La Hase Et Le Rapace - 6

Les pas d’Evelyne sont ceux d’une souris, petits et rapides. Petits parce qu’elle a trouvé l’espacement idoine pour éviter que le plug ne la gêne et (ou), ne l’excite. Rapides parce qu’il lui faut suivre l’homme, qui se soucie fort peu des désagréments qu’elle subit. Elle trottine donc à son côté tandis qu’il avance d’un pas vif. Il lui a interdit de prendre son sac et a exigé ses clés. Même si elle le voulait, elle ne pourrait pas rentrer chez elle sans lui en demander la permission. Elle le suit donc comme un chien servile suit son maître et, parce qu’elle est fière, elle allonge le pas. Fatale erreur. Le plug lui dispense aussitôt une onde de plaisir douloureux. Elle gémit. L’homme la couvre d’un regard méprisant.
« D’accord, d’accord se dit-elle, désormais, je serai silencieuse. » Et, bravement, elle avance. Elle aimerait bien savoir où elle se rend mais l’homme n’a pas l’intention de le lui dire. Une chose est sure, cependant, ils ne quittent pas le quartier. Elle pensait qu’ils iraient vers Pigalle, c’est généralement là qu’on va quand on veut acheter des objets ou des tenues coquines. Mais non, c’est ailleurs qu’ils se rendent. Sa curiosité n’en est que plus vive.
Arrivés devant l’échoppe d’un cordonnier, l’homme stoppe. Il regarde à travers la vitrine et constatant que la boutique est vide, il rentre. En reconnaissant l’homme, l’artisan donne un tour au verrou de sa porte, retourne l’écriteau qui affirme son retour prochain et invite ses visiteurs à le suivre dans l’arrière-boutique puis à l’étage.
Pour Evelyne, c’est la caverne d’Ali Baba ! Des robes, des jupes, des manteaux, des corsets, des chemisiers… toute une collection de prêt-à-porter en cuir. La jeune-femme est fascinée. Elle voudrait toucher mais l’homme l’arrête d’un geste.
- Déshabillez-vous mademoiselle, que ce monsieur puisse prendre vos mensurations.
Ces quelques mots sont comme un direct du droit dans l’estomac de la jeune-femme. Elle est blême, son souffle est coupé pourtant, elle obéit.

Vaguement, elle entend qu’elle peut garder ses bas ? C’est ce qu’elle fait. Elle est un peu dans le brouillard mais elle sent les doigts et le ruban du cordonnier caresser doucement sa peau. Ses poils et les pointes de ses seins se hérissent, un fourmillement envahit son bas ventre, un petit jet de mouille s’évade de sa vulve… Pas à dire, la situation l’excite.
L’artisan termine son « tour d’horizon » et propose à l’homme de regarder le catalogue. Face à son refus, le boutiquier insiste. Le Maître d’Evelyne lui explique qu’il viendra décider du modèle seul, que, pour le moment, il n’a besoin que d’un collier et d’une robe courte et légère. Sans hésiter, le cordonnier en présente une à l’homme qui, d’un signe de tête, accepte de la prendre ainsi que la paire de cuissardes qui l’accompagne. Evelyne n’en montre rien mais elle est ravie. L’affaire du collier va la faire déchanter.
La collection de l’artisan recèle de véritables bijoux. Ne serait-ce les décorations érotiques et parfois graveleuses qui les ornent, ils ne dépareraient pas dans une soirée mondaine. Pourtant, l’homme opte pour un collier de chien tout bête, tout moche avec une grosse boucle en alu et un anneau pour accrocher la laisse. Bref, le genre de collier qui crie, à tout le monde, que celle qui le porte est une salope soumise…
L’homme règle ses achats en liquide et fait signe à Evelyne de le précéder. Quand elle passe à sa portée, il la gratifie d’une main au cul. Est-ce sa façon de montrer sa satisfaction ?
La nuit est tombée et la jeune-femme frissonne dans sa petite robe. Ils font donc demi-tour et l’homme lui offre un manteau doublé de fourrure. Elle est enchantée de ce cadeau mais il exige qu’elle soit nue dessous. Le pompon, ce serait qu’il veuille qu’elle porte aussi le collier…

Il est vingt-deux heures, passées de peu, quand il tourne la clé dans la serrure. Elle retrouve son domicile et la chaleur qui y règne avec un certain plaisir. Force de l’habitude, elle se dirige vers le canapé… L’homme la stoppe d’un claquement de doigts et lui indique le sol.
Elle s’agenouille sur le tapis. Lui, vient se poster devant elle. Il tient le collier à la main.
- Mademoiselle ! (Il parle d’un ton solennel). Acceptez-vous de porter ce collier pour la durée du contrat qui nous lie ?
Elle lève les yeux vers lui. Il est impressionnant, l’homme, dans son costume sombre dont le manque de lumière renforce l’aspect obscur. Et subitement, elle a peur. C’est la troisième fois que l’homme lui pose la question, la troisième fois qu’il lui offre une porte de sortie honorable sans qu’elle ait à prononcer le mot fatidique. Ce sera la dernière, elle n’a aucun doute là-dessus. Alors, elle hésite. Et le silence s’éternise…
Pour le meubler, l’homme reprend la parole :
- En acceptant, vous vous déclarez soumise à ma personne, je serai désormais votre maître et c’est ainsi que vous me nommerez. En refusant, vous rompez le contrat, sans conséquence d’aucune sorte. Je vous repose donc la question pour la dernière fois : Acceptez-vous de porter ce collier en signe d’obédience et d’appartenance à votre Maître ?
Cette fois, c’est décidé, plus de retour en arrière. Elle répond comme on se jette à l’eau :
- Oui Maître !
Elle retire son manteau et, nue, elle se penche en avant pour poser un baiser sur la chaussure droite de son maître. L’homme la regarde faire, un sourire satisfait aux coins des lèvres.
- Est-ce là votre façon de me remercier ? Demande-t-il.
Elle n’est pas dupe, cette question cache un désir qu’elle connait bien. Déjà, tout à l’heure, dans le square où ils se promenaient, il avait voulu qu’elle le suce. Elle s’était livrée à cette fellation avec beaucoup de plaisir. Puis il l’avait sodomisée, avant de revenir jouir dans sa bouche. Elle avait eu un orgasme bref et violent et elle était prête à refaire le même parcours pour la même récompense…
Ce n’est qu’au dernier moment qu’elle se souvient qu’elle n’a pas le droit d’agir sans permission et qu’il lui faut donc la demander. Etrangement, elle qui ne s’est jamais privée de tenir des propos salaces en présence des hommes, est intimidée.
Elle espère qu’une question muette suffira à obtenir le feu vert attendu mais elle se fait des illusions et même, elle se ment. Sans doute pour se donner le courage de formuler sa question à haute voix :
- Puis-je vous sucer, Maître ?
L’homme lui sourit et, d’un signe de tête, acquiesce à sa demande. Elle s’approche, fière d’avoir osé. Etonnée, également, de découvrir cet aspect timoré d’elle-même. Elle pensait que, malgré son statut de soumise, elle resterait comme elle s’est toujours connue : fonceuse. Or, elle se trompait et elle vient de le découvrir. Le fait d’abandonner sa souveraineté sur soi-même modifie en un clin d’œil, votre état d’esprit et votre façon d’être. Elle était forte et volontaire, la voici timide et pusillanime. Le pire, dans tout ça, c’est qu’elle s’en trouve bien.
Cette conclusion la détend et elle redouble de douceur, de tendresse. Ses lèvres se font plus légères, sa langue plus caressante, sa gorge plus accueillante. Pour le plus grand bonheur de son Maître. Elle aime lui donner du plaisir. Elle l’appréciait déjà avant mais, maintenant qu’elle est à lui, elle éprouve une véritable jouissance quand il use d’elle. Elle n’a plus de doute désormais : un jour, il baisera sa bouche et elle jouira…
Mais pour l’instant, c’est lui qui jouit. Et elle avale. Elle se souvient qu’il y a encore un mois, elle détestait cela. Elle a vraiment changé au contact de l’homme. Elle se demande à quel point les jours à venir vont encore modifier sa façon de vivre.
L’homme se rajuste et annonce son départ. Il garde les clés pour ne pas la déranger demain matin. C’est du moins ce qu’il dit. Evelyne, elle, a une toute autre vision de cette captation : il l’enferme chez elle.
Il ne lui a laissé aucune consigne pour la nuit. Elle est prisonnière de son propre appartement mais libre, entre ces murs, de faire ce qui lui chante. Elle fait donc un peu de ménage, lave deux ou trois verres oubliés, range quelques objets déplacés et, tombe sur le sac de l’homme.
Il était parti sans il y a deux semaines et elle l’avait rangé dans le coin d’une armoire. Ce soir, elle s’en saisit et le pose sur le billard qui a retrouvé son plateau. Elle le vide et dispose les objets les uns à côté des autres, sans ordre puisqu’elle ignore à quoi servent la plupart d’entre eux. Consciencieuse, elle regroupe tout de même tout ce qu’elle pense servir de fouet ou assimilé. Elle s’imagine, attachée, subissant la morsure des divers instruments. Elle la désire, se souvient de l’effet qu’eurent sur son sexe, les coups lourds et répétés du martinet. Elle dirige sa main vers son sexe. Il est humide et elle en a envie mais elle s’arrête. Elle n’a pas demandé la permission et si l’homme ne lui a rien interdit, il n’a pas plus autorisé. Elle pourrait lire, pour ne plus y penser mais elle n’en a pas envie. Elle allume son ordinateur et tente d’en savoir plus sur ce qu’elle vit. Les sites auxquels elle se connecte semblent édulcorés par rapport à ce qu’elle ressent. Et puis, presque par hasard, elle découvre un site de lecture. Le mot clé : soumission, lui offre un afflux important de réponses. Elle commence à lire les récits. Elle en abandonne certains en chemin, illisibles ou insipides. Elle en dévore d’autres. Certaines des choses qu’elle lit, lui plaisent au point qu’elle aimerait que son Maître les lui impose. Certaines l’inquiètent ou l’effraient : porter des pinces aux seins ou accrochées aux lèvres de son sexe, dormir par terre, être donnée en pâture à plusieurs hommes, être exhibée en public, nue, attachée à une laisse… Tout cela, elle n’y a pas songé pendant qu’ils établissaient le contrat. Va-t-elle pouvoir ajouter tout cela à la liste de ses refus sans pour autant annuler leur entente ? Elle n’en sait fichtre rien et l’ignorance l’inquiète. Car ce qu’elle veut protéger en interdisant ces pratiques, c’est son intégrité morale bien plus que physique. Elle refuse d’être déshumanisée, de n’être considérée que comme un morceau de viande que chacun peut goûter à sa guise. Elle se promet d’en parler à son Maître dès demain…
… Son Maître… ! C’est si facile pour elle de l’appeler ainsi. Ça lui est venu si naturellement qu’elle se demande si elle n’était pas prédestinée à l’état de soumise.
La sonnerie du téléphone vient interrompre ses pensées. C’est lui, elle s’empresse de répondre :
- Bonsoir Maître.
- Vous n’êtes pas couchée… Vous devriez ! La journée de demain sera longue, je vous veux en pleine forme.
- J’irais dès que j’aurai raccroché, Maitre.
- Demain, dès sept heures trente, vous adopterez la position que je vous ai apprise, sur le tapis, au milieu du salon. Cette nuit, vous dormirez nue, dans votre lit. Interdiction de vous toucher.
Avez-vous des questions.
- Oui Maitre, j’en ai. Mais elles sont d’un autre ordre, pourrais-je vous les poser demain ?
- D’accord, bonne nuit.
Une fois de plus, il ne lui laisse pas le temps de répondre. Elle range son téléphone et part au lit. Elle a l’impression d’être une gamine qu’on envoie se coucher. Même si elle est seule, elle se sent humiliée.

Sept heures trente. La jeune-femme s’installe comme demandé, au milieu du salon. A genoux, le dos droit, les mains derrière la tête. Combien de temps va durer cette attente, elle n’en sait rien. Elle s’est levée assez tôt pour petit-déjeuner et prendre une douche. Elle est bien, détendue, heureuse de sentir ses seins durs de désirs, ses tétons tendus, son sexe humide. Car, elle n’en doute pas, il va venir et la faire jouir. Les rêves de la nuit n’ont pas quitté son corps. Elle est en manque… de sa bite, dans sa chatte, dans son cul… elle pense au martinet qui vient heurter son clitoris… Elle a envie…
Sept heures cinquante. L’ankylose la gagne. Ses muscles brûlent, ses tétons ramollissent et son sexe s’assèche… Pourvu qu’il vienne vite et la libère de cette position infernale. Elle a lu, hier soir, que certaines soumises devaient la conserver durant des heures entières. Au bout de vingt minutes elle, n’en peut déjà plus. Si elle se prosternait ? La position de la prière soulagerait sans doute son dos et ses épaules. Mais elle n’ose pas. S’il rentrait, juste à ce moment-là… De quoi aurait-elle l’air ? D’une tricheuse ! D’une femme sans honneur. Elle s’y refuse. Pour oublier son corps, elle se récite la première phrase du discours qu’elle a préparé sur les choses qu’elle ne veut pas faire : « J’ai lu, hier, certaines choses qui m’ont déplu et dont je voudrais vous faire part, bien qu’elles ne soient pas notées dans le contrat. » Cette phrase, elle la marmonne en boucle durant les vingt minutes suivantes.
Huit heures dix. La clé tourne enfin dans la serrure. Evelyne est fière d’avoir tenu sa position sans faiblir, sans faillir. L’homme reste à la porte qui se referme sans un bruit. Il tient à la main un sachet de boulangerie, sans doute des croissants. Aucun des deux ne parle, aucun des deux ne bouge. Evelyne vit un martyr, l’homme sourit. Evelyne implore du regard, l’homme entre dans la cuisine.
- Bonjour Demoiselle.
- Bonjour Maître.
- Levez-vous et venez me rejoindre.
Comme elle est soulagée ! Ses bras tombent le long de son corps, ses jambes se déplient difficilement. Elle a un mal de chien à se lever et à tenir sur ses jambes. Elle avance néanmoins. On dirait une vieillarde. Il va vraiment falloir qu’elle se mette au sport…
- Vous allez me servir ! dit-il, sans lui adresser un regard. Je serai sur le canapé.
Elle prépare le plateau, le lui porte, le lui tend…
- Je vais avoir besoin d’une table… Mettez-vous à quatre pattes !
C’est exactement ce qu’elle refuse, être chosifiée. Pourtant, elle obéit. Cela ne dure pas longtemps, à peine dix minutes. C’est assez pour avoir la confirmation qu’elle déteste ça. Quand il libère son dos du plateau, le plus naturellement du monde, elle se relève.

Elle n’a pas besoin d’un dessin pour constater qu’elle vient de commettre une erreur en se mettant debout, le regard que lui lance son maître suffit pour comprendre. Le sourire qu’il arbore est lourd de promesses qu’il aura plaisir à tenir. C’est, à n’en pas douter, une lourde punition qui l’attend ; mais, comme il s‘agit, pour elle, d’une première, elle ne sait comment réagir.
Après tout, c’est à lui de me donner ses directives, n’est-il pa le Maître ? S’il n’ordonne rien, comment puis-je obéir ? Elle décide donc de ne rien faire et d’attendre qu’il manifeste sa volonté. Calmement, elle laisse pendre ses bras le long de son corps et attend.
Il est clair que l’homme n’apprécie que peu l’attitude de la jeune-femme. Peut-être espérait-il qu’elle s’agenouille en signe de contrition ? Elle ne lui fera pas ce plaisir sans en avoir reçu l’ordre express. Elle reste donc immobile et silencieuse et, plus le silence s’éternise, plus il est à craindre que la punition soit dure et humiliante. Elle profite de ce temps pour se préparer au pire ; il profite de ce temps pour préparer le pire…
L’homme a bien remarqué combien être chosifiée avait déplu à sa femelle. Il ne se privera pas de lui faire subir à nouveau cette dégradante situation. Mais avant, il va la contraindre à fixer elle-même la première partie de sa punition.
- Vous êtes consciente d’être fautive, j’espère…
- Oui Monsieur.
- Vous êtes consciente qu’une punition s’impose…
- Oui Monsieur.
- Quel genre de punition pensez-vous mériter ?
- Je l’ignore Monsieur, puisque je ne connais pas la gravité de ma faute…
- Je ne vous demande pas d’en fixer l’intensité, mais d’en déterminer la nature.
Evelyne rougit, il l’a encore prise en défaut : bien écouter tous les mots, ne pas se focaliser sur ce qui me préoccupe mais sur ce qu’il dit.
- La faute étant de nature physique, la sanction devrait être de même nature…
- Expliquez-moi cela, je ne suis pas sûr que nous soyons d’accord sur la nature même de la faute…
Encore une fois, la jeune-femme est prise en défaut. Elle cherche une réponse convaincante tout en se traitant d’idiote. Le silence dure quelques secondes.
- « Ce qui se conçoit bien… », entame-t-il. Mais je ne vais pas r plus longtemps votre esprit. Votre faute n’est pas de nature physique, même si son expression le fut. Elle relève de la désobéissance puisque je ne vous avais pas dit de quitter la position que je venais d’exiger de vous. Table vous étiez, table vous auriez dû rester sans indication contraire de ma part. Par la suite, vous m’avez appelé « Monsieur » quand vos ordres sont de me nommer « Maître ». Et, à l’instant, vous ne m’avez plus nommé du tout. Cela double votre désobéissance d’un manque de respect caractérisé.
Connaissez-vous l’expression : « faire le beau » ? C’est ce que j’attends de vous.
Allez m’attendre dans la chambre, au pied du lit. J’espère ne pas avoir besoin de vous dire de quelle façon vous déplacer…
Evelyne se met à quatre pattes et se dandine vers la chambre. Elle s’installe au pied du lit dans la position demandée. Doit-elle tirer la langue comme le ferait sans doute un chien ? Dans le doute, elle ne s’abstient pas ; mieux vaut en faire trop que pas assez.
Et l’attente commence. Pourquoi n’a-t-elle pas fait poser de moquette dans sa chambre ? Ce serait tellement plus confortable pour ses genoux. Mais ce n’est pas ce qui la dérange le plus, pour l’instant. La douleur dans ses genoux, dans ses cuisses, dans son dos, dans ses reins, viendra s’installer bientôt, elle le sait. Mais pour le moment, c’est sa langue qui occupe ses pensées. Cette langue, sortie de sa bouche qui lui interdit de déglutir. Sa gorge s’assèche rapidement tandis que sa salive coule sur sa langue et s’écrase, sur le sol, en gouttelettes baveuses. Elle s’efforce de respirer par le nez. Elle découvre, à son grand dam, que ce n’est pas si naturel quand on a la bouche grande ouverte. Les premières distractions lui viennent de ses cuisses, dont les muscles se tendent sous l’effort inhabituel et trop souvent répété ces derniers jours. Elle se maudit de n’être pas sportive. Elle se maudit également de si mal connaître son corps, de l’avoir si longtemps laissé agir à sa guise sans lui prêter la moindre attention. Quelle conne !
Sa gorge brûle. Elle panique. Elle a tellement peu l’habitude de commander son corps que tout se dérègle, elle ne sait même plus comment respirer. Elle n’en peut plus, elle déglutit. Elle redonne à sa gorge l’humidité nécessaire à sa survie. Tant pis ! Tant pis s’il est mécontent, elle ne s’imposera plus ce supplice. Elle avale avec délice la salive, elle la sent couler sur sa gorge et en éprouve une véritable joie. Elle est en rage, elle lui en veut de ne pas tout lui dire, de ne pas l’avoir prévenue des risques, des désagréments qu’elle allait ressentir. Naturellement, c’est le moment qu’il choisit pour apparaître dans son champ de vision. Le moment où elle est en faute, le moment où elle désobéit parce qu’elle a abandonné la position exigée, le moment où elle est en colère, le moment où elle hésite à tout lâcher, à se lever et dire « ça suffit ! ».
L’homme reste sur le pas de la porte à la regarder. Un sourire dont elle ne saurait dire s’il est malicieux, sardonique, ou tout simplement victorieux. Elle se lève, prête à renoncer. Mais elle n’achève pas son mouvement. Mieux, elle le contrarie pour s’agenouiller derechef et reprendre la position. Elle fait le beau, la langue pendante. Elle a honte. Mais ne sais pas de quoi. Est-ce d’avoir été proche de renoncer ? Est-ce de n’avoir pas renoncé et de retrouver cette posture qui la ridiculise et fait d’elle une bête ? Des deux, peut-être ? Des deux, sûrement.
Elle attend, il observe. Espère-t-il qu’elle rompe le silence ? Espère-t-t-il la prendre de nouveau en faute ? Sa gorge s’assèche de plus belle. Elle sait qu’elle ne résistera pas et qu’elle déglutira, comme une chienne assoiffée. Le salaud ! Jusqu’à quand va-t-il la laisser comme ça ? Pourquoi ne dit-il rien ? Elle sent la colère qui remonte, plus puissante, plus dévastatrice. Elle tente de se calmer mais c’est au dessus de ses forces. Ses bras, ses cuisses, se mettent à trembler. De rage ? De fatigue ? Toujours la même réponse : les deux !
L’homme a dû sentir que son exaspération atteint son paroxysme. S’il patiente quelques millisecondes de plus, elle va craquer. Le souhaite-t-il ? D’évidence, non. Puisqu’il parle, sans cacher son rire :
- Eh bien, jolie dame, on ne sait plus où on en est ?
Il rit franchement, il est sarcastique, vexant, humiliant. Il n’y a dans sa voix, ni tendresse ni compassion. Il se moque ouvertement d’elle. Encore une fois, elle s’est fait avoir : faire le beau, c’est se comporter comme un chien. Or, un chien ne réfléchit pas, quand il a la gorge sèche, il rentre sa langue et imbibe sa gorge de bave, il se lèche les babines. Bref, il n’attend pas qu’un ordre lui soit donné pour le faire, il agit selon ses besoins primaires. C’est exactement ce qu’elle aurait dû faire, agir comme un chien, comme une chienne plutôt. Elle comprend que c’est cela, sa punition : être déshumanisée. Pas comme elle le fût tout à l’heure, quand il l’a transformée en table, mais d’une façon cent fois pire, en étant animalisée. De soumise, elle se sent devenue esclave. D’instinct, elle devine ce qu’il va lui ordonner. Elle aura toute la nuit pour s’habi à cette nouvelle condition et accepter ce qu’il attend d’elle. Elle va dormir par terre, au pied de son propre lit, sans avoir le droit de parler, sans avoir d’autre droit que celui de respirer. Elle se sent vaincue, bafouée et elle constate avec dégoût qu’elle en est excitée.

Elle frissonne. C’est le froid qui l’a réveillée. La couverture dans laquelle elle est enroulée ne suffit pas à masquer les frimas de l’automne. Comme elle ne sait que faire et qu’une fois de plus, il ne lui a laissé aucune consigne, elle se déplace jusqu’à la cuisine et prépare le café. A-t-elle le temps d’en avaler une tasse brûlante avant qu’il se réveille. Elle n’en sait rien et s’en fiche, elle a trop froid pour résister. Elle rince sa tasse avec un filet d’eau et la range sans faire de bruit. Il était temps, il se réveille et déjà, revendique son dû : une tasse de café accompagnée de deux tartines.
A défaut de savoir comment se présenter à lui, elle s’y rend à genoux, le plateau à bout de bras.
Il tapote le lit à la place où elle doit poser le plateau puis lui sourit en s’étirant. Il a bien dormi, lui. Pas comme elle !
- Tu peux te lever, lui dit-il. La punition est terminée.
Prendre garde, surtout ! Faire bien attention à ne faire que ce qu’il attend d’elle. Elle se met debout et adopte aussitôt une position humble, les jambes écartées et le visage tourné vers le sol, les bras le long du corps. L’homme apprécie et le lui dit. Il s’exprime doucement, sans cette intonation désagréable de la veille au soir.
- J’espère que tu as enfin compris ce que j’attends de toi : une obéissance totale. A chaque ordre te commandant quelque chose correspond un ordre qui y met fin. Si cet ordre ne vient pas c’est que tu dois poursuivre. Si par extraordinaire, la tâche que je t’aurais assignée est vraiment terminée, tu prendras la position d’attente, là où tu te trouveras. C’est la seule initiative qui te soit autorisée. Nous en avons parlé durant la discussion sur les termes du contrat, je n’aurais pas dû avoir à revenir dessus.
Maintenant, je vais me lever, agenouille toi.
L’homme se lève, elle s’agenouille. De là où elle se trouve, elle ne voit qu’une chose, son sexe. Il est bandé et lourd de désirs. Son ventre réagit aussitôt : elle mouille ! Elle ressent un besoin impérieux de sentir en elle la colonne de chair mais il est évident qu’elle n’aura pas satisfaction. Pas tout de suite du moins.
L’homme avale son café comme on se débarrasse d’une corvée, fait une grimace qu’elle ne peut pas voir et se dirige vers la salle de bain.
L’inquiétude envahit Evelyne. L’homme l’a déjà abandonnée toute la journée de la veille et une partie de la nuit, va-t-il refaire la même chose aujourd’hui ? Hier, cela pouvait s’expliquer, elle était punie. Mais aujourd’hui, elle se sentirait grugée, volée sur le temps de leur contrat… Elle écoute couler la douche et imagine toutes les coquineries auxquelles elle pourrait s’adonner s’il l’avait invitée. Mais la douche coule et il ne requiert pas sa présence. Elle se morfond tout en apprenant la patience. Finalement, se dit-elle, être soumise, c’est s’emmerder les trois quarts du temps…
La douche, par bonheur, est de courte durée. C’est un homme, il ne fait pas de fioritures, il se mouille, se lave, se rince et sort pour se sécher. Parfait pour elle. D’autant qu’il revient plus vite qu’espéré. Il est trempé et son érection est encore de belle taille. Elle s’éclaire d’un sourire intérieur. L’homme lui demande de le sécher avec sa langue. Elle en frémit. Lentement, elle commence par ses pieds, puis ses jambes. Elle laisse de côté la partie centrale pour s’occuper du torse puis du dos de son Maître. Elle entame du haut pour descendre. De face, elle s’interrompt au niveau du pubis. De dos, elle poursuis le voyage. Enfin, elle attaque son entre jambes. Elle le fait d’une langue douce et légère. Elle s’occupe d’abord des bourses qu’elle capture entre ses lèvres et suce intensément. Elle sent, contre sa joue, la verge qui se tend. Elle savoure cet instant juste avant de gober, une à une, chacune des gouttes qui parsème la queue. Et puis elle se met à lécher, presqu’avec dévotion, le membre turgescent. Elle prie, inconsciemment, qu’il veuille qu’elle le suce. Elle imagine déjà la tige qui coulisse dans sa bouche, coincée entre ses joues, sa langue et son palais. Elle en meurt d’envie mais n’est pas dans une situation où elle peut demander. De la main droite, elle se met à masser les couilles lourdes et velues tandis que sa langue s’agite de plus en plus langoureusement sur le sexe dressé. Chaque seconde qui passe augmente son désir de le prendre en bouche mais l’ordre ne vient pas. Alors, dépitée, frustrée, elle s’interrompt et prend la position d’attente. Cela, peut-être, le fera-t-il changer d’avis.
Il n’en est rien. L’homme désigne d’un geste ses vêtements qui traînent à terre et invite la jeune-femme à les lui donner. Il s’habille, comme si de rien n’était et l’envoie se laver à son tour.
A son retour, elle découvre sur le lit une tenue qu’elle ne connaît pas. Elle s’habille et sur un geste de son Maître, tourne sur elle-même pour lui montrer l’effet qu’ont sur elle, les vêtements.
Il est satisfait.
- Viens, nous sortons, dit-il.

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