Après Le Festin

Le grand feu crépitant dans le foyer de pierre
Eveille les échos des voûtes qu’il éclaire,
Et rythme du reflet de ses ors chaleureux
L’ascension des piliers, dressés, fins, vers les cieux.

La grand table se perd dans l’ombre de la salle.
Un chandelier éteint, quelques fruits s’y étalent,
Dans la nappe tombante un lévrier s’endort.
Le festin terminé, même l’air semble mort.

Un tintement de corde aussi doux que la nuit,
Suivi d’un lent arpège, se risque sans bruit.
La flambée oscillante donnant la mesure
Encourage le pas de sa mélodie pure.

Dans la chaise du maître est assis le seigneur.
Tout son corps délassé s’adonne à la douceur
Des accords que le page, assis près de ses pieds,
Forme note après note en de lents déliés.

Ils sont seuls et tout dort. La musique se tait.
Déposant l’instrument dont le son les charmait,
Le page se retourne et contemple à genoux,
Son seigneur dont les traits lui paraissent plus doux.

Il ouvre l’oeil et voit l’écuyer qui l’adore.
Un sourire adoucit son dur visage encore.
L’amour y jette un charme et le feu des lueurs
Qui rendent plus amène son air de lutteur.

Un geste de son doigt parle à l’adolescent
Qui se glisse, à genoux, tout contre le géant.
Il semble si chétif entre ses jambes épaisses
Que le seigneur, un peu malgré lui, se baisse.

D’une main rude comme un gant de cuir épais,
Mais douce comme une aile esquissant un envol,
Il caresse la joue imberbe au teint parfait,
Où déjà point le rouge qui s’affole.

L’audace naît au feu de ce premier toucher.
Remontant peu à peu, les mains de l’écuyer
Sont venues caresser les deux cuisses noueuses,
Glissant à reculons vers la contrée heureuse.

Le voyage des doigts sur ses jambes charnues
Enivre le seigneur qui soupire, éperdu.


Déjà, sans y toucher, son paquet géniteur
A déformé le tissu dissimulateur.

A cette vue, l’envie luit dans l’oeil du garçon.
Moins timide, il y pose une main, un suçon,
Fait si bien que la bosse a doublé de volume
Et se pare en son bout d’une pointe d’écume.

Le maître n’en peut plus de mouiller dans ses braies.
Délivrant sa fierté en tirant un lacet,
Il offre à l’écuyer sa glorieuse pâture :
Un épieu turgescent, faveur de la nature.

Sans délai, notre page, d’une langue adroite,
Pourvoit moult attentions à cette hampe droite,
Et fait briller sa chair épaisse et bien veinée
D’une humide salive et de succions variées.

Alors que de son œuvre il attendait le fruit,
Le chevalier soudain s’est retiré de lui.
Il veut lui faire don d’un plaisir à son tour.
Il se lève et défait un à un ses atours.

Le voici nu, brillant de l’éclat de la flamme,
Corps sculpté par les dieux, ses combats et son âme.
On y lit la bravoure, la valeur guerrière,
Et la proportion cachée de l’univers.

Le page fasciné s’est aussi dévêtu.
Son corps souple et imberbe a lui, blanc. Il s’est tu,
Attendant le désir de son maître adoré.
Les deux perfections mâles se sont toisées.

Alors le chevalier étreint l’éphèbe amant.
Leurs corps se pressent et tombent, emmêlés, haletants,
Sur les dalles de pierre que des peaux tapissent.
Les fourrures soyeuses accueillent leurs peaux lisses.

Le seigneur s’est glissé à la fourche du page.
Après quelques faveurs de sa bouche à son vit,
Il est allé chercher le trésor interdit,
Le puits rose d’amour au vallon de l’ombrage.

Il l’a trouvé, logé entre deux rondes fesses.
Sa langue s’abandonne en lascives caresses,
Sillonne la tranchée d’un soc humide et chaud,
Appuie sur l’humble oeillet qui s’offre à ses assauts.


De courts gémissements accompagnent le viol
De son intimité, frémissante corolle,
Mais le page est aux anges et bénit son seigneur
De ses attentions vouées à son bonheur.

Le trou, amadoué, s’ouvre déjà sans peine.
La langue y glisse à l’aise. Un doigt s’y fraie la voie.
A force de salive il passe et rien ne freine.
C’est au vit qu’il revient de passer cette fois.

Allongé sur le dos, le page, subjugué,
Admire le géant qui va le pénétrer :
Mâchoire décidée, traits durs, cou de taureau,
Epaules déployées, poitrine de héros,

Larges tétons brunis saillants du pectoral,
Monts et vaux prononcés, royaume abdominal,
Taille solide et mince où naissent les chemins
Des deux plis qui de l’aine encadrent le jardin.

Enfin, le point de fuite où ces beautés convergent :
Dressée comme une tour, la glorieuse verge.
Dure, ronde et brillante, il la voit approcher,
Puis sent le gland du maître à sa porte appuyer.

L’accueil bien préparé laisse entrer l’amoureux
Qui, d’aller en retour, s’enfonce peu à peu.
Bientôt le mât de chair a conclu ses avances
Et reçoit de l’anus la pleine obéissance.

O délice ! O faveur de connaître l’assaut
Si viril de son maître et seigneur à nouveau !
Le page s’abandonne à la pénétration,
Sans pouvoir retenir les cris de sa passion.

A ses lascives plaintes échappées du plaisir
Il mêle quelques cris que la violence tire.
Le guerrier, enflammé, ne retient plus ses coups ;
De furieux élans font claquer les corps mous,

De rauques grondements rythment l’acte du rut.
Musique comparable à la beauté du luth
Pour les deux musiciens qui jouent à l’unisson :
Pas un ne renierait cette mâle chanson.

Le chevalier retourne à présent le garçon.
Le voici, comme un chien, présentant sans façon
Sa désirable fente au maître de ces lieux.

Lui reprend aussitôt son plaisir laborieux.

Ses hanches, sans faiblir, assènent violemment
Des coups dignes d’Hercule enculant ses amants.
Mais le bel Iolaos a trouvé son égal
Et ses fesses musclées lui font un vrai régal.

Les flammes ondoyant dans le foyer sans âge
Font luire les corps des deux hommes en nage.
On eût dit, dans le clair-obscur de la grand salle,
Des serpents cuivrés ondulant sur les dalles.

Les deux corps en bataille accentuent leurs secousses.
L’un se cambre plus fort et l’autre plus fort pousse.
L’épée plus violemment pénètre son fourreau :
L’issue n’est plus très loin pour ce combat nouveau.

Les cris se sont unis. De grands « Ah ! » se succèdent,
A force de plaisir, il faut bien qu’ils lui cèdent.
Le guerrier, le premier, se crispe sur sa proie,
Muscles bandés, et pousse une dernière fois.

Alors, éblouissant sa vue comme un soleil,
L’orgasme se saisit de son corps sans pareil.
Il jouit, expulsant dans le corps qu’il empale,
Le nectar qui jaillit de sa hampe royale.

De longs jets gratifient le canal accueillant,
Qui reçoit quelques coups encor du dominant.
Tout tremblant de jouissance, le guerrier termine
D’éventrer le fessier qui enserre sa pine.

Le torse de l’athlète est tombé sur le dos
De l’éphèbe comblé de ce pesant fardeau.
Les muscles du colosse épousent ses courbures,
Bien fermes au fessier, douces à l’encolure.

Le maître se redresse et sourit au garçon.
Il l’allonge à présent près du foyer profond,
Caresse d’une main le tendre sodomite,
Et de l’autre son membre érigé qui palpite.

Masturbé par la main de son seigneur chéri,
Le page s’abandonne à ce plaisir gratuit.
Le rugueux instrument de maint combat mortel
Pour lui s’est rendu doux comme une jouvencelle.

Les doigts du chevalier glissent sur l’étendue
Du corps svelte et flexible exposant sa peau nue.

Ils massent doucement la bourse précieuse
Et lissent la colonne aux formes orgueilleuses.

D’un index amateur le maître lubrifie
Le gland décalotté. Celui-ci, nu, rougit,
Tandis qu’avec douceur, le doigt de la justice
Se plie à faire jouir le grand sceptre du vice.

Il s’applique à tracer des ronds réguliers
Sur les creux, les sommets, les pleins et les déliés
Du joli gland rubis brillant de pré-semence,
Tandis que l’autre main sur le mât fait sa danse.

L’adolescent frémit à chaque sensation,
Son corps se tend, sursaute, pris de déraison,
Sa bouche laisse aller des cris de joie surpris,
Ses doigts dans la fourrure se cherchent un appui.

Au savoir de ses mains le maître joint sa bouche
Et prodigue à l’amant les plus habiles touches,
Si bien que le jeune homme, oubliant tout son corps,
Croit ne plus rien sentir que dans son sexe encore.

Le travail amoureux du seigneur du château
Assiégeant le donjon de ses tendres assauts
Semble porter ses fruits, car l’ennemi en transe,
Se rend et ne peut plus retenir sa jouissance.

Cambré comme un danseur, chaque muscle tendu,
Le page tend au ciel, en un sublime U,
Le sommet de son être en ce moment vivant,
Son membre saturé de plaisir et de sang.

Un dernier coup de langue achève le supplice :
Un soubresaut arrache le trophée du vice,
Un cri rauque accomplit l’offrande qui s’opère,
Un coup de reins violent féconde l’atmosphère.

Six jets de lourd liquide ont jailli dans les airs.
L’un fuse et va tacher le grand linteau de pierre,
L’un vole dans le feu jubilant d’étincelles,
L’un saute en une coupe oubliée d’hydromel,

L’un va dans la fourrure étalée d’un ourson,
L’un finit sur les propres lèvres du garçon,
Et le dernier, guetté par le maître amoureux,
Achève sur sa langue un bond moins audacieux.

Les échos de la salle à présent se sont tus.
Le feu diminuant, une ombre bienvenue
Jette un voile oublieux sur les deux corps étreints,
Glissant dans le sommeil et le repos divin.

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