Tonnerre, Implosion Du Couple


Les yeux remplis de larmes et des images hallucinantes des deux femmes emmêlées dans leur corps à corps voluptueux, les oreilles bourdonnantes de leurs souffles saccadés et de leurs plaintes d’amour, le cœur chaviré, l’esprit embrouillé, je trébuche, rate une marche d’escalier et mon départ. Je me retrouve allongé dans l’entrée entre les tessons du vase renversé dans ma chute. En haut résonnent des pas précipités : Louise apparaît nue en haut de l’escalier et interroge en phrases hachées par l‘essoufflement et la frayeur :
- C’est toi Hervé ? …Tu es tombé ?… Tu as mal ?…
Elle reprend de l’assurance en même temps que son souffle s’apaise et que ses sens se calment. Elle note l’anomalie qui a interrompu ses amours coupables. Elle attaque :
- Mais que fais-tu là ? C’est vendredi, tu n’es pas à la cantine ? Je n’ai pas préparé de repas.
Veut-elle m’éloigner et me renvoyer à mes repas habituels à la cantine pour que je continue à ignorer ses activités amoureuses et pour pouvoir les reprendre afin de terminer son repas à base de cyprine? :
- Mais lève-toi. Comment es-tu là, pourquoi ? Tu aurais pu téléphoner ? J’aurais cuisiné pour toi.
Mon immobilité finit par l’inquiéter, sa voix redevient normale. Louise retrouve une certaine autorité, soulagée
- Me répondras-tu ? Es-tu blessé ?… Comment es-tu tombé ? Tu viens d’arriver ?
Eh ! Oui, cela l’arrangerait que je n’aie rien vu ni entendu de la passion dévorante qui collait les deux tribades bouches à vulves pour leur festin de midi. Cette fois elle espère que je vais me lever et repartir à la cantine. Les caresses, suçons, embrassades, entortillements reprendront si ma présence est de courte durée:
- As-tu oublié quelque chose ce matin ? Pourquoi es-tu revenu ?
Je ne serais que de passage et m’en irais avec le document oublié. Las , la douleur de la chute dure et je reste au sol.
- Veux-tu que je te descende des papiers?
À l’évidence, elle ne m’attendait pas.

Elle se montre serviable, prête à chercher ce que j’ai oublié, à me le remettre et à me renvoyer au travail aussitôt. Ma présence la perturbe gravement. Trop pour qu’elle se rende compte de sa nudité incongrue à cette heure de la journée. Ouf, elle a épuisé en une tirade rapide l’essentiel des questions possibles. Penaud, je tente de me mettre debout. Ma cheville droite est trop douloureuse, j’ai besoin d’aide, je tends la main. Louise dévale enfin l’escalier, m’att sous les bras et me voici debout sur le pied gauche, mes mains appuyées sur les épaules de ma femme nue, au front couvert de sueur, aux lèvres gonflées, porteuse d’odeurs de sexes. Elle s’inquiète de me voir affaibli:
- Alors, tu t’es trompé de jour ? Explique-moi.
Voudra-t-elle me renvoyer d’où je viens sous prétexte que j’ai commis une erreur de date ? Je suis piteux, je me sens trahi et stupide et ma réponse se veut sincère au risque d’être aussi incongrue que sa nudité ou très ridicule dans le contexte actuel. Je n’ai plus rien à perdre, puisque tout est perdu, y compris son amour. Je risque :
- J’ai ressenti une irrésistible envie de te faire l’amour et dès midi je me suis précipité pour venir t’aimer.
J’ai perdu la tête: comment sortir une phrase semblable à une femme
- Mais… il est passé treize heures. Il t’a fallu une heure pour couvrir un trajet de cinq minutes ? Tu ne vas pas bien dans ta tête ? Mais c’est si mignon de changer tes habitudes pour venir embrasser ta femme qui t’aime. Quel détour as-tu fait, tu t’es perdu en route ?
Elle allonge la sauce, blague, ironise gagne du temps et cherche une solution pour limiter les dégâts prévisibles si je suis sérieux. Car le passage par la chambre à coucher devient une étape obligatoire, nous n’avons pas coutume d’ étudier les positions du petit livre rouge sur les marches d’escalier. L’idée soudain m’enchanterait aujourd’hui, mais il y a l’autre bonne femme en haut, dans ma chambre et je tiens à tirer la situation au clair.
Louise aimerait au contraire cacher l’amante et leur attirance sexuelle ou sentimentale. Pour dissimuler leur lesbianisme, elle veut permettre à l’autre femme de retrouver une tenue et une allure plus convenables ? Après quoi elle pourra m’accuser, par exemple, d’avoir suspendu une visite médicale complète et très sérieuse.
Ce petit jeu du chat et de la souris me fatigue, j’ai mal au pied, j’en oublie l’idée d’expérimenter un coït scabreux dans l’escalier entre les tessons du vase. Ce serait risqué en présence d’une témoin dont le saphisme ne tolérerait peut-être pas nos ébats sexuels ? La femme encore cachée vient de mettre le sang de Louise en ébullition. Elle pourrait se sentir frustrée de constater que le mari tire les bénéfices de la préparation de l’amante. Qui sait ce que pourrait lui inspirer la voix de ma femme au moment de l’orgasme; jusqu’à présent Louise a toujours été très démonstrative. Feignait-elle le plaisir dans le but de cacher sa double vie? Tant pis, je veux la vérité et je reprends la main sans ménagement. Louise se moquait en disant:
-Quel détour as-tu fait, tu t’es perdu en route ?
Ma réponse est sans détour, directe et franche :
-Oh !, Je me suis longuement arrêté devant une porte entrouverte, la porte de notre chambre. Les embrassades de deux femmes m’ont troublé. Le spectacle beau et révoltant à la fois m’a bouleversé, j’ai tremblé sur mes jambes, elles ont flageolé et je me suis tordu la cheville.
Louise s’étouffe, ravale la série de questions suivantes, me soupèse, le regard égaré, met sa main devant sa bouche et devient écarlate puis blanche, tremble et bafouille :
- Devant la porte de notre chambre ? Tu… tu… as regardé… tu as vu ? Tu m’as vue, toute nue ?
- Ce n’est pas nouveau, tu es ma femme, faut-il le rappeler ? Oui, j’ai vu, je t’ai vue toute nue, je vous ai vues toutes les deux, nues toutes les deux et …
- Ah ! Et tu n’as rien dit, tu as regardé… Alors tu sais, tu sais… ? Mais comment es-tu tombé ? Ton vase grec, tu as cassé ton vase ! Et toi tu n’as rien de cassé ?
— Non, ça ira.


Ah ! Je viens juste après le vase. Mais je me fous du vase. En moi quelque chose est cassé, quelque chose d’indéfinissable et d‘infiniment plus délicat : un sentiment, une image, un instant de vie. Ma vie soudain ressemble à ce vase en morceaux. Un monde vient de basculer. Pourquoi cette diablesse de stagiaire m’a-t-elle excité par sa tenue et ses propos ? Savait-elle ce qui se passait chez moi ? Mon désir brutal de faire l’amour n’était-il pas un subterfuge pour satisfaire ma curiosité et pour chasser le soupçon. L’idée d’avoir une femme lesbienne m’était insupportable ; il fallait que je sache, que je vérifie immédiatement. C’est fait!
La conclusion s’impose, je suis confronté à un cas d’homosexualité féminine avéré. Ne pas se rendre à l’évidence serait stupide. Je me sens « en trop » chez moi, rejeté, abandonné, remplacé.
Pourquoi ma Louise serait-elle plus lesbienne un vendredi à midi que n’importe quel jour de la semaine, à n’importe quelle heure? Les mamours auraient-ils des cadres précis ? Lesbienne un jour, lesbienne toujours ! C’est un sacré coup de tonnerre ! Si je voulais savoir, j‘ai été servi, je suis assommé par la révélation inattendue.Je n’avais jamais connu le doute. Notre vie sexuelle me paraissait normale et satisfaisante. Nos rapports sexuels réguliers assez fougueux faisaient de moi un mari comblé. Louise n’y trouvait donc pas l’épanouissement qu’elle en attendait ? Elle n’en avait pas parlé et avait résolu le problème à sa manière, en secret. UN tel secret pouvait-il durer ? Un mariage pouvait-il survivre à sa découverte?
« Lesbienne, nous le sommes toutes un peu » m‘avait soufflé Chloé. Qu’en savait-elle, ma jeune stagiaire et pourquoi m’avait-elle envoyé ce message. Voulait-elle m’ouvrir les yeux. ? Lesbienne un peu ? Ou beaucoup ? Qu’est-ce que ça signifiait ? Je dois avoir l’air ahuri, plongé dans mes réflexions. Je suis incapable de trouver une idée, une façon de me sortir de cette situation abracadabrante. Je plane sur nuage d’orage, debout sur ma seule patte valide, comme un échassier, appuyé en déséquilibre sur la traîtresse venue me relever.
Louise se reprend et rompt le long silence, parce que pour elle comme pour moi, rien ne va plus. Sans cette petite diablesse de Chloé, nous aurions pu fêter un jour des noces d’or ou de diamant. Je ne pensais pas découvrir ce secret, Louise ne s’attendait pas à être surprise . Tout baignait dans l’huile et patatras nous sommes dans la … le caca.
Louise se sent fautive et s’interroge sur notre avenir compromis
- Que fais-tu ?
Pour éviter de penser, il faut « faire » , se perdre dans l’action. Ne plus réfléchir simplifierait tout. Que faire ? Que veut-elle que je fasse ? Je suis désarmé, le cœur en marmelade, la tête vide, mais chargée de ces images de femmes qui se gougnottent : nez enfouis dans les sexes, serrées en vrille, gémissant de plaisir après des avalanches de baisers depuis les lèvres de la bouche jusqu’à celles toutes enflées de la vulve. Deux femmes ; ma femme !
- Je ne sais pas. Je m’en allais.
- Sans rien dire, comme un voleur. Tu ne m’aimes donc plus ? Tu t’en fiches ? Tu laisses faire et tu te sauves ? Mais dis quelque chose, crie, hurle, frappe-moi !
- Non ! Oui, mais tu vois, je ne tiens plus debout. Je ne sais pas, je ne sais plus… je…
- J’ai compris. Dans le fond, ça me soulage. Je ne savais pas comment te le dire. Tu as vu et tu sais : finalement c’est mieux comme ça. Allez, monte, je vais te soigner et je vais t‘expliquer. Je te dirai tout. Tu dois comprendre… Tu verras, ça va aller. Nora, viens m’aider. Nora !

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