle a exprimé qu'elle prévoyait descendre : mouvements ondulants du corps des épaules des fesses pour se dégager, approche de la porte, changement de poignée de maintien. Puis elle a tourné sa figure vers moi qui n'attendais que ça, voir sa frimousse et lui dire de mes yeux rieurs le plaisir de cette rencontre corporelle non calculée, non prévue.

Mais ses yeux à elle n'ont eu qu'une phrase accompagnant un mouvement de cou déniant. Des yeux levés dans un visage baissé. Des yeux un peu tristes. Un peu gais aussi mais gais de derrière, gais de fond du coeur. Les yeux tristes disaient, ami la fête est finie, je m'en vais retrouver mon appart, mes mouflets et le mari. La nounou, le relais à prendre, le bain des bébés, le souper, la vaisselle, la télé.

Moi je regardais ses lèvres et je pensais... Non je ne pensais pas, je ne pensais plus, j'avais débandé et mon coeur en berne la regardait maintenant filer rapide sur le quai direction Tolbiac, Maison-Blanche.

Rendez-vous prochaine grève, même heure même ligne ?


***


Ce que je peux vous dire, c'est qu'elle a déterminé, cette affaire, ma destinée, mes comportements, ma vie.
À fond.
Vous le croyez, ça, vous ?

Aujourd'hui, samedi, je potasse le petit guide parisien. Expo impressionniste au Grand Palais, c'est là que je vais.
Normal, y aura queue.
Queue est devenu ma raison d'être. Queue est le milieu que je cherche pour y vivre. Pour exister.

Le temps s'arrête, les filles sont immobiles devant moi. Moi je regarde, je jauge je juge, moi je suis Roi. Moi je mate en toute indécence, un sein qui gonfle le chemisier blanc, une mèche de cheveux roux qui tournicote un cou de gazelle, un mollet fin drapé de chaussette blanche maille claire...
Moi je suis, et regarde.

Queue, queue, je suis dans mon élément. Paris, tu es mon espace, le milieu dans lequel je vis où je jouis d'être.

La fille je l'ai vue, je l'ai aussitôt aimée, m'en suis approché pour la mieux sentir la mieux saisir de mes yeux préhensiles tactiles appréhensionnistes.
Salauds d'yeux indécents de voyou véritable.

Les filles, elles sont comme ça, zaiment les voyous...

Dans la queue, la fille, elle aime le gars qui la mate qui la touche du corps qui lui parle. Les filles, elles sont comme ça, et nous les gars on aime ça. C'est con, non ?

Le voyou, moi, est déterminé, a jeté son dévolu.
La fille est fondante toute consentante les yeux au ciel la nuque pliée en arrière.

Vous le croyez vous ça cette magie des frottis frottas de riens d'effleurements juste mais qui disent tant de bonheur de rencontre nouvelle.

Et moi, pas tant si voyou, plutôt ému, plutôt chanceux. Moi j'y reviens chaque fois à ce monde de queue de gars de filles entassés qui se sentent se touchent se cherchent.

Je vous l'avoue
Je ne vis plus que pour ça
Et c'est bon, bon, bon.

Ce n'est plus la fille Béart qui scintille dans mes yeux, c'est celle de Rocard que ma fourche de coudrier cherche et trouve.

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