Un Bon Coup Non Marketing

Un bon coup non marketing

Béatrice s’engouffra dans la bouche du métro Hôtel de Ville. Dans l’interminable tunnel, un courant d’air la saisit au visage, soudain passé du diaphane au rose pâle. Les salves hivernales lui lacéraient la peau comme autant d’entailles sur sa chaleur humaine. Joviale, dynamique, enthousiaste, la trentaine alerte, la jolie brune ne vivait pas, elle pétillait.
Ce matin, pourtant, la fébrilité infiltrait sa fraîcheur naturelle. Elle étrennait, ce lundi matin, son poste de directrice de création au sein d’Adverteasing, l’une des agences en vogue dans le domaine de la publicité et du marketing. Après deux ans d’errance entre petits boulots, missions d’intérim et chômage, la chance avait enfin jeté son dévolu sur ses compétences. One woman selfed, Béatrice affectionnait les challenges. Aujourd’hui, elle pouvait porter un costume sur mesure : celui de son métier, sa vie. D’aussi loin qu’elle s’en souvînt, le monde de la publicité l’avait toujours fascinée. Adolescente, elle regardait Culture Pub, comme les jeunes d’aujourd’hui suivent Walking Dead
L’imminence de sa plongée dans le grand bain la stressait malgré tout. Indépendante, affirmée, avide de liberté artistique, parviendrait-elle à briller sans faire de l’ombre autour d’elle ? Comblerait-elle toutes les attentes sans négliger les siennes ? On arpente les méandres de la vie active sur un radeau pris entre deux courants contraires : l’Épanouissement personnel et l’asservissement hiérarchique. Si l’être humain gravit les échelons de l’évolution, il descend surtout du singe, une espèce dont les codes patriarcaux s’apparentent à ceux du monde de l’entreprise.
Béatrice arriva sur le parvis de la Défense où trônait, majestueux, un building aseptisé de verre et d’acier. Après avoir montré « badge blanc » au colosse responsable de la sécurité, elle monta directement au quatrième pour rejoindre ses nouveaux collaborateurs dans l’open space.

Elle semblait déjà familière des lieux. Venue en repérage une semaine auparavant, elle se fondit dans la masse sans vague ni mer d’huile. À l’aise, souriante, concernée, la brunette conquit immédiatement sa nouvelle équipe. Une conquête au parfum de séduction. Lorsque la mixité trouve son équilibre dans la « balance commerciale », les bilans sont dans le rose. La petite nouvelle ne manqua pas de se taper l’œil contre le sex appeal latin de Fred, un grand brun au regard bleu cyan. L’hidalgo, la quarantaine flamboyante, baissa, quant à lui, rapidement sa garde flegmatique devant l’assaut ravageur de la dernière recrue. Cette femme le subjugua. Son blazer-tailleur blanc neige contrastait avec le noir intense de sa jupe courte. Ses jambes, fuselées, montaient des escarpins blancs ciselés pour une harmonie géométrique sensuelle.
Les présentations conclues, Béatrice, escortée de Chloé, regagna son bureau pour travailler sur une campagne pour une marque de chapeaux vintage. À sa gauche, un peu plus loin, Fred ne la perdait pas de vue. S’il ne savait rien d’elle, de son vécu, de ses aspirations, il tenta de lire son langage corporel. Concentrée, absorbée, elle dissolut son mystère dans la volupté de ses rictus. Il l’a devinait esthète, libre, entreprenante, une incarnation des désirs assouvis. Si la femme moderne se cherchait une égérie, elle apparut ce matin. L’insistance d’un regard qui traverse le monde pour retrouver une seule personne trouve vite sa correspondance : Béatrice quitta un instant le retina de l’I.Mac pour le cyan azur des yeux de Fred. Elle y devinait des aspérités abruptes que nombre d’amazones avaient déjà dû peupler. Elle se surprit à se laisser envahir par une soudaine curiosité pour l’exotisme et ses landes paradisiaques.
Après une pause déjeuner au menu frugal et convivial, Béatrice rejoignit les locaux où elle manqua de bousculer Fred qui, lui, sortait. L’incident provoqua une proximité inespérée, maladroite… troublante. Chacun laissait à l’autre un échantillon de son parfum, vestige ultime des baisers manqués :
— « Salut Fred ! Moi c’est Béa.
Ça va ? »
La jeune femme lança la formule de convenance comme une bouteille à la mer. Peut-être son destinataire y trouverait-il un message à l’intérieur. Le jeune homme lui répondit d’un sourire enjôleur accompagné d’un rassurant :
— « Bien, Béa, merci ! »
La journée durant, les deux créatures s’épiaient, s’apprivoisaient, comme deux boxeurs avant le dernier round. Le siège d’une firme renommée constitue un ring idéal pour qui veut en découdre avec le sexe opposé. Un sourire dans le couloir, une conversation anodine à la machine à café ; leur complicité menait, à pas feutrés, une progression vers l’aire de jeu de séduction.
Galvanisé par les signaux de « faiblesse » de sa proie, le mâle ténébreux attaqua par surprise :
— « Dis-moi Béa ! Si tu ne fais rien samedi soir, ben maintenant t’es bookée. Je te propose de passer une soirée sympa au resto et au ciné. »
Goguenard, il ajouta :
— « Et quand je promets une soirée sympa, ce n’est pas une publicité mensongère. »
Aux anges, Béatrice accepta. Conquise par son approche subtile, elle rétorqua avec les mêmes armes : l’esprit :
— « Tu as de la chance. Je ne fais jamais rien le samedi soir au cas où un beau mec ait la bonne idée de me sortir pour me changer les idées ; mais bon, comme tu ne te décidais pas, j’avais prévu de dîner avec mon plateau-télé. Ce n’est pas grave. Je décommanderai. »
Les femmes manient à la perfection l’art martial de la drague psychologique. Là où les hommes chargent à découvert sans craindre la riposte, la gent féminine, elle, camoufle ses intentions sous le maquis de ses sous-entendus. Si le flirt devenait une guerre, l’homme s’engagerait sur le front en première ligne tandis que la femme, elle, officierait dans un sombre QG des services secrets. L’idée du cinéma plut immédiatement à Béatrice. La salle obscure ne trahirait pas son silence. Elle voulait désirer Fred Incognito.
Samedi soir arriva comme un nouveau-né prématuré vient au monde.
Rien de plus fragile qu’un premier rendez-vous. Tout peut naître ou mourir selon l’attention que l’on porte à l’heureux événement. Fred, décontracté, mais classe, vint chercher Béatrice, chez elle, à 20 heures tapantes. Elle ne sortit pas de son immeuble ; elle apparut, divine dans une sublime robe fuseau noire. Ils arrivèrent au restaurant. L’établissement avait joué la carte de l’ambiance rétro chic pour un voyage dans le Paris des années folles. Original et divertissant. Un homme qui fait preuve d’imagination dans le choix du restaurant doit savoir pimenter une relation. C’était bon signe. Le repas se déroula sous les meilleurs auspices. Les deux prétendants lâchaient la bride des contenances pour laisser galoper la fougue qui les emportait tous les deux. Ils se délectaient l’un de l’autre, les yeux dans les yeux. Il la trouvait belle. Elle étendit son bras, saisit sa main et la caressa. Le temps s’était arrêté, mais la course de leurs gestes tendres progressait. Leurs doigts s’entremêlèrent dans des liens de plus en plus électriques. La nuit, belle, lumineuse s’offrait à eux. Ils voulaient la goûter. Fred régla la note, prit Béatrice par la main pour une ballade sur les quais de Seine. Ils couraient comme deux adolescents intrépides. Malgré quelques années de plus, ce soir ils retrouvaient leurs quinze ans. Si l’on vendait l’amour dans un soin anti-âge, l’insouciance en composerait le principe actif principal. Le temps passait si vite qu’ils en oublièrent leur séance de cinéma. Béatrice ne voulait plus voir un film, elle voulait en être le personnage principal. Ce soir, elle voulait se fondre dans la peau d’Anouk Aimée dans le film : les amants de Paris. Elle se figea devant son partenaire, lui couva les joues de ses mains, lui passa la main dans les cheveux avant de déposer sur ses lèvres la chaleur d’un baiser. Fred ne se laissa pas intimider ; il reprit vite l’ascendant. Il plaça sa main dans le dos de sa conquête, la ramena fermement contre son corps ; il lui dévora la bouche.
La finesse des lèvres, la chaleur des langues, nul ne perdait un grain de sel de cette langueur buccale. Leurs mains se baladaient dans une progression anarchique sans autre but que la découverte de l’autre. Béatrice s’efforça de se libérer de l’étreinte pour reprendre son souffle, juste pour un répit ; elle suggéra :
— Tu viens ? On va chez moi. » Sans rien ajouter, ils abattirent les quelques mètres distants de l’appartement. Les escaliers gravis quatre à quatre, ils se déshabillèrent sur le seuil de la porte franchi pour se plonger ensemble nus sous les draps.
L’instant, unique, précieux, les portait à bout de secondes arrêtées vers une tendresse infinie. Ils s’enlaçaient, s’embrassaient dans des préliminaires à la sagesse avertie. Les bouches se changèrent en carnassières, les caresses en griffures grâce au sortilège des libidos qui transforme les sens. Fred, allongé sur Béatrice, quitta les contours de ses lèvres pour investir son cou ; corridor débouchant sur des seins en poire, mûrs pour une dégustation. Il esquissa du bout de la langue l’aréole de ses mamelons avant de prendre en bouche ses tétons. Il les aspira avant de les stimuler par des succions révélatrices de son obsession : procurer à Béatrice un tour de chauffe pour la faire monter en température. Toujours en lui suçant les seins, une de ses mains descendit le long de ses reins, son ventre ; jusqu’à atteindre sa fleur qu’il effeuilla du bout des doigts. Sa mangue, soyeuse, chaude, humide s’ouvrait sous les caresses. Index et majeurs joints, il l’assiégeait de tourbillons sensuels. Subrepticement, l’un d’eux s’égara dans la fente pour un va-et-vient exquis. Béatrice gémit comme un appel à l’extase. Fred lut dans ses soupirs. Sa bouche quitta ses seins pour descendre dans un ballet de baisers jusqu’au zénith de ses instincts. Dans une immersion sous les draps, dans une demi-apnée, il vint pécher la corolle de peau. Un baiser déposé sur son mont de Vénus, deux phalanges pour écarter les grandes lèvres et le coquillage se tint prêt à se faire happer. Il trouva sans peine un clitoris rosi. Affamé, il le suçota. La pointe de sa langue ballerine dansait sur le piédestal de la féminité. Souple, gracieuse, inspirée, elle improvisait des pas dans le ton de la mélopée entonnée par sa sirène. Chacune des figures linguales aérait les différents mouvements de la composition. Béatrice en percevait les nuances, le tempo. Fred maniait les pulsations avec maestria. Un largo en ouverture, un adagio en intermède, un vivace en clôture ; cette musique de chambre ne manquait pas de lyrisme.
Sur la scène impudique, les couples aiment danser ensemble, partager sans mot dire, se donner du vertige. Béatrice aimait la cadence du 69 : un rythme endiablé aux passes interchangeables. Elle s’agenouilla sur le lit, les cuisses légèrement écartées pour accueillir la tête de son amant en leur sein. Lui, avait posé ses mains sur ses fesses. Elle se plia à quatre-vingt-dix degrés. Ses bras suivaient le rail des traits de son buste pour un aiguillage express vers la destination de ses rêves. Elle en distingua le point culminent : un obélisque dressé sur l’esplanade d’un entrejambe. Fred, impatient, était déjà monté dans le train. Il savourait le présent dans l’attente du frisson à venir. Béatrice empoigna son sexe et le masturba dans un massage suave. Fred, réactif, exerçait une pression plus intense en caresses sur son bouton-poussoir : signal de mise à feu de la fusée qui pointait vers le ciel. Béatrice se mit sur orbite pour créer de l’apesanteur. Douceur et délicatesse alimentaient tous les vaisseaux. L’un tourbillonnait autour d’une nébuleuse d’où naquit l’humanité tandis que l’autre en suçait le substrat. La solennité du cérémonial amplifiait les silences ; lesquels laissaient les sens chanter a capella. Ils se dégustaient mutuellement. Chacun recevait en son palais le pouvoir de l’autre. Royal !
La tension, menée à son paroxysme, risquait l’explosion. L’aurore tardait à rhabiller la nuit. Les heures leur appartenaient encore ; ils tenaient à se préserver. Avant de céder du terrain aux marées des jouissances, les deux aventuriers, en parfaits timoniers du plaisir, voguèrent vers d’autres rivages… plus sauvages. Fred, étendu sur le dos, laissa Béatrice s’emparer du gouvernail. Elle planta ses yeux dans les siens et arrima l’amarrage à son port. Mains sur le torse, regard clôt tourné vers le ciel ; elle flairait le nirvana. Elle muait son bassin dans une danse du bas ventre plus épicée que les saveurs pimentées orientales. Elle pilotait sa silhouette en avion de chasse en plein septième ciel pour faire voyager son unique passager. Aérienne, elle planait au-dessus de lui autour des quatre points cardinaux de son désir. Le voyageur se sentait comme en première classe : la vue, le vertige des altitudes, une hôtesse dévouée à ses moindres caprices ; il aurait voulu ne jamais atterrir.
Charismatique, virile, le rôle sexuel du créatif quadragénaire ne se réduisait pas aux postures alanguies. Sa déesse resta sur lui, non plus assise, mais allongée, le dos contre son corps. Elle écarta les jambes, redressa son bassin ; alors qu’il la soutenait par les fesses, il introduisit son membre. Il assaillit sa chatte avec passion et vigueur. Il devenait animal. Ses rugissements, rauques, puissants, imprégnaient l’environnement de testostérone. Sa femelle s’en lécha les babines. Le mâle dominant la marquait de son empreinte. Harponnée, pilonnée, la possédée libéra ses instincts les plus primaires :
— » ahhhhhhhhhhhhhhhh ! Ouiiiiiiiiiiiiii ! Encule-moi ! Plus fooooooort ! Vas — y défonce moi !
L’étalon lui donna le change :
— » Tu aimes ça petite trainée ! Tu vas prendre cher ! T’es trop bonne à baiser. »

L’invitation des mots salaces dans leur cocon, jusque-là douillet, incita Béatrice à oser aller plus loin. En dépit d’une raison édulcorée par des liqueurs libidineuses, son acuité visuelle resta affûtée. Elle détecta le bureau au fond de la chambre. Elle n’hésita pas une seconde :
— Au pieu c’est confortable, mais ça manque d’entrepreneuriat. Prends-moi sur le bureau et travaille-moi au corps ! »
Fred, irréprochable, professionnel, la prit dans ses bras pour l’asseoir sur l’établi de leurs ébats. D’un geste vif, il lui ouvrit les cuisses et la pénétra. La petite cochonne geint. Son collaborateur, zélé, ne rechignait pas à la tâche. Il œuvrait avec entrain. Il tenait à dépasser ses limites, à faire exploser ses objectifs. Il limait sa collègue si violemment que l’acajou massif en trembla. La petite employée d’Adverteasing n’en pouvait plus. Elle exigea d’en finir :
— uyyyyyyyyyy ! Plus foooooort ! Fais-moi jouir ! Maintenant !
Le tombeur livra ses dernières forces dans la bataille par un coup de reins magistral ; lequel acheva cette femelle en rut. Sa cyprine suintait par tous ses pores. Elle se sentait libérée, assouvie, épanouie. Dans un ultime élan d’attention, elle tint à remercier l’auteur de cette campagne réussie par la masturbation de sa bite encore gonflée à bloc. Elle ouvrit la bouche, ferma les yeux et reçut, au visage, un jet de sperme onctueux. Après s’être étalé le lait sur tout le corps, elle pensa :
— « Tu avais raison, mon salop ! La publicité était loin d’être mensongère… je dirais même qu’elle n’était pas à la hauteur de la réelle qualité de ton service… premium selon moi.
Rassasiés, heureux, ils regagnèrent leur couche pour se glisser dans la chaleur de leurs draps. Elle, pelotonnée dans ses bras protecteurs, lui, toujours généreux en caresses. Les premières lueurs de l’aube les empourpraient de sommeil.





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