Dialogues Interdits - Épisode 1 - Effrayant Derrière

"Dialogues Interdits" est une série de dialogues entre deux protagonistes, dont les épisodes peuvent se lire en quelque sens que ce soit. Retranscriptions fictives de conversations à faire rougir les passants...

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– Il me va vraiment bien ce jean. Faut que je pense à me changer avant le repas.
– Pourquoi ?
– Je passe voir mes parents ce soir.
– Ils sont vieux jeu comme ça ? Jusqu’à ne pas accepter que tu mettes un peu le bas en avant ?
– L’arrière, plutôt. « L’arrière en avant », si j’ose dire ! C’est toujours mieux qu’ils me voient avec un habit féminin sans être top minette. Une robe bien froufroutante qui cache un peu, par exemple. Mon père m’a toujours dit que j’avais un cul effrayant.
– …Tu plaisantes, ou bien il t’a vraiment dit ça ?
– Il me l’a vraiment dit.
– Dans quel contexte ?
– « On achète un autre modèle… avec le cul effrayant que tu as, je préfère ».
– Ça ne t’a pas traumatisé ?
– Ça m’a fait rire. Il l’a dit avec son air d'éternel pince-sans-rire, de cet air dont on ne sait jamais si c’est du lard ou du cochon. Il était sérieux, ça ne se voyait pas.
– Il y a longtemps de cela ?
– La première fois, je devais avoir une dizaine d’années. Je sais pas pourquoi c’est sorti à ce moment-là, ça a dû lui échapper. C’était lorsque je faisais des essayages de maillots, en magasins. Les grandes essayaient par-dessus les vêtements, moi je profitais de mon statut d’innocente petite pour tout enlever puis enfiler le vêtement de plage dans la cabine.
– Tant que c’était dans la cabine…
– Tu penses bien que je sortais ensuite pour me zyeuter en pied dans le grand miroir ! J’étais trop espiègle pour m’en passer.
– Pour te passer des regards que ça attirait ?
– Oh, faut pas voir le mal partout… C’était surtout des regards amusés ou attendris.
– Tu fermais le rideau de la cabine, au moins ?
– Sois sûr que papa restait devant à faire le guet avec le rideau bien fermé.


– C’est ton père qui voyait le mal partout, si j’ai bien compris.
– Au point qu’il voulait un maillot qui me moule pas trop.
– Le problème c’est qu’un maillot moulant, c’est un pléonasme.
– On a fini par en trouver un au tissu un peu plus épais et un peu moins près du corps qu’un autre. Là ça lui allait. J’étais assez déçue, ment.
– Il voulait te protéger.
– Maman m’a confié que mon derrière l’inquiétait depuis longtemps. Faut dire que j’en ai un magnifique depuis mes cinq ou six ans. Peut-être même avant. Je situe par rapport à l’âge où je m’en suis aperçue.
– T’es douée ! Si jeune, généralement on n’a pas le sens du beau.
– Si tu voyais ce que je gribouillais à l’époque, tu en aurais eu confirmation. Et j’étais capable de trouver beau une plaque d’égout rouillée. Pour les derrières par contre, j’ai toujours été très précoce. Étrange de l’être sur un seul point et sur aucun autre !
– Tu es trop dure avec toi-même… tu AVAIS le sens du beau. Ne pas l’avoir, c’est être un daltonien de l’esthétique : c’est ne pas savoir ce qui peut être beau ou être laid, et croire que telle chose est belle du moment où on vous dit qu’elle est belle. Comme ces collectionneurs d’art qui vont adorer un monochrome tout noir de Pierre Soulages. Si tu pouvais trouver beau une bouche d’égout, c’est que tu avais une conscience.
– Avec des goûts particuliers, alors.
– Des goûts tout de même.
– Je suis pas convaincue… sauf pour les derrières. Pour ça, oui j’ai un sens quasi artistique depuis ma plus tendre enfance. C’est de famille, je suppose ! Ma tante avait un arrière-train énorme. Ma grand-mère, un tout cambré. Ma mère, un tout rond. Chez les miens, les nanas, c’est plus fort que toi : ton regard sera plus attiré par leur cul que leurs yeux. Et même pas ment par désir sexuel : c’est juste tellement spectaculaire que tu peux pas faire autrement. Un peu comme un objet de curiosité, un peu comme quand tu vois une personne à deux têtes et que tu n’arrives pas à faire autrement que mater.

– Parce que tu vois souvent des personnes à deux têtes, toi ?
– C’était un exemple à la con.
– Ton derrière à toi est un peu pareil : on louche beaucoup dessus. J’avoue que moi-même j’y ai souvent porté le regard, et sans la moindre envie de me le cogner.
– J’aime autant.
– C’est presque complexant !
– T’aurais bien tort. Ta lune est tout aussi belle que la mienne, seulement la convention sociale y adhère un peu moins. Question d’époque. La tienne est à la mode Brigitte Bardot.
– L’actuelle ou l’ancienne ?
– La B.B. du temps de Saint Tropez, évidemment ! Un peu joufflu et en chair. Franchement adorable… tout un tas de types aiment encore, par contre ce n’est plus la majorité. Du temps des années soixante, tu aurais fait des ravages. Si ça se trouve, dans quelques décennies ça aura encore changé. Qui sait si ça sera pas redevenu comme avant ? On dit que les modes, c’est plus des cycles qu’une vraie évolution. On croit que tel nouveau courant est du jamais vu, alors que c’est juste un ancien courant qui revient.
– La mode… on emploie ce terme pour parler de vêtements.
– La mode fonctionne pour tout ! Pour le bronzage, les seins, le grain de la peau, les cheveux. Concernant le bas, elle est aux minous rasés et aux popotins en petites collines rebondies.
– En fait, ton père craignait que ton cul te fasse devenir catin.
– Je dirais plutôt qu’il avait peur des agressions. Ou bien que les mauvais garçons me tournent autour ?
– Un cul pareil ne fait aucune discrimination : TOUS les garçons sont amenés à tourner autour, les mauvais comme les bons. Tu es un site de rencontres à toi toute seule. Tu vois arriver, tu sélectionnes, tu fais l’élitiste et tu ne gardes que le un pourcent qui t’intéresse.
– Au final c’est un peu ce que je fais, oui.
– Et ton père a continué à vouloir te protéger ?
– Ce terme de « cul effrayant » est devenu un runing gag, entre lui et moi. Maman n’aimait pas ! Ce n’était que de l’humour, mais malgré tout je le sentais inquiet.
Quelques semaines après, j’y ai réfléchis et j’ai compris que ce qu’il m’avait dit ce jour-là au magasin était sincère. J’ai aussi compris pourquoi il m’achetait toujours des fringues aussi larges.
– Et tu acceptais facilement ?
– J’avais conscience de mes formes sans avoir conscience de l’attrait qu’elles pourraient avoir. Et consciente ou non, je me suis longtemps foutue de l’attirance que ça pouvait amener.
– Ça a bien changé.
– Je m’en suis aperçue peu à peu, et pendant longtemps ça m’a fait marrer. Je n’ai commencé à trouver ça excitant que bien plus tard.
– Est-ce que ton père a eu tort de s’en faire ?
– Sur le coup, on en veut toujours aux parents. Après coup on leur pardonne et on les comprend. Jusqu’à mon adolescence, j’étais en baggy, t-shirt XL et casquette. Pourtant, Dieu sait si papa détestait la culture hip-hop !
– Il t’a fait adopter ce look par amour pour toi. Comme c’est chou…
– J’ai pas été dupe éternellement. À partir d’un certain âge tu penses bien, je me suis mise à sortir avec du moulant.
– Il te donnait le droit d’en acheter ?
– Au début, j’ai carrément appris la couture pour faire des retouches sur certaines fringues. Puis j’avais aussi mes petites techniques. Remonter le futal le plus haut possible, serrer le nœud à fond. Tout ce que je pouvais pour que la forme se dessine au moins un tout petit peu.
– Les parents devraient comprendre que plus ils en font, plus on fait le contraire. Par opposition.
– En partie, oui. Pas seulement ! Je me suis aussi mise à mieux considérer mon cul. À l’aimer… au fond, j’en ai été la première fan ! Puis, voir toutes ces œillades, au final c’était drôlement chouette.
– Il avait peur que ça te rende superficielle. Les filles qui attirent trop de mecs et trop tôt ont tendance à le devenir.
– Vu que je ne pouvais pas toujours sortir avec du moulant, je suis arrivée à passer le cap. J’avoue que c’était très net : les jours de moulant, je me baladais dans la rue ou je sortais avec un garçon.
Les jours de baggy, j’allais bûcher à la bibliothèque ou me faire une expo.
– Donc il a bien agi !
– Tout compte fait, je dirais que oui. Pas étonnant qu’il ait un avis pertinent sur la question. Les derrières, papa, il en connaît un rayon. Je le soupçonne d’en avoir beaucoup palpé, et pas que du temps où il était célibataire.
– Un spécialiste des fesses ?
– Un vrai pro. Et en ce sens, son inquiétude était presque une sorte de déformation professionnelle. Un peu comme les producteurs de pornos terrorisés à l’idée que leur progéniture se lance un jour dans le porno. En plus à la maison, il voyait bien que mon corps changeait et devenait de plus en plus attirant. Les rideaux il ne les fermait pas que dans les cabines d’essayages, il fermait aussi tout le temps ceux du salon et de ma chambre.
– C’était exagéré.
– Pas tant que ça ! Quand je sortais de la salle de bain, ou même parfois quand il faisait très chaud… je ne portais pas ment de vêtements. Pourtant je t’assure, sans aucune idée derrière la tête.
– Est-ce qu’il a fini par abandonné la partie ?
– Disons que c’est devenu de plus en plus léger. Des touches d’humour quasi nostalgiques. « Tu pourrais sortir sans ton cul ? Je serais rassuré ». Des idioties comme ça. Ça m’a toujours fait beaucoup rire. À dix ans, l’âge où on rigole dès qu’on entend le mot « cul » c’était normal. Aujourd’hui à plus du double, les piques de papa me font toujours autant rigoler.
– Donc tu as quand même pu t’acheter ce que tu as voulu en étant ado ?
– Pas tout à fait. L’ouverture est venue de l’autre bord : maman. À force d’insistance, elle a cédé. Et m’a offert du… moins large.
– Normal. Instinct maternel !
– Comment ça ?
– Elle a l’instinct de te considérer comme une femme qui cherchera tôt ou tard à assurer sa descendance, et donc à présenter des arguments aux candidats potentiels.
– Hum ! Des candidats potentiels il y en a eu un paquet, sans que j’ai à assurer ma descendance pour autant.
– Ton père est rassuré, aujourd’hui ?
– Oui et non. Au fond de lui, il a toujours la trouille que je tourne mal, que je fasse n’importe quoi de mon corps. L’autre jour, je suis rentrée tout courbaturé de l’équitation. J’avais testé le double galop et le saut pour la première fois. Je suis allée m’affaler dans mon lit en boitant, en m’allongeant sur le ventre, sans même pouvoir m’asseoir. Tu aurais vu ses yeux catastrophés !
– Tu as chassé ses craintes, j’espère.
– Je lui ai juste dit ce que j’avais fait au cheval aujourd’hui. J’aurais rêvé de pouvoir lui dire « mais non papa ! Je ne viens pas de me faire sodomiser par six types d’affilé. Je l’ai déjà fait il y a des semaines et j’y suis allé tout en douceur, ce soir-là tu n’as rien remarqué et a accepté sans broncher que j’étais allée réviser mes partiels à onze heures du soir ».

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