Laure Et Aurelie 2


Nous nageons côte à côte, Laure s’amuse à frôler ma jambe de la sienne comme par inadvertance, disparaît sous l’eau, passe sous mon ventre et réapparaît de l’autre côté en m’éclaboussant dans un grand éclat de rire. Elle semble heureuse, vient contre moi, à la verticale, fait du sur place, lance ses bras autour de mon cou et bat des pieds. Ma conquête : non, je suis la sienne. Elle rit, me fixe dans les yeux pendant que son corps quasi nu entre en contact avec le mien couvert d’un simple maillot. Un de ses bras a relâché mon cou, sa main explore mes pectoraux en une caresse tendre. Heureusement, elle n’ose pas vérifier plus bas l’effet de son contact sur ma virilité. Point n’est besoin, elle sait et se contente de me voler un rapide baiser sur la bouche avant de disparaître dans une gerbe d’eau.

Deux bodybuilders en démonstration devant la gent féminine de la piscine, et sans doute en quête d’une bonne fortune, l’entourent et la font dévier vers un coin du bassin. Leur intention est claire, ils vont la coincer et marchander sa liberté. Une nouvelle fois elle plonge sous l’eau et leur échappe, réapparaît en criant mon prénom pour se précipiter dans mes bras. Les deux types penauds devront changer de cible.

— Alors, tu aimes ? On est bien ici. Je suis si bien avec toi. Tu vas me manquer. Quand auras-tu ta prochaine permission ? Un petit bisou ?

Pourquoi demande-t-elle si elle n’attend pas la réponse ? Pourquoi dit-elle petit bisou pour dépeindre ce baiser passionné aux effets dévastateurs sous la ceinture. Ce corps magnifique, dont les jambes s’agitent contre les miennes pour demeurer tête hors de l’eau, agit sur moi comme un révélateur. Rien à voir avec des érections matinales, je ne sors pas d’un rêve érotique, j’en vis un, grandeur nature. Il y a quelques heures j’ignorais tout d’elle ; je suis en train de rattr mon retard. Ma vue et mon toucher ont été mis à contribution et mon cœur bat à vitesse accélérée.

Il faut le constater, je n’ai pas pris la fuite.

— Si tu veux m’emmener au cinéma, tu devras te tenir à distance, sinon je ne pourrai pas sortir de l’eau.

Elle est satisfaite, pouffe de rire et soulève une nouvelle gerbe d’eau qui se déplace en rond autour de moi.

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Moi, le taciturne, comment suis-je capable de faire sauter de joie à mon bras cette vive jeune fille ? Elle extériorise son plaisir par des bonds de cabri et des éclats de rire entre deux baisers. Je suis débordé, heureux de me laisser faire, pas mécontent d’être mené plus que meneur, étonné quand même de l’enthousiasme communicatif de ma compagne. Je suis sa chose, sa conquête, elle m’exhibe, rit fort pour attirer l’attention et les regards. Je joue le jeu, parade comme un paon puisqu’elle y prend plaisir, ris de ses facéties et reçois avec de plus en plus de plaisir ses marques d’affection. Dans quelle aventure me suis-je embarqué ?

Petit bisou pour ci, petit bisou pour ça, halte face à face, sur place debout pour petit bisou dans le cou, sur les yeux, sur le bout du nez, sur le menton avec aboutissement invariable sur la bouche. Et toujours ce regard à la fois curieux de mes réactions et satisfait de me voir progresser dans ce jeu de séduction. Pour elle je suis l’enjeu. Mais à me laisser faire, je sens qu’elle manie une lame à double tranchant. Laure elle-même se donne autant qu’elle prend. C’est comme un piège se refermant sur nous, un piège aux mâchoires de velours. Nous le sentons et nous l’aimons. Nous sommes maintenant deux prisonniers volontaires d’un jeu de plus en plus sérieux et de plus en plus envoûtant.

Laure a choisi nos places à l’écart des quelques spectateurs, au dernier rang de ce balcon. La lumière s’est éteinte.

- Adrien, ça va, tu es bien installé ? Tu vois bien l’écran, Adrien ? Adrien, tu es content ? Tu es heureux d’être près de moi, Adrien ?

De banalité en banalité, elle a pris ma main, elle a penché sa tête parfumée au sortir de l’eau chlorée, d’un parfum doux mais frais, elle a levé les yeux à la recherche des miens, a baisé ma main, a relevé ses yeux, a murmuré un timide, tout timide, tout premier « je t’aime Adrien » et s’est retrouvée assise sur mes genoux, bras enserrant ma tête et lèvres collées aux miennes.
Depuis quelques minutes j’avais été sevré de petits bisous. Mais cette fois dans la pénombre, j’apprends ce qu’est un vrai baiser rythmé par la musique sirupeuse du film. Assurément elle possède un savoir faire bien supérieur au mien. Entre deux prises d’air rapides, nous restons bouches cousues l’une à l’autre.

J’essaie de l’imiter afin de ne pas paraître trop inexpérimenté. Elle avait atterri en amazone sur mes jambes. Pour m’embrasser elle vrille son torse, j’ai une main dans sa permanente et l’autre dans son dos, un doigt sur le lien du soutien-gorge : je veux assurer son équilibre mais aussi lui montrer mon désir de participer au partage du plaisir. Comme une anguille, elle échappe à l’étreinte et se retrouve à califourchon sur mes cuisses, pose ses mains sur mes oreilles et reprend possession de mes lèvres avec une ardeur renouvelée, dos tourné à l’écran.

Dans ma tête un ange souffle « ça ne se fait pas le premier jour » et un démon me susurre « carpe diem ». C’est trop bon, je cède au petit diable. Laure a senti tomber mes résistances, elle pousse son avantage, bloque ma tête, entrouvre ses lèvres et envoie juste entre les miennes la pointe d’une langue habile. Ça chatouille, je cède un passage, la pointe est passée, le reste suit. C’est encore une première. Elle ne cesse de m’étonner. Langue contre langue, dans ma bouche envahie, se livre un délicieux combat.

Ma langue tente de limiter l’invasion, la sienne se glisse entre dents et joues, visite l’intérieur de mes lèvres, déclenche des frissons, pousse contre la mienne, se glisse dessous, dessus, part à l’assaut de mes amygdales, en mouvement perpétuel. Je me révolte, résiste, lutte avec rage, repousse sa langue, la poursuit jusque dans sa bouche et m’y livre aux investigations apprises la minute précédente, je goûte à sa salive, je m’en enivre à mon tour. Mes mains ont glissé de son dos, saisissent involontairement des chairs douces, j’englobe ses seins, je les malaxe longuement, avant de me rendre compte que je suis en train de faire ce « qui ne se fait pas le premier jour ».
À l’ange qui désapprouve c’est Laure qui répond « c’est bon, n’arrête pas »

Elle doit avoir décidé d’emporter la décision dès le premier jour. Avec habileté elle a fait sauter les boutons de sa blouse, dégagé ses deux seins et les a livrés à mes mains impatientes. Le baiser est interrompu pour me donner librement accès à sa poitrine. Suis-je trop lent ? Sa main saisit ma nuque, tire ma tête, guide mes lèvres sur un sein. Je suis le nourrisson, je roule entre mes lèvres la pointe durcie du téton, je tète doucement. Laure étouffe un gémissement, appuie sur ma nuque. Elle a deux seins, je dois au deuxième le même hommage curieux. Cette mise en appétit me fait perdre tous mes complexes, ma succion assumée, je me rends compte du résultat de l’accumulation de découvertes et sensations : au bas de mon ventre, l’arc s’est tendu, la flèche veut s’évader.

- « Chéri, c’est si bon », dit la bouche brûlante à mon oreille. Laure m’apprend qu’à son grand désespoir, elle est réglée. La petite ficelle qui sortait du maillot m’avait renseigné. Mais si je permets ou si je veux, elle peut m’apporter un soulagement manuel ou oral. Je vous livre le contenu brut de périphrases prudentes destinées à suggérer plus qu’à affirmer, très bizarres en comparaison des actes auxquels nous nous livrons depuis le début du film. Je reprends goulûment la bouche et je perfectionne avec conviction l’art du baiser. C’est bon et cela réduit au silence la tentatrice pleine de ressources. Il ne faut pas confondre silence et inaction, je l’apprends quand une main vient taquiner la révolution dans mon pantalon. Cette fois, elle va causer des dégâts ! Je trouve enfin une once d’énergie pour réclamer de meilleures conditions pour un acte aussi important.

Pour qu’elle cède, elle doit avoir entendu non un refus, mais la promesse d’une rencontre future, en somme la réponse attendue depuis son dépôt de candidature. Battre le fer quand il est chaud, elle s’y entend. J’ai été bousculé par une tornade, j’y ai pris mon plaisir et oublié mes plans.
Heureusement je suis sauvé par son indisponibilité temporaire. Elle accepte un repas du soir dans un restaurant qui va me coûter mes dernières économies, elle n’a pas besoin de le savoir. Je vais avoir au moins un mois devant moi pour remettre de l’ordre dans mes idées et renflouer mon porte-monnaie à coup de restrictions des dépenses.

A table nous nous regardons, nous échangeons nos vues sur le mariage, sur la fidélité dans un couple : en tout point elle partage mes idées. Que je ne m’inquiète pas, telle Pénélope elle attendra son Ulysse, et pour commencer elle va annuler toutes les sorties prévues pour m’attendre sagement. Je m’insurge, la fidélité est une disposition du cœur, je serais malheureux de la priver de saines distractions ou de la fréquentation de ses amis. L’attente ne doit pas être un carême de quatre années. Elle devra continuer à vivre normalement, peut-être connaître des tentations et mesurer sa capacité de résistance. Je m’appliquerai la même règle si à ma prochaine permission je prends un engagement envers elle. Il est possible que l’un ou l’autre change d’avis en une période aussi longue, je m’engage dès l’instant présent à l’en informer immédiatement et lui réclame la même clarté.

Je ne demande à personne de partager mes opinions. La fille qui ne sera pas d’accord passera son chemin. Je suis tombé sur la perle rare si j’en crois Laure. Nous nous quittons avec difficulté. Au départ, demain après-midi, j’irai l’embrasser une dernière fois, c’est promis.

Elle monte dans ma voiture pour m’embrasser hors de la vue de sa famille, à proximité de l’autoroute. Elle me redit son amour, son impatience de se donner entièrement à moi, son désir de se fiancer officiellement le plus rapidement possible. Il lui tarde de connaître ma décision. Je propose de faire demi-tour et de la déposer en ville. Elle préfère rentrer en marchant et en rêvant de nous. Un dernier baiser persuasif pour la route et va.

J’ai surpris Gérard, mon collègue aspirant, en lui racontant avec enthousiasme cette belle rencontre. Nous avons entrepris de préparer nos sections aux grandes manœuvres proches. Le jeudi, je n’ai pas pu m’empêcher de lui montrer la lettre de déclaration enflammée postée le lundi matin par Laure. Spontanément, le vendredi matin, il m’a proposé d’assurer mon tour de permanence du week-end et m’a suggéré de demander une permission exceptionnelle de 48 heures. Le colonel m’a regardé avec un sourire entendu sans me demander de préciser le motif.

Dégagé de toutes mes obligations, dépanné financièrement par l’ami Gérard, je prends la route avec le fol espoir de créer une heureuse surprise à Laure. Ce vif désir de la retrouver est la preuve qu’elle s’impose à moi. J’ai besoin d’elle, j’ai besoin de l’équilibre apporté par son amour. L’attente due à ma vie d’étudiant sera assez longue pour vérifier l’authenticité de nos sentiments. Je sais que je serai fidèle à mon engagement et je n’ai aucune raison de douter de sa sincérité. Ma mère est surprise de me voir arriver pour le repas de midi, se réjouit d’apprendre que je viens de rencontrer une jeune fille sérieuse. Mon père me glisse un gros billet, une larme à l’œil et me souhaite bonne chance. Merde, me dit ma sœur.

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