L'Importun 2

L’importun 2

Un malaise s’établit entre époux . Je ne parle pas de mes doutes. Nous avons du mal à nous regarder Marie nie l’existence d’une relation sexuelle avec Sylvain alors que je ne lui ai rien demandé. Pourquoi a-t-elle cette attitude défensive ?

– Non, même pas une attirance sentimentale ! Alors tu penses bien qu’il n’a reçu ni baiser ni autre contact physique, encore moins un rapport sexuel. Je serais une femme indigne.

Ma colère n’a pas seulement fait fuir l’intrus, elle a eu les meilleurs effets sur ma femme. Elle traite le jeune homme de pot de colle, me remercie de l’avoir délivrée de cet encombrant harceleur vicieux. Autant elle paraissait sincère lorsqu’elle annonçait les épreuves qui lui permettraient de départager le mari et le soupirant, autant elle s’efforce de me rassurer et de me persuader que Sylvain ne comptait absolument pas pour elle. L’invention d’épreuves pour départager les deux hommes cachait en réalité son intention claire d’éliminer le prétentieux qui disait tout savoir et tout mieux accomplir pour éblouir une femme.

– Tu penses ! N’ai-je pas manœuvré habilement avec l’ennuyeux théoricien des relations libérées entre sexes ? J’ai fait semblant de gober ses histoires pour mieux me défaire de lui. Hélas, plus je l’écoutais, plus ses descriptions devenaient hardies et même crues ; je pourrais dire « obscènes » Et toi qui ne comprenais pas mon double jeu, tu as été magnifique lors de ta dernière intervention. Ouf, il ne reviendra plus, merci mon vaillant mari. Comment te remercier mieux ?

– C’est tout simple. Fi des paroles, passe aux actes. Annule la règle qui régente nos rapports sexuels. Finis les relations ordonnées par le calendrier rigide de nos promenades, finie la limitation en nombre de relations par semaine et retour à la spontanéité, retour à la satisfaction du désir quand il se manifeste. Tu t’es amusée à me faire peur en utilisant Sylvain en guise d’épouvantail, tu as donc une dette d’amour à éponger envers moi.

A l’avenir je veux rétablir les câlins de midi quand cela me chante, aussi brefs soient-ils. Même bâclés, ils auront le mérite de nous rapprocher comme aux temps anciens.

– Veux-tu me dire qu’ils t’ont manqué et que leur suppression t’a rendu malheureux au point de t’amener à croire que je t’étais infidèle avec l’autre énergumène ? Tu auras tout ce que tu demandes. Je ne me sens pas assez cruelle pour refuser le retour à cette pratique. C’est tout ?

– Oh non ! Pour chasser les démons de la jalousie, je réclame un passage à l’acte immédiat.

– Si on commençait et terminait notre repas ?

- Meurs-tu de faim ? Moi je meurs d’envie de te faire l’amour. Après tu pourras satisfaire ton estomac. En premier aimons-nous fort pour oublier cette histoire.

Marie se fait docile pour prouver combien elle m’aime, pour me faire oublier son projet de tâter du Sylvain, de se montrer nue devant lui, de mettre à l’épreuve ses capacités amoureuses avant de l’admettre dans notre lit sous prétexte de modernité. Oui, elle a beaucoup à se faire pardonner, combien même ces projets obscènes eussent-ils servi uniquement à tromper ce soupirant méprisable. En cet instant, elle ne peut rien refuser au mari qu’elle a humilié et blessé involontairement, selon ce qu’elle en dit depuis la fuite du prétentieux bonhomme. Il est absent, il a tort !

J’éprouve un malin plaisir à reprendre mon rôle de mari, d’être là, seul, à la place de celui qui espérait démontrer que sa jeunesse fougueuse et inventive l’emporterait sur l’inévitable lassitude d’un mariage en déclin. Il pensait me vaincre, il se croyait mieux armé que l’époux routinier par définition, selon ses codes. Plus fervent et donc plus efficace, Il promettait du nouveau, du nouveau tout beau, tout chaud. Dans ses plans, j’assurerais le traintrain quotidien, lui créerait la surprise, il attiserait le désir, apporterait des combinaisons inédites, des trouvailles sexuelles possibles uniquement à trois exécutants au moins !

Je viens de déboutonner la blouse de Marie.
Le vague de son regard signifie-t-il qu’elle attendait les gestes d’autres mains que les miennes ? Je dégrafe son soutien-gorge tout neuf et j’englobe dans mes mains ses seins moelleux. Elle laisse faire, mais rêve-t-elle encore de sentir sur ses aréoles des doigts ravageurs à la place de mes tendres caresses ? Quand j’enlève la jupe, je constate l’absence de culotte, Marie prend un air gêné. Je suis consterné, depuis quand ma femme court-elle cul nu sans que je m’en sois aperçu ? Pour moi c’est un fait exceptionnel, même si elle est à la maison. Où est passée la culotte ? A-t-elle payé le collier ? A-t-elle été enlevée pour faciliter des contacts ? A-t-elle été échangée contre le collier ? Dans mon cerveau les éclairs se croisent à la vitesse de la foudre. J’ai étreint mon épouse, je caresse lentement son corps délicieux et je cogite.

Ainsi dévêtue Marie est prête à recevoir caresses et pénétration sexuelle, mais pour qui était-elle prête? Elle était pressée de se laisser pénétrer. Par moi ? j’étais absent. Par qui alors ? Eh ! qu’e n’attendait-elle pas du prêcheur des principes nouveaux à propos des relations sexuelles. Il avait dû consacrer pas mal de temps à l’endoctriner : en combien de rencontres tenues secrètes ?

S’il m’était arrivé de parler de partager notre lit avec un tiers, Marie m’aurait sèchement rabroué, traité de cochon, d’obsédé sexuel, de gros salaud ! Or Sylvain venait d’être entendu sur ces sujets, devant moi en plus, sans créer de scandale, sans faire rougir ma femme jusqu’alors si réservée. La passivité bienveillante de Marie, puis la mise en place d’épreuves au cours desquelles seraient comparés les mérites réciproques du mari et de cet étrange hôte quasi inconnu : ça prête à réflexion. De même avais-je été seul à m’indigner des projets de sodomie tous azimuts de l’intrus.

M’enculer ou enculer Marie ou se faire enculer était pour lui chose naturelle, normale, recommandable, presque obligatoire pour être dans le vrai.
La double pénétration d’une femme par deux hommes devenait un raffinement réservé aux esprits de progrès, à l’élite dont nous devrions faire partie, un exercice à placer au summum du plaisir. Marie buvait ces versets d’un évangile nouveau, persuadée qu’il convenait d’expérimenter sans délais ces voies de la sagesse moderne.

Celui auquel elle souhaitait ardemment s’unir charnellement, au moment de faire disparaître la gênante culotte, ce n’était pas moi à l’origine. Car ce soir de son anniversaire ne tombait pas un des trois soirs hebdomadaires qu’elle me consacrait traditionnellement. Bien que, à l’occasion de son anniversaire elle eût pu faire une exception. J’aurais aimé cette exception en ma faveur. Les circonstances et indices relevés jouaient plus en faveur de Sylvain. Plus j’y pense, plus je suis malheureux de penser que ces deux complices s’apprêtaient à un coït vite fait, que mon retour avait dérangé. Quand ils avaient entendu le moteur de ma voiture, Sylvain si inventif lui avait soufflé l’idée de partage dans le trio épouse- mari -amant. D’où l’histoire stupide de comparer le mari avec l’amant de fait ou potentiel seulement. C’est l’hypothèse qui me conviendrait le mieux.

Dans le fond, ma colère avait été trop tardive et ma patience maintenant me semble coupable. J’ai attendu trop longtemps avant de jeter Sylvain à la rue. Comment ai-je pu entendre parler d'épreuves auxquelles je serais soumis à égalité avec ce nouveau venu. Comment ai-je pu tolérer que ma femme me compare d'une façon ou d'une autre à ce quasi inconnu ? Marie s’est-elle rendu compte de l'affront qu'elle infligeait à son mari. Sa conduite a éveillé nécessairement la méfiance. Vexé je vais scruter les détails, je voudrai savoir ce qui s'est passé avant mon retour à la maison entre cet invité inattendu et la femme qui m'humilie en établissant des comparaisons qui n'ont pas lieu d'être ? Ma femme a été endoctrinée, n'a-t-elle été endoctrinée que théoriquement ou l'a-t-elle été aussi pratiquement aux cours d'exercices sexuels passés ou en cours ? Et l'acceptation du cadeau indique, par la position du collier autour du cou de mon épouse, que des gages ont été donnés ou étaient sur le point d’être accordés.

Imaginez Sylvain en train de poser le collier autour du cou de sa proie ; par devant, il envoie les extrémités de chaque côté du cou et frôle la poitrine, puis voyez-le passer par derrière, en train de le faire coulisser sous la chevelure soulevée les anneaux afin de fermer le cercle : aura-il évité le baiser dans la nuque, les contacts avec les seins, les bras ou les fesses de ma femme ravie de recevoir cette preuve d'admiration, contente de se sentir appréciée par un jeune homme de douze ou quinze ans plus jeune qu'elle. N’aura-t-il pas plutôt exploité les contacts pour troubler les sens de l’épouse tentée. Alors que lui a-t-elle permis en retour quand ils n'étaient que deux ? Qu’a-t-elle pu refuser en contrepartie du bijou et des gestes tendres ou caresses ? Si on la voit approuver ensuite devant le mari ce qu'en général on désigne comme des horreurs, ces déviances sexuelles portées aux nues sans pudeur, seul le manque de temps expliquera une fidélité de corps quand le cœur défaillait déjà.

Comme le dit une lectrice : « Pauvre Jean, tu as du souci à te faire ! De grâce, ne sois pas aveugle. Marie est inconsciente mais provocatrice, volontairement ou non » Méfiance, c’est un caméléon qui s’adapte aux situations les plus variées.

Marie avait été excellente comédienne. Son repas devenait le repas du con, moi, qui devait applaudir, du bord du lit, les amours de Sylvain et Marie, avant peut-être d’être généreusement admis à partager la couche, en récompense de sa complaisance. Il les accompagnerait dans des exercices imposés par ces amants modernes, à l’esprit ouvert, esprit ouvert à l’exemple du vagin féminin communément offert aux deux mâles ou des trois anus à explorer dans la soirée inaugurale. Si j’avais bien compris, ce n’était qu’un début, le lancement du paradis sexuel qui établirait la présence indispensable et continue de ce cher Sylvain dans notre demeure, en qualité de conseiller et de complément de la cellule du parfait bonheur partagé. On pourrait nous citer en exemple.

Mon rejet brutal de la sodomie à pratiquer sur moi par son éventuel amant, (éventuel rien n’étant encore prouvé,) s’était soldé par un retournement spectaculaire de ma femme, toujours aussi bonne comédienne dans un nouveau rôle ; Sylvain en fuite était le coupable. Je l’avais libérée fort opportunément de l’importun qui se montrait partout où nous passions et qui aurait voulu lui imposer des relations déshonorantes. Par bonheur, grâce à moi, son honneur a été préservé.

Reste à savoir si mon retour n’avait pas trop tardé et si donc l’adultère n’était pas consommé, un peu ou beaucoup ou pour la première fois. Voilà ce que m’inspire ce repas raté et l’absence étonnante de culotte au moment où ma femme se frotte contre moi et se prépare à m’aimer. Sylvain parti je suis le mieux à même de tirer profit de sa hâte visible à copuler. Elle est chaude, comme chatte en chaleur.

Je devrais me réjouir d’avoir les atouts en main. Mais…mais la nudité de Marie met en évidence le fameux collier payé par Sylvain. Encore un signe inquiétant pour moi. Elle suit mon regard, voit pourquoi je m’arrête, paralysé par ce souvenir abandonné par le tentateur sur elle, insolite sur sa nudité. Elle lit dans mes yeux le bouleversement qui m’accable et elle aimerait se défendre du retour de la suspicion. Certes je n’exprime pas mes soupçons, mais l’orage gronde dans ma tête et parfois mes mains tremblantes se font moins douces sur sa peau. Ce collier, pour moi, est un indice de complicité, sa présence en ce moment renverse le contenu du discours, accablant pour le donateur disparu, de la femme. Quoi qu’elle dise, elle l’avait accepté, il brille avec éclat sur sa peau, témoin embarrassant d’une erreur de jugement pour le moins ou d’une connivence cachée. Mieux que je ne saurais le faire avec des mots, l’objet si « cher » accuse parce que d’abord elle a consenti à s’en parer et parce qu’ensuite elle l’a gardé.

– Oh ! mon Dieu, pardon, je n’y pensais plus. J’aurais dû le lui jeter à la figure. D’autant plus que tu m’as acheté le même. Viens, échangeons, je porterai le tien et je rendrai celui-ci à Sylvain.

– As-tu l’intention de le revoir pour lui resti le collier ? Supporteras-tu encore la vue de l’homme qui voulait me remplacer ? Le rappelleras-tu, ici ou ailleurs au risque d’être e ? Tiens-tu encore un peu à lui ? J’en serais désolé, tu ne l’as que trop fréquenté. S’il te plaît, remets -moi son collier et donne-moi l’adresse de l’intéressé.

– Il habite à…

- Achève ta phrase ou je croirai que tu ne veux pas que je lui rende la parure et que tu tiens fortement à t’excuser de ne pas la conserver.

Marie vient de se trahir, elle me communique l’adresse de Sylvain. Elle sait sur lui plus de choses qu’elle ne le disait. Elle tend une main afin que je remplace le collier de Sylvain ? Celui-ci est plus léger que le mien… C’est de la pacotille de bimbeloterie, une imitation destinée à créer l’illusion, achetée pour quelques euros sur le marché. Quel cadeau et pourtant il achetait les faveurs de Marie. Enfin, le cadeau était-il obligatoire pour qu’elle ouvre les cuisses ? Je garde ces réflexions pour moi.

- Excuse-moi, ma chérie, si j’accrochais mon collier à ton cou, chaque fois que je le verrais, il me rappellerait celui que tu viens d’enlever et toute la signification que j’attache à ce cadeau démesuré de la part de quelqu’un qui ne faisait pas partie de nos connaissances, amis ou parents proches. Il me remémorerait les instants difficiles que je viens de vivre. Le souvenir restera douloureux. Voudrais-tu me faire souffrir davantage ? Je trouverai une autre façon de fêter ton 38e anniversaire et de te montrer mon amour.

Ah ! Oui ! Qu’est-ce que c’est ? Tu as prévu un autre cadeau ?

-Laisse-moi un peu de temps, je veux t’offrir un cadeau vraiment digne de l’épouse fidèle que tu as été.

Saisit-elle l’ironie de mon propos ? Je n’insiste pas. Il y a mieux à faire si je veux reconquérir le cœur et le corps d’une épouse déboussolée.


Merci à la personne qui a commenté le chapitre précédent et m'a inspiré ici en partie.

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